About us / Contact

The Classical Music Network

Strasbourg

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

L’opéra raconté aux enfants

Strasbourg
Opéra national du Rhin
01/17/2014 -  et 18, 20 décembre 2013 (Colmar), 8 (Mulhouse), 18, 19*, 22 (Strasbourg) janvier 2014
Nino Rota : Aladin et la lampe merveilleuse (arrangement Rainer Schottstädt)
Sunggo Lee (Aladin), Andrey Semskov (Le magicien du Maghreb), Gaëlle Alix (Princesse Badr’-Al-Budur), Lamia Beuque (Mère d’Aladin), Jean-Gabriel Saint-Martin (Le Sultan), Alexander Schuster (Le Grand Vizir), Sévag Tachdjian (Le génie de la lampe), David Oller (Le génie de l’anneau), Milena Buschoff, Rumiko Koyama, Corinne Sattler (Trois servantes)
Ensemble instrumental du Conservatoire de Strasbourg, Vincent Monteil (direction)
Waut Koeken (mise en scène), Marnik Baert, Marcoen Dolhain et Waut Koeken (décors), Carmen Van Nyvelseel (costumes), Glen D’haenens (lumières)


(@ Alain Kaiser)


L’opéra pour enfants est un genre difficile, où les réussites n’abondent pas. Si le grand répertoire, de Mozart à Humperdinck et Janácek, propose quelques ouvrages auxquels on peut adhérer tôt, les œuvres spécifiquement dédiées à l’enfance restent des raretés, dont cet Aladin et la lampe merveilleuse, conte lyrique de Nino Rota créé au San Carlo de Naples en 1968.


Un ouvrage peu connu et pourtant un vrai joyau. Tout y est conçu en fonction des capacités d’attention d’un jeune public : une intrigue aisément lisible, une identification immédiate possible aux héros de l’histoire, et surtout une parfaite gestion du temps qui passe. Les airs et ensembles sont très ramassés, chaque idée musicale, souvent de toute beauté, ne s’imposant que pendant une durée courte avant d’être remplacée par l’ambiance suivante. Et puis la durée totale de l’ouvrage, une heure quinze environ, n’excède pas les limites du raisonnable (un tout petit peu quand même : le dernier quart d’heure, ultime péripétie pas complètement nécessaire, commence à poser quelques problèmes...).


Car le public de ce dimanche après-midi est d’une moyenne d’âge effectivement basse, du moins si l’on exclut de la statistique les parents qui accompagnent voire tentent d’assurer un semblant de service d’ordre. La mise en scène dialogue directement avec ce public particulier et tente avec succès de l’impliquer encore davantage dans l’action. On bombarde même à un moment la salle de papillotes de bonbons, avalanche gourmande qui crée une émeute heureusement vite résorbée. L’ambiance sonore est plus riche en décibels que d’habitude, et pourtant une vraie attention est là. Personne ne s’ennuie plus de quelques rares minutes d’affilée, et beaucoup sortiront d’ici avec des étoiles plein les yeux.


Donné dans une version instrumentale réduite (habilement, par Rainer Schottstädt : l’illusion d’une véritable dynamique symphonique est bien entretenue), l’ouvrage bénéficie d’une traduction française plutôt euphonique mais dont certaines options langagières détonnent, argot scolaire dont l’original italien était vraisemblablement moins prodigue. La mise en scène, pourtant scrupuleuse dans son souci de lisibilité, pêche aussi parfois par quelques manques de clarté (ressentis silencieusement par le public adulte, et en revanche de façon immédiatement sonore par le reste de la salle : les questions fusent, attestant à la seconde près de chaque petite difficulté) mais dans l’ensemble cette production reste un modèle du genre et l’Opéra national du Rhin a eu tout à fait raison de la reprendre, après son important succès initial en 2009.


Univers délibérément imaginatif, sur fond de tapis orientaux, où chaque accessoire, souvent joyeusement détourné de sa fonction initiale, fonctionne comme moteur d’un merveilleux quotidien, le travail du metteur Waut Koeken et de son équipe réussit à s’accommoder d’un lieu très peu pourvu en machinerie (la salle de concerts du nouveau Conservatoire de Strasbourg). Les clins d’œil comiques surabondent, toujours de bon aloi, le travail sur les entrées et sorties des personnages est remarquablement étudié, et quelques effets (dont une opportune pluie de bulles de savon) achèvent de relever le tout. Une belle réussite dont on ne peut que déplorer qu’une fois encore, et de façon à peine moins problématique qu’il y a quatre ans, le caractère confidentiel : une salle de taille modeste et trop peu de représentations (quatre à Strasbourg seulement).


La distribution, composée de membres voire d’anciens de l’Opéra Studio de l’OnR, est jeune et vocalement plutôt verte. Peu sont vraiment prêts à assumer le grand répertoire lyrique, ou du moins y brûleraient vite leurs moyens. Mais dans ce contexte particulier les réussites sont indéniables, avec en première ligne l’Aladin attachant du jeune coréen Sunggo Lee, timbre de ténor charnu et élocution française acceptable et la Princesse Badr’-Al-Budur de Gaëlle Alix, jolie soprano en devenir. Du côté des voix plus graves on fait la part belle à la comédie, avec un spontanéité de bon aloi. Mentions particulières pour Andrey Semskov, d’une noirceur bien dosée dans le rôle du méchant magicien, et Jean-Gabriel Saint-Martin, savoureux sultan, mais ce deux-là sont déjà sortis de l’ensemble pour commencer une vraie carrière. Bonne cohésion aussi de l’Ensemble instrumental du Conservatoire de Strasbourg, placé sous la direction experte de Vincent Monteil, actuel directeur musical de l’Opéra Studio de l’OnR.



Laurent Barthel

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com