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Triomphe vocal

Saint-Etienne
Grand Théâtre Massenet
03/21/2014 -  et 23, 25 mars 2014
Jules Massenet : Werther
Abdellah Lasri (Werther), Marie Kalinine (Charlotte), Damiano Salerno (Albert), Magali Arnault Stanczak (Sophie), Frédéric Goncalves (Le bailli), Eric Vignau (Schmidt), Christian Tréguier (Johann), Amélie Grillon (Kätchen), Corentin Backès (Brühlmann), Antoine Sastre (Un personnage du village), Jean-Claude Montagny (Le pasteur), Josiane Carle (La femme du pasteur)
Maîtrise du Conseil général de la Loire, Jean-Baptiste Bertrand (direction de la maîtrise), Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire, Laurent Campellone (direction musicale)
Laurent Fréchuret (mise en scène), Rudy Sabounghi (décors), Claire Risterucci (costumes), Laurent Castaingt (lumières)


(© Charly Jurine)


S’il est une maison où Jules Massenet se sent chez lui, c’est bien à Saint-Etienne, qui réveille en ce début de printemps l’haleine fétide du Werther inspirées par le roman de Goethe. Si les deux derniers actes – et en particulier le troisième qui condense les plus fameuses pages de la partition – captent aisément l’attention du spectateur, l’ouvrage met l’imagination du metteur en scène à l’épreuve. Laurent Fréchuret a réussi une entrée en matière efficace: dans un décor dessiné par Rudy Sabounghi, où dominent la frondaison et les troncs d’arbres, agréable à l’œil et évocateur de la pellicule d’innocence qui recouvre l’enfance, se noue le drame de l’amour qui lie Werther à une Charlotte promise à Albert, et l’ensemble évite la situation préliminaire où est souvent reléguée cette mise en place de l’intrigue.


Servie par des éclairages poétiques dus à Laurent Castaingt et des costumes sobres et presqu’intemporels que Claire Risterucci a dessinés, la production déroule l’action avec fluidité et n’achoppe que dans le finale. Hésitant entre l’artifice théâtral et le réalisme sous-jacent à la musique – l’économie, au plus près du texte, en fait l’exact opposé de la transsubstantiation verdienne où l’héroïne trépasse âme et voix déjà happées par les cieux – Werther entame son agonie étendu entre les bras de Charlotte avant de se lever soudain, pointant maladroitement le doigt vers quelque incertain au-delà et s’évanouir enfin de vie las. Cette maladroite compromission n’en reste pas moins une réserve mineure à un spectacle qui prouve que les formats plus intimes siéent mieux au chef-d’œuvre de Massenet que des Bastille en mal de cinématographe.


Usage consacré, la maison stéphanoise soutient de manière exemplaire la génération montante du chant français, preuve que celui-ci n’est point mort. Applaudi par le public parisien lors des deux dernières de Werther en février dernier, Abdellah Lasri recueille un succès mérité dans le rôle-titre, vaillant quand la souffrance et l’intensité des sentiments l’exigent, mais doué déjà d’un sens des nuances affirmé à l’orée d’une carrière qui s’annonce prometteuse. Son Werther vit et évolue au fil de la soirée d’une remarquable manière, et la maturation aidant, la sensibilité vocale contribuera sans nul doute à affiner l’aisance théâtrale. Face à lui, Marie Kalinine compose une Charlotte teintée de tourments, exhalant les tensions qui minent le personnage. Sophie au babil frais et brillant, Magali Arnault Stanczak constitue un parfait exemple de soprano à la française. Sous une mousseline de légèreté, elle distille une subtile mélancolie, pastel reflet de celle, plus dramatique qui étreint Charlotte et Werther. Dans ce puzzle amoureux, Damiano Salerno, remplaçant Alexandre Duhamel initialement prévu et appelé sous des toits plus internationaux, fait preuve de la présence requise pour Albert, quand bien même son français n’atteint pas l’excellence du reste du plateau.


Le reste de la distribution ne manque pas de faire honneur à l’ouvrage, à commencer par le bailli de Frédéric Goncalves, d’une solidité qui sied sans réserve à ce ministre des serments établis. Eric Vignau et Christian Tréguier forment en Schmidt et Johann une réjouissante paire. Outre les autres figures du drame, mentionnons la Maîtrise du Conseil général de la Loire, préparée avec soin par Jean-Baptiste Bertrand – la cacophonie du premier refrain «Noël» est habilement réussie, suivant en cela les indications du livret, sans sombrer pour autant dans le chaos. Et bien entendu, l’on ne peut manquer de célébrer la direction de Laurent Campellone, hissant l’Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire à un enviable niveau. Sa lecture avertie de la partition en souligne la richesse et l’impact dramatique, et ce dès le début de la soirée, renouvelant ainsi notre perception de l’œuvre.



Gilles Charlassier

 

 

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