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Ordinateur et TV à la cour impériale

Milano
Teatro alla Scala
03/02/2014 -  et 5, 8*, 11, 14 mars 2014
Nikolaï Rimski-Korsakov : La Fiancée du Tsar
Anatoly Kotscherga (Vasilij Stepanovic Sobakin), Olga Peretyatko (Marfa), Johannes Martin Kränzle (Grigorij Grigor'evic Griaznoj), Tobias Schabel (Maljuta Skuratov), Pavel Cernoch (Ivan Sergeevich Lykov), Marina Prudenskaya (Ljubasa), Stephan Rügamer (Elisej Bomelij), Anna Tomowa-Sintow (Domna Ivanovna Saburova), Anna Lapkovskaja (Dunjasa), Carola Höhn (Petrovna)
Coro del Teatro alla Scala, Bruno Casoni (préparation), Orchestra del Teatro alla Scala, Daniel Barenboim (direction musicale)
Dimitri Tcherniakov (mise en scène et décors), Elena Zilseva (costumes), Gleb Filschtinsky (lumières), Raketa Media (vidéo)


(© Brescia/Amisano-Teatro alla Scala)


Et de deux pour Dimitri Tcherniakov! Après sa très controversée Traviata pour l’ouverture de la saison 2013-2014 de la Scala, le metteur en scène russe présente à Milan sa version de La Fiancée du Tsar, le neuvième opéra de Rimski-Korsakov, composé en 1899. Le spectacle est une coproduction avec la Staatsoper de Berlin, où il a vu le jour en octobre 2013. L’ouvrage se déroule au XIe siècle, au temps d’Ivan le Terrible. Avec l’aide de sa police secrète, le tsar cherche, parmi la population féminine russe, celle qui deviendra sa femme. Omniprésent - tout le monde parle de lui à tout moment -, il n’apparaît cependant jamais sur scène, c’est un personnage invisible qui tire les ficelles de l’intrigue. Fort de ce constat, Dimitri Tcherniakov transpose le récit à notre époque et fait du tsar un personnage virtuel, que les membres de sa garde rapprochée décident de façonner au cours d’un « chat » sur leur ordinateur, un souverain dont les traits sont composés un par un en prenant comme modèles les grands hommes de l’histoire russe. Le « chat » et la naissance du visage du tsar projetés sur un écran géant sont particulièrement saisissants. Le choix de la future tsarine se fait ensuite grâce à la télévision, les candidates étant réunies pour une émission de téléréalité. Leurs portraits géants défilent ainsi à grande vitesse et le plateau est transformé en un immense studio de télévision, avec techniciens, caméras, micros et projecteurs. A la fin de l’œuvre, la tsarine meurt empoisonnée. Ici, son visage souriant continue d’apparaître sur les écrans, subtile façon de dénoncer le pouvoir et la tyrannie de l’image. Malheureusement, cette conception de l’œuvre, pour originale et intéressante qu’elle soit, laisse un arrière-goût frustrant d’inachevé car une bonne partie de l’opéra se déroule tout simplement devant un pan de décor abaissé, sans plus aucun lien apparent avec l’idée de départ. Dommage.


Si la mise en scène se révèle décevante, musicalement et vocalement en revanche la Scala a mis les petits plats dans les grands pour la première exécution de l’œuvre in loco. La distribution est d’excellent niveau, dominée par les deux protagonistes féminines. Avec sa belle voix corsée aux graves capiteux, Marina Prudenskaya incarne une femme abandonnée et désespérée, dont la présence scénique est électrisante. On retient aussi sa musicalité sans faille, qui se révèle dans son premier air chanté quasiment a cappella, un moment de très forte intensité. Olga Peretyatko ne lui cède en rien ou presque, avec son timbre lumineux, son émission homogène et ses aigus cristallins, composant une jeune fille douce et insouciante, qui deviendra, bien malgré elle, la future tsarine. Il faut relever également l’apparition émouvante d’Anna Tomowa-Sintow, qui convainc par sa présence scénique et son autorité, malgré désormais un large vibrato. Johannes Martin Kränzle fait preuve d’une grande intensité dramatique, même si son chant n’est pas exempt de problèmes d’intonation, alors que le jeune ténor Pavel Cernoch incarne un amant légitime exubérant et passionné. La seule déception vient d’Anatoly Kotscherga, qui ne sait plus que vociférer au lieu de chanter. A la tête de l’Orchestre de la Scala, Daniel Barenboim maintient de bout en bout la tension, alternant lyrisme et intensité dramatique pour faire ressortir toute la richesse d’une partition luxuriante ; le chef réussit aussi à donner une certaine cohésion à un ouvrage plutôt décousu, même si on aurait souhaité une lecture un peu plus fine et moins touffue. Quoi qu’il en soit, cet opéra mérite largement d’être découvert.



Claudio Poloni

 

 

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