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Un double deuil

Madrid
Teatro Real
02/27/2014 -  et 2, 4, 6, 7, 8, 9*, 11, 12, 14, 15 mars 2014
Christoph Willibald Gluck : Alceste

Angela Denoke (Alceste), Paul Groves (Admète), Willard White (Grand Prêtre, Thanatos), Magnus Staveland (Evandre), Thomas Oliemans (Héraclès), Isaac Galán (Apollon)
Coro titular del Teatro Real (Coro Intermezzo), Andrés Máspero (chef de chœur), Orquesta titular del Teatro Real (Orquesta sinfónica de Madrid), Ivor Bolton (direction musicale)
Krzysztof Warlikowski (mise en scène), Malgorzata Szczesniak (décors et costumes), Felice Ross (lumières), Claude Bardouil (chorégraphie), Denis Guéguin (vidéo)


(© Javier del Real/Teatro Real)


Jour de deuil au Teatro Real. 9 mars: quelques heures plus tôt, Gerard Mortier est mort. Il a marqué le Teatro Real pendant quatre saisons jusqu’au moment où, en septembre 2013, le théâtre est parvenu à un accord avec lui, dont ce n’est pas le lieu de donner les détails. Une minute de silence a été respectée à sa mémoire. Le nouveau directeur musical, Ivor Bolton, était dans la fosse. Un moment de véritable changement dans le théâtre, symbolisé par deux noms. Au moins – M. Matabosch est le nouveau directeur artistique.


Après le deuil pour Mortier, le long deuil pour Admète, une belle production d’un metteur en scène aussi créatif et intelligent qu’arbitraire.


Il faut y insister: Warlikowski raconte Alceste en s’inspirant de l’affaire de la princesse Diana. Soit, mais après, dans la mise en scène, d’un bon goût autre que celui du pompiérisme informatif, on ne voit rien de cela. Au début, une espèce d’interview d’un pédant avec une princesse Alceste qui a échoué dans son mariage. On voit ensuite l’histoire d’Alceste, celle de Gluck, un pianto presque sans fin avant la mort du mari bienaimé, un amour sans obstacles entre mari et femme. Ce n’est pas l’échec d’un mariage, pas du tout. Alors à quoi bon Lady Di et toutes ces manigances? Warlikowski est un grand metteur en scène, il n’a pas besoin de faire de concessions à la vulgarité des mass media passionnés par l’histoire d’une princesse morte «d’un accident du travail» (expression, à l’époque, d’un journaliste espagnol, Juan Cueto). S’agit-il de rapprocher l’histoire d’Alceste d’un public corrompu par les médias, aussi corrompus eux-mêmes? Si le public des théâtres d’opéra l’était, cela en valait-il la peine?


Warlikowski a présenté de formidables mises en scènes au Teatro Real, comme L’Affaire Makropoulos ou Poppea e Nerone, et il a commis des erreurs assez importantes comme Le Roi Roger. Il y a toujours quelque chose qui le hante: le mélange d’imaginaire pop et des mass media, une arme à double tranchant. Warlikowski ajoute ici un peu d’Euripide – plus cynique, malgré les siècles passés, que Gluck et ses librettistes, plus édifiants, de bons bourgeois d’avant la Révolution: Admète et son père, qui ne se sacrifie pas pour son fils et roi, épisode absent chez Gluck – et du «passé» honteux d’Héraclès, celui que rappelle Apollon, le deus ex machina (pas encore dieu Héraclès lui-même), Héraclès devenant un parrain-clown des enfants du couple royal. Passons – c’en est déjà assez sur une dramaturgie feignant l’originalité et une mise en scène assez satisfaisante malgré le bombardement désinformatif.


Angela Denoke n’était pas prévue en Alceste, mais elle a finalement accompli la prouesse de chanter le rôle-titre, où elle est protagoniste absolue. Peu de rôles ont une présence aussi permanente dans l’histoire de l’opéra ; à côté d’elle, Admète est un rôle secondaire. Denoke, en très bonne forme, dans un rôle pas idéal pour elle, réservant peut-être sa voix tout au début pour les éclats de la fin de la première partie, partage avec un chœur très bien préparé l’histoire et le conflit. Denoke est une voix bien connue et aimée dans ce théâtre, où elle a chanté Marie (Wozzeck), Elina Makropoulos et Kundry. Toutefois, à la question de savoir s’il est possible à une même voix de chanter Salomé et Alceste, la réponse n’est pas certaine. Avec le chœur et la direction dramatique et nerveuse de Bolton – l’orchestre ne joue pas sur instruments d’époque, mais sa baguette a une inspiration plutôt «historique» –, la dimension lyrique-épique est mise en valeur de façon réussie.


Globalement, un spectacle impeccable du point de vue musical et approprié du point de vue théâtral, malgré les boutades de la mise en scène. Avec des voix excellentes, tel Paul Groves en Admète – comme au Châtelet, dans la mise en scène de Bob Wilson, avec John Eliot Gardiner et Anne Sophie von Otter, il y a quatorze ans, insurpassable... mais abrégé – et d’autres qui semblent régresser, comme celle de Willard White, apprécié de longue date dans cette salle.


Le troisième acte se développe dans la morgue, tout comme l’Orphée gluckiste des frères Alagna à Bologne. Les morts ou revenants tous nerveux évoquent encore un lieu commun actuel des médias: les morts-vivants! Ils exagèrent un peu, quand même. Vidéo...? Oui, c’est vrai: il y a aussi une vidéo! Inéluctable aujourd’hui...? Un beau spectacle malgré le «bruitage» causé par trop d’images et de données confuses.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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