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Pas de « quatuor des Puritains »

Paris
Opéra Bastille
11/25/2013 -  et 30 novembre, 3, 6, 9, 12, 14, 17, 19 décembre 2013
Vincenzo Bellini : I puritani
Maria Agresta (Elvira), Dmitri Korchak*/René Barbera (Lord Arturo Talbot), Mariusz Kwiecien (Sir Riccardo Forth), Michele Pertusi (Sir Giorgio), Luca Lombardo (Sir Bruno Roberton), Andreea Soare (Enrichetta di Francia), Wojtek Smilek (Lord Gualtiero Valton)
Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, Michele Mariotti (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène)


W. Smilek (© Opéra national de Paris/Andrea Messana)


Créés en 1835 au théâtre-Italien, huit mois avant la mort brutale de Bellini à Puteaux, Les Puritains sont son testament musical. Comme si souvent à l’époque, une histoire tirée de Walter Scott, où un amour partagé se heurte, plus qu’à la jalousie d’un rival malheureux, aux soubresauts de l’histoire, en l’occurrence le conflit entre Cromwell et les partisans des Stuarts. Voilà bien un opéra romantique, avec sa scène de folie pour l’héroïne qui se croit trahie. La soirée du 24 janvier 1835 resta dans les mémoires : elle affichait quatre étoiles du chant – la Grisi, Rubini, Tamburini, Lablache – vite dénommées « le quatuor des Puritains ».


On n’en dira pas autant des protagonistes de la première production de l’œuvre à l’Opéra de Paris : elle n’avait été donnée qu’à l’Opéra-Comique, en 1987 ! Certes, on avait d’abord affiché Natalie Dessay et Juan Diego Flórez... mais une grande maison ne doit-elle pas, en cas de défection, trouver des remplaçants de premier plan, saisir l’occasion de débusquer les grands de demain ? L’événement attendu s’est mué en une soirée de routine. Non que Maria Agresta soit une mauvaise chanteuse : elle a une voix, des aigus sûrs et faciles, un tempérament. Elle n’est simplement pas belcantiste : l’art de la coloration, l’agilité de la vocalise, le modelé du legato, tout cela lui échappe totalement – le tempo de la cabalette de « Qui la voce », pourtant, devrait la servir. Dmitry Korchak n’a pas, non plus, de mauvaises intentions, il parvient d’ailleurs à chanter piano dans le redoutable troisième acte. Il reste que, comme sa partenaire, il ignore des canons essentiels du beau chant, alors qu’il avait semblé, l’année dernière aux Champs-Elysées, se les approprier plus ou moins : la souplesse de l’émission, la délicatesse du phrasé lui font défaut. Comme son Ferrando le laissait augurer (voir ici), la quinte aigüe, à cause d’une dureté fâcheuse de l’émission, ne peut se déployer sans qu’il force, arrache les notes. Quant à Mariusz Kwiecien, on ne le reconnaît pas à travers ce Riccardo fruste, incapable de sertir ses notes dans un phrasé, étranger à ce répertoire. Finalement, Bellini ne s’incarne que dans le Giorgio noble, profond et stylé de Michele Pertusi : lui sait comment chanter la chose. Cela ne suffit guère à légitimer des Puritains.


Michele Mariotti commence bien : le Prélude séduit par son énergie, sa clarté. La déception vient assez vite : un orchestre de l’Opéra assez paresseux qui ne chante pas, la direction ne crée pas d’atmosphères, notamment dans les passages instrumentaux, d’une grande platitude. Le chef se contente d’expédier les affaires courantes. Comme Laurent Pelly, qui recycle des idées rebattues. Tout se déroule à travers le regard d’Elvira, qui s’écroule à la fin – telle Elektra. Sur le plateau nu, une structure métallique représentant un château l’enferme comme dans une cage, prisonnière d’un monde auquel elle est étrangère, de sa propre folie aussi. La structure ne cesse de tourner... évidemment. On a déjà donné. Le metteur en scène – plus heureux dans la confection des costumes d’époque – nous explique également que le chœur est pensé comme « un ensemble de plomb sur un grand échiquier ». Mais il le dirige parfois comme s’il s’agissait de La Fille du régiment. Les soldats qui défilent font penser à ce que l’on voyait autrefois en province. La direction d’acteurs est indigente : gestes conventionnels, grandiloquents, parfois risibles. Il faut attendre la scène de folie d’Elvira pour qu’on croie voir un peu un personnage de théâtre. A peine le minimum syndical. Les belles lumières de Joël Adam, avec leurs clairs-obscurs, ne peuvent sauver la mise, ni des chœurs en bonne forme.


Alceste, Aida, Les Puritains : trois productions maison, trois ratages. A croire qu’un vent contraire souffle sur l’Opéra de Paris.



Didier van Moere

 

 

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