About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

France Pologne - Lutoslawski français de cœur

Paris
Amphithéâtre Bastille
12/16/2013 -  
Mélodies de Witold Lutoslawski, Claude Debussy, Mieczyslaw Karlowicz, Ignacy Jan Paderewski, Frédéric Chopin et Karol Szymanowski

Ilona Krzywicka (soprano), Elodie Hache (soprano), Piotr Kumon (baryton), Agata Schmidt (mezzo-soprano), Tiago Matos (baryton), Armelle Khourdoïan (soprano), Michal Partyka (baryton), Andreea Soare (soprano), Adrià Garcià Gàlvez, Françoise Ferrand, Jorge Giménez, Philip Richardson (piano)


M. Partyka


Witold Lutoslawski, s’il n’a jamais composé d’opéra, a beaucoup écrit pour la voix. Mais rares sont les œuvres pour voix et piano, comme les Cinq Mélodies sur des poèmes de Kazimierza Illakowicz, poétesse chez laquelle Szymanowski puisa trois décennies auparavant ses Rimes enfantines. Par cet opus de 1957 débutait l’hommage rendu par de jeunes chanteurs de l’Atelier lyrique, dont on a déjà vu certains sur les planches, à l’occasion de son centenaire : Ilona Krzywicka s’y trouve évidemment chez elle, bien que l’œuvre appelle peut-être une voix au timbre plus sombre et à la tessiture plus centrale – cela dit, après la création par la mezzo Krystyna Szostek-Radkowa, les sopranos s’en sont emparées, quitte à transposer. Rien d’étonnant si l’on entend ensuite les Chansons de Bilitis de Debussy : la musique française a marqué le compositeur polonais. Elodie Hache, malheureusement, manque un peu de stabilité et de sensualité. Encore un peu vert, le baryton polonais Piotr Kumon, en revanche, s’avère prometteur, par la richesse du timbre et l’élégance du phrasé, aussi à l’aise dans la confidence de « Mów do mnie jeszcze » de Karlowicz, la nostalgie de « Polaly sie lzy» de Padererewski ou la cavalcade héroïque du « Wojak » de Chopin : la partie polonaise du programme va au-delà de Lutoslawski lui-même.


« O panu Tralalinskim » et « Spozniony slowik », deux mélodies de 1947 commandées par la Radio, montrent le sens de l’humour du compositeur des Espaces du sommeil : la mezzo polonaise Agata Schmidt y déploie une belle voix d’opéra, mais n’allège pas assez son émission pour ces saynètes enfantines, plus adaptée à « Ton cœur est d’or pur » et « La Nonne » de Paderewski – deux des Douze Mélodies op. 22 sur des poèmes de Catulle Mendès. Le baryton portugais Tiago Matos, lui, n’aurait pas dû s’aventurer dans Le Promenoir des deux amants de Debussy, ou aurait dû y être mieux préparé – Opéra de Paris oblige : la déclamation à la française met en difficulté sa voix richement timbrée.


Debussy ouvre la seconde partie du très copieux programme – on se demande d’ailleurs pourquoi n’y figure aucune mélodie de Roussel, qui, de son propre aveu, a laissé chez Lutoslawski une profonde empreinte. Cela dit, Armelle Khourdoïan brille de tout l’éclat de son soprano colorature, même s’il devra s’arrondir, dans des mélodies de jeunesse comme « Pierrot », capable aussi de le plier aux langueurs vaporeuses de la mallarméenne « Apparition », avec pour le coup une maîtrise du style français. Michal Partyka, qui a, comme sa compatriote Ilona Krzywicka, quitté l’Atelier en 2012, possède évidemment plus de maturité, très maître de son émission, notamment dans l’aigu, qu’il peut émettre en voix mixte, nullement gêné par la tessiture tendue de « Nad woda wielka » de Paderewski ou par la volubilité de la Tarentelle de Lutoslawski – composée en 1990, sa dernière œuvre pour voix et piano : on sent que le baryton au timbre cuivré a l’expérience de la scène et offre de véritables interprétations, par exemple de « Czasem gdy dlugo » de Szymanowski. Celui-ci permet enfin à Agata Schmidt de donner toute la mesure de sa voix et de son tempérament à travers de très dramatiques « Moja piesn wieczorna » ou « Labedz ».


De même que la Quatrième Symphonie est son testament orchestral, Chantefleurs et Chantefables, sur des poèmes du surréaliste Robert Desnos, est le testament vocal de Lutoslawski, confirmation de l’indéfectible attachement à notre langue de ce Français de cœur. La Roumaine Andreea Soare restitue assez bien l’esprit de ces dix miniatures, bien qu’on souhaite une articulation plus nette et une émission plus souple. Mais on reste sur sa faim pour une autre raison : à l’inverse des Cinq Mélodies du début du concert, le cycle a été conçu pour l’orchestre, dont Lutoslawski est un des plus grands maîtres. Le clavier ne peut en tenir lieu, même si Philip Richardson, le plus coloré et le plus inventif des pianistes de la soirée, y offre le meilleur de lui-même.



Didier van Moere

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com