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L’apothéose de Beethoven

Strasbourg
Palais de la Musique et des Congrès
02/06/2014 -  et 7 (Strasbourg), 11 (Viersen), 12 (Coesfeld), 15 (München), 16 (Wien), 26 (Ljubljana), 27 (Regensburg) février 2014
Frédéric Chopin : Concerto pour piano n° 1, opus 11
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 7, opus 92

Kit Armstrong (piano)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (direction)


K. Armstrong (© Leinweber)


La réputation flatteuse de Kit Armstrong, entretenue depuis quelques années déjà, notamment par Alfred Brendel, ce qui n’est pas rien, a largement précédé ce petit prodige de 21 ans à Strasbourg. Mais le voir arriver constitue quand même une surprise : un tout frêle petit bonhomme, qui s’assoit sans façons devant son clavier et se lance dans un Premier Concerto de Chopin impressionnant de précision et de minutie. D’une totale sûreté, les doigts ne sont jamais perdus de vue mais surtout paraissent sous l’emprise d’un contrôle cérébral absolu. D’un romantisme tempéré, avec néanmoins une certaine liberté de phrasés (qui pose d’ailleurs quelques problèmes à l’Orchestre philharmonique de Strasbourg et Marko Letonja, davantage prudents et attentifs à l’absence d’anicroche que vraiment engagés dans une partition de toute façon assez malhabilement écrite pour l’orchestre), cette interprétation à la fois ravit par l’énorme potentiel qu’elle révèle et puis laisse quand même un peu sur sa faim. Le toucher est tellement précis qu’on en éprouve l’impression que ce concerto inclut des milliards de notes, toutes égrenées avec la même infaillibilité discrètement martelée. Il manque encore à Kit Armstrong un véritable sens des hiérarchies, un certain recul par rapport à ce genre de démonstration de fort en thème. Mais cela viendra probablement. Au même âge un Evgeni Kissin, rappelons-le, n’était pas encore non plus le formidable chopinien qu’il est devenu.


Après un premier bis énigmatique, paraphrase de Bach que l’on ne sait pas trop à qui attribuer d’oreille et qui est vraisemblablement de la plume de Kit Armstrong lui-même (très intéressante au demeurant, avec sa conclusion au cheminement harmonique complexe), le pianiste se lance encore dans une Etude de Chopin à nouveau éblouissante, toute rutilante d’une myriade de notes strictement égrenées. Ce n’est pas trop, mais tout à coup, c’est bien assez.


La Septième Symphonie de Beethoven qui suit est en revanche un moment de grâce comme on en vit rarement en concert, voire restera un souvenir d’interprétation idéale dans notre palmarès auditif, à un niveau que l’on ose qualifier d’historique. Dès les premiers accords et l’enchaînement vétilleux qui suit, on est frappé par un sentiment d’évidence totale, tant la baguette de Marko Letonja semble avoir trouvé tous les bons signaux pour faire tourner cette grande machine au bon rythme et avec exactement les impulsions souhaitables. L’effet d’avancée est extraordinaire et ne laisse jamais l’orchestre retrouver des inflexions plus routinières. Un état de grâce qui se poursuivra tout au long des quatre mouvements, pour culminer dans un Allegro con brio final pris dans un tempo idéal, avec encore un petit coup d’accélérateur en réserve pour une coda qui balaye tout sur son passage. Une seconde partie de concert qui happe littéralement l’attention du public, particulièrement chaleureux dans ses applaudissements à l’issue. On n’oubliera pas de souligner les qualités de la petite harmonie, actuellement un point fort à Strasbourg, avec en premier lieu Sébastien Giot au hautbois, lui aussi ovationné, et même quatre cors d’une remarquable discipline, notamment dans un dernier mouvement où leur intégration est si souvent problématique (Marko Letonja nous paraît avoir trouvé à cet égard la solution idéale, celle que même le regretté Claudio Abbado recherchait naguère sans l’avoir totalement réussie).


A l’issue de ce double concert d’abonnement l’Orchestre philharmonique de Strasbourg part pour une tournée européenne assez longue. Ce même programme sera défendu dans quelques salles prestigieuses, dont rien moins que celle du Musikverein de Vienne où, cela dit, une interprétation aussi brillante de la Septième de Beethoven est en mesure de soutenir bien des comparaisons.



M. Raabe


Et pendant ce temps, le public strasbourgeois a pu souffler un peu, avec les facéties délicieusement raides de Max Raabe et son Palast Orchester berlinois, invités par l’Orchestre philharmonique le 10 février pour un concert donné à guichets fermés. Un grand moment de second degré germanique, d’un humour d’autant plus dévastateur qu’il reste toujours gourmé. Et puis aussi une belle démonstration de musicalité de la part de Max Raabe lui-même, chanteur qui retrouve le style des interprètes de cabaret allemand des années trente du siècle dernier avec une intuition juste mais aussi avec une rigueur vocales qui nous rappelle qu’il eut aussi de bons professeurs, à commencer, eh oui, par un Dietrich Fischer-Dieskau. Ambiance ludique voire farceuse mais toujours avec de la part de tous, du soliste à la petite dizaine de membres d’un orchestre à tout faire, la même distance rigoureuse, la même élégance, smoking, frac et paillettes figés juste ce qu’il faut pour mieux rebondir ensuite. Du grand art, apparemment presque inexportable, et pourtant...



Laurent Barthel

 

 

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