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Festival Rossini : ouverture sans panache

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/07/2014 -  et 11, 13, 15, 17 avril 2014
Gioacchino Rossini : Otello
John Osborn (Otello), Cecilia Bartoli (Desdemona), Edgardo Rocha (Rodrigo), Barry Banks (Iago), Peter Kalman (Elmiro), Liliana Nikiteanu (Emilia), Nicola Pamio (Le Doge), Enguerrand De Hys (Un gondolier)
Chœur du Théâtre des Champs-Elysées, Ensemble Matheus, Jean-Christophe Spinosi (direction)
Moshe Leiser et Patrice Caurier (mise en scène), Christian Fenouillat (décors), Agostino Cavalca (costumes), Christophe Forey (lumières)


C. Bartoli (© Vincent Pontet/Wikispectacle)


Otello de Rossini est quasi inconnu à Paris et ce n’est pas faute qu’il y ait été donné à l’époque de sa création; et dans ce même théâtre de l’avenue Montaigne, on se souvient d’en avoir entendu des extraits par Marilyn Horne et l’intégrale mis en scène par Jean-Pierre Ponnelle en 1986 avec rien moins que June Anderson en Desdemona. L’œuvre, cependant, avec une réputation de faiblesse dramaturgique qui n’est pas usurpée, a moins eu de fortune lors de la Rossini revival de la fin du siècle dernier comme en ont eu Tancrède ou Le Siège de Corinthe. Pour inaugurer son festival Rossini, le Théâtre des Champs-Elysées a fait appel à une grande star de la sphère lyrique européenne, Cecilia Bartoli, que l’on n’avait pas vue en costumes depuis de lointains Chérubin à l’Opéra de Paris il y a vingt-cinq ans. Il a fait venir de Zurich, où cette chanteuse adulée chante des rôles scéniques de façon quasi exclusive, la production, déjà vue par ailleurs au Vlaamse Opera, signée Moshe Leiser et Patrice Caurier, un tandem de metteurs en scène qui dans le passé a été capable du meilleur comme du pire. Le reste est moins glorieux: l’Ensemble Matheus dirigé par Jean Christophe Spinosi a réussi le tour de force de se faire huer et le reste de la distribution naviguait entre méritant et insuffisant. On l’aura compris, cette ouverture du festival Rossini, quoique très médiatisée par la star que l’on y a fait briller, n’aura pas eu le panache qu’elle aurait pu avoir.


Il est impossible en écoutant Otello version Rossini de ne pas penser à Verdi et à Shakespeare. Les sources de son librettiste Francesco Berio de Salsa se situent plutôt dans la littérature italienne et dans une traduction française trafiquée de l’Othello de Shakespeare. L’intrigue, beaucoup plus sociale que passionnelle, tourne autour de la non-acceptation de la négritude d’Otello, et la passion pour Desdemona ainsi que la jalousie sont gommées au point de presque disparaître. Le personnage de Desdemona, une véritable rebelle, gagne en revanche en relief et en caractère. La musique est aussi très déroutante. Beaucoup de récitatifs accompagnés, peu d’airs mais beaucoup d’ensembles, pas mal de longueurs et, fait remarquable, aucun duo d’amour entre les deux protagonistes.


La mise en scène de Caurier et Leiser, purement et hautement illustrative, ne résout en rien ces problèmes inhérents à l’œuvre et, surtout, ne le tente pas. Très décorative à la mode actuelle, elle emprunte à l’esthétique des metteurs en scène à la mode du moment. Le premier acte pourrait être signé Tcherniakov, mais n’est pas Tcherniakov qui veut, car il ne suffit pas de transformer les choristes en convives d’un cocktail ou d’un dîner, mais aussi de savoir les faire bouger. Desdemona écrit sur le mur de sa chambre au troisième acte une pensée bien profonde sur les meilleurs souvenirs de la vie à l’aide d’un fusain – en fait, les paroles de la chanson du Gondolier, «Nessun maggior dolore che ricordarsi del tempo felice» («Il n’y a pas de douleur plus grande que de se souvenir des jours heureux»). On a beaucoup vu cela chez Olivier Py, etc. Pour l’avoir beaucoup pratiquée, ces metteurs en scène savent que Cecilia Bartoli n’est pas une comédienne aguerrie. Ses mimiques peuvent être irrésistibles mais est-ce vraiment l’aider que de la montrer dans une robe noire de serveuse de café ou en nuisette au dernier acte? Le reste navigue entre tenues militaires et tenues de soirée, sauf dans le repaire d’Otello, où le négligé est de rigueur autour d’un fatras de tables, chaises, billard et réfrigérateur. On comprend parce que l’on connaît, mais rien ne permet de rêver à Venise sinon, seule idée à peu près convaincante, l’apparition du Doge un peu gâteux pour décorer Otello victorieux au I. MM. Caurier et Leiser auront au rideau partagé sifflets et applaudissements, ce qui, à Paris, est un gage de réussite.


Cecilia Bartoli, on l’a dit, a brillé pendant la soirée, et surtout dans sa deuxième partie, où elle tient, avec l’air du Saule et l’affrontement avec le Maure, deux grands morceaux de bravoure. Rien n’a déçu, hormis la difficulté de croire en son personnage: timbre de rêve, pyrotechnie vocale et art du bel canto achevé. Mais Rossini a corsé le propos en ajoutant à sa distribution trois ténors ayant, eux, à chanter des difficultés redoutables. John Osborn (Otello), Edgardo Rocha (Rodrigo) et Barry Banks (Iago), sans franchement démériter, n’ont jamais dépassé le minimum requis. On a trouvé plus de talent à l’Emilia de Liliana Nikiteanu (qui, quoiqu’attifée en gardienne de musée, avait plus de classe que Desdemona dont elle est la suivante) et à Peter Kalman, Elmiro le père de Desdemona.


Mais le pire venait de la fosse! Comment avoir pu faire confiance au maigre Ensemble Matheus, dont l’absence de son n’apporte ni étoffe ni soutien aux chanteurs et dont les vents, dès les premières notes de l’Ouverture, avaient décidé d’afficher le plus grand débraillé? La direction très hectique de Jean-Christophe Spinosi ne donnait jamais l’impression de savoir vraiment comment mener le drame.



Olivier Brunel

 

 

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