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Sous le signe du recueillement

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
11/16/2013 -  14, 15 (Poitiers), 17 (Gent), 18 (Groningen), 19 (Amsterdam) novembre 2013
Guillaume Lekeu : Adagio pour quatuor à cordes, opus 3
Anton Bruckner : Ave Maria (n° 2) – Os justi – Vexilla regis – Deux Æquale en ut mineur pour trois trombones
Gabriel Fauré : Requiem, opus 48

Hana Blaziková (soprano), Benoît Arnould (baryton)
Collegium Vocale Gent, Orchestre des Champs-Elysées, Philippe Herreweghe (direction)


P. Herreweghe


Est-ce le Requiem de Fauré? Est-ce le nom de Philippe Herreweghe? Est-ce le climat hivernal qui baigne Paris et incite les gens à se réfugier dans les salles de concert plutôt que de siroter un verre à une terrasse de café? Est-ce tout simplement la curiosité d’entendre des œuvres qui, pour ce qui est de la première partie du concert en tout cas, ne sont presque jamais jouées? Toujours est-il que, ce soir, le premier étonnement vient du public, qui remplit le Théâtre des Champs-Elysées jusqu’au dernier strapontin alors qu’on pouvait légitimement s’attendre à une moindre affluence compte tenu, encore une fois, des pièces au programme.


Car, qui connaît aujourd’hui Guillaume Lekeu (1870-1893)? Compositeur belge venu à Paris, ayant étudié quelque temps sous la houlette de César Franck, il s’engage dans une ferveur créatrice incroyable à partir de 1889 mais décède quatre ans plus tard, vraisemblablement du typhus. Comme le relève avec justesse Jean-Luc Macia dans la notice du programme, c’est en premier lieu à La Nuit transfigurée de Schönberg que l’on songe en entendant cet Adagio pour quatuor à cordes (1891) joué avec une belle implication par l’Orchestre des Champs-Elysées. Mais, parfois grinçantes, souvent poignantes, ces phrases nous renvoient également au climat nordique et mélancolique que l’on entend parfois chez Sibelius, distillant ainsi une tristesse légèrement souriante... De sa direction toujours aussi caractéristique, Philippe Herreweghe ressuscite cette pièce d’une dizaine de minutes où les thèmes mettent tout particulièrement en valeur les chefs des pupitres de violons, d’altos et de violoncelles.


Même si l’on connaît bien mieux Anton Bruckner (1824-1896) que Guillaume Lekeu, connaît-on pour autant ses Motets a cappella et ses Æquale pour trois trombones? Chantés par le Collegium Vocale de Gand, l’Ave Maria (composé en 1861, il est le deuxième de trois Ave Maria composés, pour les deux autres, en 1856 et 1882), l’Os justi (1879) et le Vexilla regis (1892) nous offrent un visage de Bruckner auquel nous ne sommes pas habitués. Point ici de grandeur ni de discours massif; bien au contraire, tout est transparence, intimité, le chant connaissant de très belles inflexions dignes de Palestrina voire de mélodies de la Renaissance, nouvelle preuve en tout cas de la foi profonde de Bruckner qui, dès 1842, avait déjà composé sa première Messe. Evidemment, le Collegium Vocale s’avère être l’instrument idéal et parvient à sublimer ces pièces de la plus grande rareté. Tout aussi rares sont les deux Æquale qui entrecoupèrent les trois pièces chorales. Rares d’ailleurs au point que Philippe Herreweghe, dans l’ouvrage sur Bruckner qu’il a dirigé (publié en novembre 2008 chez Actes Sud/Classica), ne les mentionne pas, et que Paul-Gilbert Langevin, dans sa monographie de référence, ne signale l’existence que d’une seule de ces pièces (1847), qui aurait été composée par Bruckner en hommage à sa grand-mère maternelle décédée.


En septembre 1988, Philippe Herreweghe enregistrait pour Harmonia Mundi le Requiem de Gabriel Fauré (1845-1924) avec la Chapelle Royale et l’ensemble Musique oblique: un maître disque servi au surplus par une Agnès Mellon en état de grâce et un baryton qui allait devenir un comparse de toujours pour le chef flamand, Peter Kooj. Autant dire, Herreweghe l’ayant dirigé à maintes reprises en concert, que ce Requiem, dont la composition s’étale sur huit années (1887 à 1894), est une œuvre particulièrement chère à son cœur. L’Orchestre des Champs-Elysées, disposé de manière inhabituelle sur scène (les altos ayant pris la place des premiers violons, les violoncelles étant à leurs côtés), fut très bon, alliant douceur et emphase comme il convenait (signalons la prestation de la harpe et des cuivres qui distillèrent en plus d’une occasion un écho majestueux). Mais c’est surtout le Collegium Vocale qui fut à son sommet! La trentaine de chanteurs fut exceptionnelle de bout en bout, de la douce attaque de l’«Introït et Kyrie» au galvanisant «Sanctus» en passant par un «In Paradisum» des plus apaisés. Si Hana Blaziková se sortit avec adresse de son «Pie Jesu» à l’attaque si redoutable, Benoît Arnould livra une prestation trop terne, ne parvenant pas à incarner sa voix, notamment dans un «Libera me» assez passe-partout.


Pour autant, le public salua avec enthousiasme les artistes de la soirée, à commencer par Philippe Herreweghe, que l’on pourra entendre diriger prochainement à Paris les Psaumes de David de Heinrich Schütz en l’église Saint-Roch (le 27 novembre) puis La Création de Haydn au Château de Versailles (le 21 mars 2014).


Le site de l’Orchestre des Champs-Elysées



Sébastien Gauthier

 

 

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