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Un Candide aussi fidèle que débridé

Nancy
Opéra
12/05/2013 -  et 6, 8, 10, 11 décembre 2013
Leonard Bersntein : Candide

Chad Shelton (Candide), Ida Falk Winland (Cunégonde), Kevin Greenlaw (Maximilien/Tsar Ivan), Gwawr Edwards (Paquette), Beverley Klein (La vieille dame), Michael Simkins (Voltaire, Pangloss, Martin, Cacambo), Victor Ryan Robertson (Le capitaine, Ragotski, L’inquisiteur I), Andrew Rees (Le gouverneur, Vanderdendur, Senor I), Richard Burkhard (Junkman, Roi Hermann Augustus, L’inquisiteur II, Crook, Don Issachar), Charles Rice (L’alchimiste, L’inquisiteur III, Sultan Achmet, Senor II), Steven Beard (Le baron, Le grand inquisiteur, L’aide du gouverneur, Pink Sheep, Stanislas), Ronald Lyndaker (Le marchand de cosmétiques, Charles Edward), Pascal Desaux (Le dresseur d’ours), Benjamin Colin (Le docteur), Ill Yu Lee (La croupière, Ferone), Lucy Strevens, Nicholas Johnson (Les informateurs), Christopher Hammond, Simon Rice, Thom Rackett, Drew Hawkins, Marc Krause, Tilly Webber, Merry Holden, Jenna Boyd, Anna Kaszuba, Francesca Romano (danseurs)
Chœur de l’Opéra national de Lorraine, Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Ryan McAdams (direction musicale)
Sam Brown (mise en scène), Annemarie Woods (décors), Anne Fleischle (costumes), D.M. Wood (lumières), Lorena Randi (chorégraphie), David Leclerc (vidéo)


(© Opéra national de Lorraine)


Passablement boudé par les scènes françaises – la dernière parisienne remonte à 2006 avec une production de Robert Carsen au Châtelet – Candide est un ouvrage auquel Laurent Spielmann avoue un attachement particulier. Pour le présenter à Nancy, il souhaitait confier la régie à Sam Brown, lequel a préféré d’abord réaliser De l’Importance d’être constant de Gerald Barry, créé en mars dernier, pour prendre le temps de mûrir son travail sur l’œuvre de Bernstein. Ecrite au cœur du maccarthysme des années cinquante, l’œuvre, remaniée plusieurs fois par le compositeur et dont on donne ici la dernière version considérée comme définitive, datant de 1988, fourmille de références et importe habilement l’ironie voltairienne sur les rives du Nouveau Monde.


Fidèle à cet esprit, la scénographie, due à Annemarie Woods, transpose les localités westphaliennes et européennes sur les cinquante états de la bannière étoilée. On s’amuse de la charge pimentée réservée aux hommes d’église: ainsi un cardinal libidineux dévoile-t-il un string pailleté d’or sur lequel une croix vaticane est gravée à l’endroit du péché alors qu’un jésuite, peu sensible aux maléfices d’Eve, apparaît dans une mission argentine tout de cuir vêtu, à l’image des sbires du gouverneur de Buenos Aires – vague réminiscences d’une jeunesse agitée? La profusion satirique, ponctuée par le flegme de la narration de Michael Simkins – Voltaire et Pangloss, ainsi que Martin et Cacambo –, au parfum éminemment britannique et juste à la mesure de la salle, assure la cohérence d’un matériau hétéroclite, structuré par le motif de la sagesse réaliste développé dans le chœur final. Moins bien construit que le premier, le second acte s’essouffle cependant un peu, d’autant que le début de la soirée concentre les pages les plus belles – et les plus célèbres – de la partition.


Applaudis en mars dernier dans la création de Barry, Ida Falk Winland et Chad Shelton forment en Cunégonde et Candide un savoureux couple. Si l’on retient la jeunesse et l’extraversion du ténor texan, on ne peut résister à la pétillante vocalité de la soprano suédoise. Nonobstant quelques prudences compréhensibles en ce soir de première, son «Glitter to be gay» balaie avec intelligence le cabotinage de l’air et frémit avec une voluptueuse légèreté qui en ferait oublier l’imposante carrure de la svelte scandinave. Doué d’un matériel solide, Kevin Greenlaw témoigne de la primaire présence exigée par Maximilien, jusque dans son travestissement en Amérique du Sud. Gwawr Edwards ravit par son babillage aérien, idéalement seyant à la leste Paquette, tandis que Beverly Klein affirme la théâtralité exigée par la duègne. Le reste de la distribution s’acquitte avec honneur des nombreuses apparitions souvent furtives qui lui sont confiées, que complètent avantageusement les chœurs de la maison. De même que lors de l’Ouverture, tout ce petit monde se retrouve en habit de puritanisme bleu ciel pour le finale, déroulant une banderole-canevas reprisée par les femmes, touchant hymne au quotidien émaillé d’accents tendrement ironiques.


A la tête de l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Ryan McAdams fait de remarquables débuts sur une scène lyrique française. Sa baguette précise, acérée, insuffle vitalité et cohésion aux pupitres lorrains, soulignant l’humour piquant d’une partition riche d’échos – le sens du rythme de Stravinski tout autant que l’évanescence mahlérienne à laquelle Bernstein était sensible plus que tout autre. L’ambiguïté d’accents populaires exprimés en langage – synthèse dans laquelle Mahler était passé maître – s’exprime ici avec une saveur et une fraîcheur qui augurent une belle fin d’année nancéenne. Le public le reconnaît par de justes et chaleureux applaudissements.



Gilles Charlassier

 

 

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