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Entre maturité et premiers pas

Paris
Palais Garnier
05/03/2014 -  et 4 (^#), 5 (*+#), 8 (#), 9 (*+^#), 10 (*+#), 12 (#), 13 (*+&#), 15, 16 (^), 17, 19 (&#), 20 (^), 21 (&+) mai 2014
Christoph Willibald Gluck : Orphée et Eurydice
Stéphane Bullion/Florian Magnenet (*)/Nicolas Paul (&) (Orphée, danseur), Maria Riccarda Wesserling/Agata Schmidt (^) (Orphée, chanteuse), Marie-Agnès Gillot/Alice Renavand (* &) (Eurydice, danseuse), Yun Jung Choi (Eurydice, chanteuse), Muriel Zusperreguy/Charlotte Ranson (+)/Letizia Galloni (&) (Amour, danseuse), Jaël Azzaretti (Amour, chanteuse), Ballet de l’Opéra national de Paris
Balthasar-Neumann Ensemble & Chor, Manlio Benzi (#)/Thomas Hengelbrock (direction)
Pina Bausch (chorégraphie et mise en scène), Rolf Borzik (décors, costumes et lumières), Hans Pop (assistant de la chorégraphe), Dominique Mercy, Malou Airaudo, Mariko Aoyama, Bénédicte Billiet, Joséphine-Ann Endicott (répétitions), Marion Cito (réalisation des costumes), Madjid Hakimi (réalisation des lumières)


(© Agathe Poupeney/Opéra national de Paris)


Depuis sa création en 1975 par le Tanztheater Wuppertal, la chorégraphie de Pina Bausch sur l’Orphée et Eurydice de Gluck est devenue un classique, et c’est avec raison que l’Opéra de Paris a inscrit cet «opéra dansé» à son répertoire en 2005. La «Grande Boutique» la reprend cette saison pour la troisième fois (voir par ailleurs ici), et l’on y retrouve la plupart des protagonistes qui ont fait le succès des précédents cycles parisiens.


A commencer par le Balthasar-Neumann Ensemble & Chor, qui, à rebours du végétarisme – jadis – prôné par certains baroqueux, résonne sous la baguette de Manlio Benzi avec une remarquable densité. L’on ne peut que se réjouir d’entendre des bois riches et corsés, et une longueur de souffle qui donne une juste ampleur à l’ensemble, en particulier aux cordes, sans céder à quelque épaisseur que ce soit. Zébrée d’âpres accents, au diapason de l’économie gluckiste, la battue du chef italien fait fructifier le travail de Thomas Hengelbrock, qu’il a mûri depuis les dernières séries de 2012, affirmant avec plus d’assurance une intéressante personnalité, rigoureuse autant qu’inspirée. L’essence du drame est soulignée de manière dépouillée, répondant ainsi exactement aux intentions de la mise en scène.


La maturation se vérifie également dans l’Orphée de Maria Riccarda Wesserling, douée d’une incontestable présence qui ne s’évalue pas seulement du point de vue purement chronométrique, et que ne sauraient ternir des graves plus assombris qu’épanouis. Ce poète vibre assurément avec intensité et porte l’ombre de son envergure jusque sur l’Eurydice chantée sans faux pas par Yun Jung Choi. Cette noblesse expérimentée contraste sur l’innocence avec laquelle Florian Magnenet endosse pour la première fois le costume d’Orphée. Ses regards rêveurs, perdus dans l’au-delà où sa moitié est retenue, ne dissimulent pas une prudence compréhensible. Cet amant éploré reste encore un peu trop dans ses chaussons pour rendre émouvante une touchante juvénilité, sobre à défaut de révéler l’étendue de son potentiel expressif. Il revient ainsi à Alice Renavand de le faire vibrer. Racée voire altière, presque dure parfois quand elle mendie l’attention de l’époux, l’étoile fait palpiter l’inquiétude du personnage qui irradie jusque dans sa mort, résumée à l’épure. Orphée n’a plus qu’à suivre le sillon qu’elle vient de tracer, dans une superposition de corps, métaphore des noces entre chant et danse que célèbre ici Pina Bausch.


N’oublions pas la fraîcheur du babil de Jaël Azzaretti, qui sied assurément à Amour auquel donne forme Charlotte Ranson, ravissante apparition dont l’exquise fluidité fait regretter la brièveté. Pour la vigueur, si ce n’est la violence, on peut compter sur les Furies auxquelles confèrent puissance Aurélien Houette, Alexis Renaud et Vincent Cordier. Enfers et espérance n’ont alors que faire de décors et de concepts, tout le sang du mythe coule ici dans les veines des interprètes, dont on mesure et ressent la pulsation.



Gilles Charlassier

 

 

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