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La Traviata entre les mains des femmes

Marseille
Opéra
06/17/2014 -  et 18, 19, 20, 21, 22 juin 2014
Giuseppe Verdi : La traviata
Zuzana Marková*/Mihaela Marcu (Violetta), Teodor Ilincãi*/Bïlent Bezdüz (Alfredo Germont), Jean-François Lapointe*/Florin Estefan (Giorgio Germont), Jean-Marie Delpas (le Baron), Christophe Gay (le Marquis), Alain Herriau (le Docteur), Carl Ghazarossian (Gaston de Letorières), Camille Tresmontant (Giuseppe)
Chœur de l’Opéra de Marseille, Pierre Iodice (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra de Marseille, Eun Sun Kim (direction musicale)
Renée Auphan (mise en scène), Christine Marest (décors), Katia Duflot (costumes), Roberto Venturi (lumières)


Z. Marková, J.-F. Lapointe (© Christian Dresse)


Bien qu’il ne s’agisse plus de bicentenaire, l’Opéra de Marseille, à l’instar de Lyon ou Rennes, referme sa saison avec Verdi, et avec peut-être l’un de ses plus symboliques chefs-d’œuvre, La Traviata. La régie en a été confiée à l’ancienne directrice artistique de la maison, Renée Auphan, qui n’a nullement cherché à trahir le climat de la pièce au profit d’une relecture succombant aux poncifs de la modernité. Ainsi le destin de Violetta se joue-t-il dans un décor aux tons boisés habillé de fenêtres et d’armoires: un salon d’intérieur comme celui des demi-mondaines de l’époque romantique, qui prend les couleurs voulues par l’évolution des lieux et de l’intrigue – pastorales dans la retraite de Bougival, étoffées pour la fête chez Flora, blafardes et dépouillées dans sa chambre d’agonie. A défaut de dire quoi que ce soit d’innovant sur l’ouvrage, la scénographie de Christine Marest décrit les atmosphères et ce premier degré souligne les affects et les sentiments, en particulier chez l’héroïne, grâce à un travail sur les expressions faciales et une attention à certains mots, à l’instar du «E strano», que la courtisane reprend aux moments-clefs de son destin et qui reçoit ici un écho sensible. S’il n’a pas la puissance dérangeante de lectures plus engagées, un tel travail n’en demeure pas moins estimable quant à son attention au texte musical.


Afin de faire face au rythme quotidien de représentations, l’Opéra de Marseille a programmé une double distribution sur les six de la semaine, avec une alternance pour les rôles principaux. C’est le premier des deux plateaux que nous avons entendu, avec la Violetta de Zuzana Marková, que la soprano tchèque tire vers l’agilité et la légèreté. Sa virtuosité ne se trouve jamais prise en défaut, mais elle sait aussi habiter son personnage avec une belle musicalité, que par exemple son «Dite alla giovine» murmuré avec une bouleversante égalité de souffle à la mesure des larmes qu’elle retient démontre remarquablement. Jeune certes, la soliste n’en est pas moins pleine de promesses. Celles que Teodor Ilincãi, Alfredo, avaient laissées il y a quelques saisons dans Roméo et Juliette de Gounod ne semblent pas avoir été tenues, ou plutôt elles ont passé comme les fleurs: il faut attendre le deuxième acte pour que la voix se libère de la gangue où elle s’était prématurée épaissie, et laisse entendre un éclat privilégiant parfois l’insolence à la maîtrise. Ce ne sont en revanche qu’éloges que l’on réservera au Germont de Jean-François Lapointe, incontestablement une des valeurs sûres du chant francophone, que l’on avait d’ailleurs applaudi pour son premier Golaud, à Nantes en avril dernier. Son incarnation du père d’Alfredo se place sur la pente ascendante de la maturité, et affirme une admirable sensibilité.


Côté comprimarii, on ne démérite pas, avec le Baron de Jean-Marie Delpas, ou encore le Marquis vif de Christophe Gay. Carl Ghazarossian fait un Létorières satisfaisant. Saluons l’Annina de Christine Tocci et la Flora sophistiquée de Sophie Pondjiclis. Alain Herriau se distingue en Docteur vigilant, tandis que Camille Tresmontant réalise comme on s’y attend l’intervention de Giuseppe. Outre le chœur de la maison préparé par Pierre Iodice, c’est la direction intuitive d’Eun Sun Kim que l’on applaudit à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille. De cette Traviata phocéenne, ce sont les femmes qui tiennent les rênes.



Gilles Charlassier

 

 

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