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Une Italienne éventée

Paris
Palais Garnier
03/31/2014 -  et 2, 4, 7, 9, 12, 17, 21, 23 avril
Gioachino Rossini : L’Italiana in Algeri
Ildebrando d’Arcangelo (Mustafà), Jaël Azzaretti (Elvira), Anna Pennisi (Zulma), Nahuel Di Pierro (Haly), Kenneth Tarver/Antonino Siragusa* (Lindoro), Varduhi Abrahamyan (Isabella), Tassis Christoyannis (Taddeo)
Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, Riccardo Frizza (direction musicale)
Andrei Serban (mise en scène)


(© Opéra national de Paris/Eric Mahoudeau)


Génial Rossini : à vingt-et-un ans, il compose L’Italienne à Alger, son premier chef-d’œuvre buffa, une partition virevoltante où la tendresse amoureuse s’épanche en des pages magnifiques. Un hymne comique à la ruse féminine : l’Italienne dupe le bey qui l’a enlevée et repart avec le Lindoro de son cœur. Pâtes, pizza, maffiosi vêtus de noir, croisières en Méditerranée, naufrage du Titanic, hammam avec eunuques ventrus et fessus, émir vaniteux et lubrique maniant bijoux et kalachnikov : la production d’Andrei Serban, inaugurée en 1998, reprise en 2004 et 2010, joue avec tous les clichés et multiplie les clins d’œil, notamment érotiques – l’acrobate enlaçant un mât, au début, le canapé rouge en forme de lèvres, la peau de tigre dont on agite la queue pendant le duo entre Isabella et Mustapha. On lorgne plutôt du côté de la comédie musicale, notamment par la chorégraphie. L’impression reste la même que lors de la dernière reprise : avec le temps, le spectacle semble aimablement convenu, alors qu’il pouvait décoiffer davantage il y a quinze ans. La bouffonnerie grotesque, qui pouvait agacer, s’est un peu émoussée et on y gagne plutôt. Mais la production a également perdu de son rythme. Moins, peut-être, à cause de la mise en scène elle-même qu’à cause de la réalisation musicale : le champagne rossinien s’est éventé. Si l’on regarde avec plaisir, on reste sur sa faim.


Riccardo Frizza, d’abord, se montre trop sage alors qu’il met en valeur les pupitres de l’orchestre – très beaux solos dans les airs concertants. L’Ouverture témoigne d’emblée d’un souci de finesse et d’équilibre qui ne se démentira pas – passons sur les décalages inhérents aux premières. Mais la musique ne pétille pas assez, faute aussi d’une distribution idoine. Les clés de fa déçoivent : Ildebrando d’Arcangelo surprend par une voix ternie dont les extrêmes se dérobent, peinant à se projeter, surtout au premier acte, et par une colorature approximative – Mustafà a été créé par le fameux Galli, le premier Assur de Sémiramis. Le Taddeo de Tassis Christoyannis, malgré ses dons de comédien, n’a pas davantage de relief : on ne reconnaît guère dans cette émission engorgée le baryton qui portait si beau en Valentin ou en Montfort des Vêpres siciliennes. L’excellent Nahuel Di Pierro, en revanche, est parfait dans l’air du modeste Haly.


Le Lindoro d’Antonino Siragusa – remplaçant Kenneth Tarver – incarne du coup le chant rossinien : émission haute, vocalisation agile, sens du cantabile, variation des reprises. Mais il l’incarne par défaut : le temps n’émousse pas l’aigreur du timbre, la voix trompette et se trouve souvent sous tension. Varduhi Abrahamyan, enfin, laisse perplexe. On ne tient pas ici une Isabella : elle n’est ni un contralto rossinien ni une pétroleuse. Plutôt un mezzo, probe et stylé, au joli cantabile, à la colorature aisée, comme en témoigne le « Per lui che adoro ». Mais la projection se révèle modeste, le chant sans éclat, l’interprétation trop retenue. Ne serait-elle pas davantage une Cenerentola ?



Didier van Moere

 

 

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