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Retour en grâce de l’école française à Saint-Etienne

Saint-Etienne
Grand Théâtre Massenet
11/08/2013 -  et 10, 12 novembre 2013
Léo Delibes : Lakmé
Marie-Eve Munger (Lakmé), Cyrille Dubois (Gérald), André Heyboer (Nilakantha), Marianne Crebassa (Mallika), Boris Grappe (Frédérick), Frédéric Diquero (Hadji), Anaïs Constans (Ellen), Alix Le Saux (Rose), Hanna Schaer (Mistress Bentson), Tigran Guiragosyan (Un marchant chinois), Eric Chorier (Un domben), Zoltan Csekö (Un kouravar), Olia Lydaki, Justine Goussot, Mai Ishiwata (danseuses)
Chœur lyrique Saint-Etienne Loire, Laurent Touche (chef de chœur), Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire, Laurent Campellone (direction musicale)
Lilo Baur (mise en scène), Caroline Ginet (décors), Hanna Sjödin (costumes), Gilles Gentier (lumières), Olia Lydaki (chorégraphie)


M.-E. Munger, C. Dubois


Présentée le mois dernier à Lausanne avant d’aller à l’Opéra Comique en janvier prochain, la Lakmé mise en scène par Lilo Baur fait mentir la réputation d’exotisme désuet que l’on accole usuellement à l’ouvrage lyrique le plus connu de Delibes. Avec une économie visuelle salutaire – un monticule de terre, des lianes pour la retraite au cœur de la forêt tropicale –, les décors de Caroline Ginet donnent à l’idylle impossible entre Lakmé et Gérald une certaine intemporalité et servent d’écrin à une caractérisation sensible des personnages, dominée par l’intolérant Nilakantha aux allures d’islamiste intégriste – preuve que la violence des propos du brahmane peut résonner avec une actualité inattendue au sein d’un livret empreint de colonialisme. Mentionnons par ailleurs le traitement habile qu’Olia Lydaki fait de la danse des bayadères, au-delà d’un simple divertissement anecdotique.


Ce spectacle, soutenu par le Palazzetto Bru Zane, témoigne d’une remarquable synthèse entre intelligence visuelle et pertinence sémiologique, et se trouve servi à Saint-Etienne par un plateau vocal de premier plan, qui redonne des couleurs à l’école française du chant, que l’on croyait, à tort, condamnée. Chose devenue trop rare pour être soulignée, les surtitres se sont révélés superfétatoires face à la clarté de la diction des interprètes, qui effectuaient sur cette production leur prise de rôle.


Lakmé frémissante de sensualité, Marie-Eve Munger incarne une excellente alternative aux colibris attendus dans ce répertoire. Bien sûr, l’aigu de la soprano canadienne scintille, en particulier dans l’air des clochettes, mais son incarnation ne se résume par à ce babil évanescent et se nuance de murmures et de mezza voce qui confèrent une épaisseur psychologique bienvenue à son personnage. Surtout, elle atteint avec la Mallika précise et fruitée de Marianne Crebassa une complémentarité idéale, qui se vérifie dans un Duo des fleurs exceptionnel: les deux lignes, également lisibles et chantantes, s’y mêlent avec une rare perfection, rendant justice au génie contrapuntique de la mélodie.


Issu de la même promotion de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris que la mezzo montpelliéraine, Cyrille Dubois affirme en Gérald un timbre clair et impeccablement projeté. Tour à tour vaillant et hésitant, il donne vie à ce soldat anglais un peu gauche et falot qu’une assurance scénique accrue pourra parfaire. Baryton au métal charnu et puissant, André Heyboer impose une inflexible autorité en Nilakantha. Boris Grappe – qui est, avec la Mistress Bentson de circonstance campée par Hanna Schaer, le seul à avoir étrenné déjà étrenné son rôle quelques semaines avant à Lausanne – imprime une fougue juvénile à Frédérick, tandis qu’Anaïs Constans et Alix Le Saux séduisent en Ellen et Rose, et que Frédéric Diquero fait un Hadji clair et convaincant.


Mais la réussite miraculeuse de la soirée tient aussi à la direction de Laurent Campellone. Souple et soucieuse de l’articulation du discours, elle fait chanter l’Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire, et en particulier ses bois, avec un lyrisme qui n’a d’égal que son soutien bienveillant aux voix. Le chef français fait résonner les échos, entre autres berlioziens, qui parsèment la partition de Delibes, dont il met en lumière la maîtrise autant que la poésie. N’oublions pas le chœur de la maison, admirablement préparé par Laurent Touche. Une fois de plus, l’Opéra de Saint-Etienne se confirme comme l’une des premières scènes hexagonales, prouvant que la qualité artistique ne dépend pas seulement de la taille des budgets.



Gilles Charlassier

 

 

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