About us / Contact

The Classical Music Network

Bordeaux

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Sobre Barbe-Bleue

Bordeaux
Auditorium Dutilleux
02/12/2014 -  et 14, 16*, 18 février 2014
Béla Bartók : A kékszakállú herceg vára, opus 11, sz. 48
Christine Rice (Judith), Paul Gay (Barbe-Bleue), Julia Orban (Récitante, voix enregistrée)
Orchestre national Bordeaux Aquitaine, Julia Jones (direction musicale)
Juliette Deschamps (mise en scène), Nelson Wilmotte (scénographie), Vanessa Sannino (costumes), François Menou (lumières)


(© Frédéric Desmesure)


Huis clos pour deux solistes et orchestre, Le Château de Barbe-Bleue constitue pour la scène une tentation aussi redoutable que la gageure. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’Opéra de Bordeaux a préféré présenter l’ouvrage de Bartók à l’Auditorium Dutilleux, inauguré l’an passé plutôt que sous les stucs du Grand-Théâtre. Si Juliette Deschamps, à qui on a confié la production, affirme, à juste titre, dans un entretien préliminaire, que «l’on peut faire du théâtre partout», il n’en demeure pas moins que les contraintes particulières de la salle de concert se révèlent aussi une remarquable issue à la poétique statique de l’œuvre. Et son travail, sobre et expressif, en forme un admirable témoignage.


Avec sa structure légère concave qui scande le plateau et masque les sièges d’arrière-scène ordonnés dans une disposition semblable par exemple à celle de Pleyel, le dispositif scénographique dessiné par Nelson Wilmotte revient à l’essence de l’espace théâtral, à savoir la confrontation entre une scène et un public. Les hauts panneaux noirs concentrent l’inquiète curiosité de Judith et referment les secrets de Barbe-Bleue. Certes déjà utilisé, le procédé est ici porté à son économie extrême – les portes s’ouvrent sur des miroirs et s’affranchissent de la profondeur réelle pour simplement la suggérer. Et quand le mirage de l’innocence aura été vaincu, Barbe-Bleue remontera l’escalier vers son mystère. Une telle absence d’artifice conduit ainsi l’attention vers le verbe qui recèle la vérité du drame – et la musique. Ce que l’on pourrait caractériser comme un théâtre psychologique n’a pas besoin de verser dans le réalisme, à l’instar de costumes qui jouent avec le conte de fées, ni de solliciter des extravagances de la part des chanteurs pour faire ressortir les tourments qui agitent les personnages et faire respirer la part du rêve et de l’imagination – on pourra songer à la leçon de Bettelheim.


Voix solide et ligne consistante, Christine Rice habite sa Judith avec conviction. Elle fait vivre la tension qui nourrit l’épouse face aux secrets de son monstrueux mari, incarné par un Paul Gay d’une appréciable constance, même si la noirceur du caractère manque quelque peu à son timbre. Réglé par une femme, il est dirigé par une autre, Julia Jones, familière déjà de l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine, dont elle fait ressortir des textures nourries qui soutiennent admirablement sa vision nerveuse de l’écriture bartokienne, nimbée parfois d’épaisses brumes impressionnistes et soutenue par une formidable puissance rythmique au contraire presqu’expressionniste. Sans doute pourrait-on attendre des attaques plus incisives. Mais le public ne lui en tient pas rigueur et se montre sensible à cette lecture empreinte d’humanité.



Gilles Charlassier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com