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L’élégance de Kent Nagano

Paris
Salle Pleyel
05/16/2014 -  
Arnold Schoenberg : Begleitmusik zu einer Lichtspielszene, opus 34
Wolfgang Amadeus Mozart : Ah, lo previdi, K. 272 – Misera, dove son!, K. 369 – Un moto di gioia mi sento nel petto, K. 579
Anton Bruckner : Symphonie n° 3 en ré mineur (version 1889)

Susanne Elmark (soprano)
Orchestre philharmonique de Radio France, Kent Nagano (direction)


K. Nagano (© Felix Broede)


Une fois encore, on ne pourra que regretter le manque d’harmonisation des programmations musicales parisiennes. Certes, «abondance de biens ne nuit pas», mais, pour l’amateur brucknérien, comment ne pas regretter que, le même soir où le Philharmonique de Radio France affiche la Troisième Symphonie, l’Orchestre de l’Opéra national de Paris joue la tout aussi rarement donnée Deuxième Symphonie? Bref, le choix était difficile mais, Kent Nagano ayant fourni de nombreuses preuves de ses affinités avec la musique du maître de Saint-Florian, on a donc opté pour le concert du Philhar’...


En dépit d’une Salle Pleyel relativement peu remplie, le concert au programme entièrement viennois s’annonçait prometteur. Pourtant, la première partie fut finalement assez insignifiante. L’orchestre et le chef ne sont nullement en cause mais force est de constater que la Musique d’accompagnement pour une scène cinématographique composée par Arnold Schoenberg (1874-1951) en 1930 ne suscite guère d’enthousiasme. Tout est ici affaire d’atmosphères et à ce jeu-là, les musiciens répondent parfaitement. Les mélodies donnent à entendre une sorte de course-poursuite dont le climax est atteint par l’intervention du gong et des timbales, les bois étant fortement sollicités par ailleurs à commencer par le pupitre de clarinettes. Pour autant, avouons que cette œuvre ne laisse guère de souvenir sitôt la dernière note retombée.


Ensuite, changement total d’ambiance avec trois airs de concert de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) chantés par Susanne Elmark, qui remplaçait Christine Schäfer, souffrante. Ces trois airs permettent à la très belle soprano danoise de faire montre de ses facilités vocales, sa technique lui ayant notamment permis de chanter ses aigus avec une facilité déconcertante: quel passage que ce si délicat «Ah, non partir, ombra diletta» (au sein du premier air) qui, accompagné par le toujours aussi délicat hautbois d’Hélène Devilleneuve, n’est pas sans rappeler l’air «Ruhe sanft» de Zaïde du même Mozart! En revanche, on sera davantage réservé en l’entendant chanter dans une tessiture de médium où elle peine un peu, manquant en quelques occasions de chair et de clarté. L’Orchestre philharmonique de Radio France s’avère être pour sa part un accompagnateur idéal, Nagano veillant à caractériser chaque air (dramatique dans le premier, totalement joyeux dans le dernier) autant que la chanteuse. Regrettons là aussi que ce répertoire ne soit pas plus souvent donné en concert tant il est rafraîchissant et plein de subtilités mélodiques.


Kent Nagano a enregistré plusieurs symphonies d’Anton Bruckner (1824-1896) à la tête du Deutsches Symphonie-Orchester Berlin (dont il fut chef titulaire de 2000 à 2006) et de l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise. En outre, à la tête de l’Orchestre symphonique de Montréal (dont il est chef titulaire depuis 2006, son contrat venant justement d’être renouvelé jusqu’en 2020), Kent Nagano a l’occasion de régulièrement programmer les symphonies de Bruckner, qu’il s’agisse de la Neuvième, de la Quatrième ou de la Sixième. Si son enregistrement de la Troisième (symphonie dédiée à Richard Wagner) avait alors opté pour la version originale de 1873, Kent Nagano a ce soir choisi l’édition la plus généralement donnée, également éditée par Leopold Nowak, et qui date de 1889, époque à laquelle Bruckner avait également entrepris de réviser sa Huitième Symphonie.


D’emblée, ce qui étonne, et ce qui séduit, c’est la clarté du discours musical. Aidé par une gestique tout en finesse qui n’est pas sans rappeler celle de son mentor Seiji Ozawa (dont il a été l’assistant à Boston à la fin des années 1970), il impose un climat marqué par une incontestable grandeur où l’équilibre entre pupitres est parfait. Les tutti de cordes sont imposants à défaut d’être toujours soyeux (à l’exception des violoncelles), les bois sont impeccables; tout au plus peut-on regretter que les cors ne donnent pas davantage de la voix. Le premier mouvement (Gemässigt, mehr bewegt, misterioso) est conduit d’une main de maître, la coda finale magnifiant le thème qui lui sert de fil directeur. Le deuxième mouvement (Adagio quasi andante) est lui aussi très bien fait: heureusement car c’est certainement le mouvement le plus complexe de la symphonie puisque, à l’instar du deuxième mouvement de la Cinquième par exemple, il multiplie les thèmes qui, si le chef n’a pas d’idée précise que ce qu’il souhaite en faire, risquent de donner un discours fort décousu. Rien de tel ce soir, Nagano allie parfaitement la méditation et «le drame sous-jacent» comme le souligne à juste titre Langevin dans son ouvrage consacré au compositeur autrichien. Après un Scherzo mené tambour battant mais là encore tout en délicatesse (le chef n’hésitant pas à presque se tourner vers le public lors d’une envolée de ses bras ou de sa baguette), le chef américain et le Philharmonique de Radio-France conclurent la symphonie par un Finale aux accents wagnériens évidents, permettant aux cuivres de jeter leurs dernières forces. C’est donc avec raison que le public salua avec enthousiaste la performance de ce soir, nous laissant espérer de plus fréquentes venues de Kent Nagano en France, et notamment à la tête du Philhar’ avec lequel le courant passe sans ombre aucune.


Le site de Kent Nagano
Le site de Susanne Elmark



Sébastien Gauthier

 

 

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