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Une réouverture plébiscitée

Lyon
Auditorium Maurice Ravel
10/24/2013 -  et 26 octobre 2013
Hector Berlioz : Le Carnaval romain, opus 9 – Rêverie et Caprice, opus 8 – Harold en Italie, opus 16
Charles-Valentin Alkan : Concerto de chambre pour piano n° 1, en la mineur, opus 10 n° 1

Giovanni Radivo (violon), Lise Berthaud (alto), Romain Descharmes (piano)
Orchestre national de Lyon, Leonard Slatkin (direction)


L. Slatkin (© Steve J. Sherman)


Après six mois de travaux, les mélomanes lyonnais ont pu, la semaine dernière, retrouver un Auditorium Maurice Ravel qui a bénéficié d’un salutaire lifting. Ce n’est pas tant la salle qui a rajeuni – elle avait déjà été repensée dernièrement – mais tous ses dégagements, tels que les différents halls d’accueil ou les sanitaires et, last but not least, le magnifique orgue Cavaillé-Coll (1878) qui avait été transplanté du Palais de Chaillot à la Part-Dieu à la fin des années 1970. Nous avons cru comprendre, à l’écoute d’une partie du public pendant l’entracte, que la Bourse du travail – lieu à l’improbable acoustique dans lequel se sont tenus les concerts pendant les travaux – ne sera pas regrettée, et que le retour dans les murs historiques de l’ONL est vécu comme un soulagement par tous (spectateurs comme musiciens). Après un concert d’ouverture qui a mis à l’honneur Tchaïkovski – en faisant résonner sa Cinquième Symphonie et son Premier Concerto pour piano (avec Korobeïnikov au piano et Slatkin à la direction) –, c’est au compositeur «chouchou» de la maison, le génial Hector Berlioz, qu’était consacré (quasi entièrement) le second programme de la saison.


La soirée débute avec Le Carnaval romain (1844), qui reprend des thèmes de son opéra Benvenuto Cellini. Dés les premières mesures – avec l’attaque des cordes –, le constat est indéniable, la phalange lyonnaise compte bien parmi les meilleurs orchestres du pays. Sous la battue de son directeur musical, Leonard Slatkin, l’ONL nous fait pénétrer dans un univers de force et de puissance (quel aspect tranchant, quel éclat des différents tutti!), avec une incroyable netteté des instrumentistes, qui répondent à la perfection aux injonctions de l’américain. On admire tout autant la majesté et la précision des cuivres, que la tendresse infinie d’un cor anglais divinement chantant dans son solo.


Suivait le superbe diptyque Rêverie et Caprice (1841), dédié au violoniste belge Alexandre-Joseph Artôt (qui ne la joua jamais), et dont les accents, proches encore de la romance, révèlent l’envergure dramatique du génie du compositeur isérois. Il s’agit en fait d’un arrangement de la cavatine de Teresa «Ah, que l’amour une fois dans le cœur», tirée du même Benvenuto Cellini précité, air qui sera finalement supprimé avant la création de l’opéra. On y entend l’archet de l’Italien Giovanni Radivo, ancien violon solo supersoliste de l’Orchestre du Mai musical florentin, poste qu’il occupe actuellement au sein de l’ONL (comme à celui de La Chambre philharmonique, la phalange créée et dirigée par Emmanuel Krivine). La sonorité ample et généreuse de son Jean-Baptiste Vuillaume (de 1857) s’impose dès les premières mesures qu’il aborde avec beaucoup d’aisance et d’ardeur chaleureuse, pour une exécution pleine de brio et de panache jusqu’à la note finale. La battue de Slatkin, elle, fait des miracles: vive, acérée, à l’affût de la moindre goutte d’énergie, sans jamais pour autant brider les musiciens.


Pour conclure la première partie du concert, c’est une partition d’un contemporain de Berlioz, le Premier Concerto de chambre pour piano de Charles-Valentin Alkan (dont on fête cette année le bicentenaire de la naissance), qui est donnée à entendre. Son œuvre, essentiellement consacrée au piano, s’impose par sa diversité, son inventivité et sa nouveauté; il est couramment admis qu’Alkan est au piano ce que Berlioz est à l’orchestre (il était d’ailleurs surnommé le «Berlioz du piano»). Bien trop rares dans les salles de concert, ses opus sont craints pour leur redoutable difficulté d’exécution – ce dont font les frais beaucoup de pianistes qui osent s’y confronter. Crânement, le jeune pianiste français Romain Descharmes (né en 1980), premier grand prix du concours de Dublin (2006), empoigne la partition avec un incroyable talent, sans accident (ou presque). On reste admiratif devant une science du piano peu commune, qui associe une musicalité sans faille à une étourdissante dextérité. On savoure, grâce à son toucher, toute la palette de teintes du grand orchestrateur que fut Alkan, ici formidablement accrue par la délicatesse du jeune virtuose. Pour répondre à l’enthousiasme du public, il offre, en guise de bis, une délicate et poétique Première Barcarolle de Fauré.


La soirée se termine par la célèbre symphonie concertante pour alto et orchestre de Berlioz, Harold en Italie. La soliste conviée, Lise Berthaud (née en 1982), ancienne élève de Gérard Caussé et «Révélation instrumentale de l’année» aux Victoires de la musique classique (2009), est une habituée de la pièce, pour l’avoir interprétée dès 2003 sous la direction d’Emmanuel Krivine, à la tête de l’Orchestre français des Jeunes. La jeune soliste tient magnifiquement la partie d’alto, qui représente le personnage byronien de Harold: sonorité chaude et coup d’archet qui sait se faire intime, pudique, mais aussi lyrique. Afin de mettre en valeur les nombreuses interventions de la harpe, l’instrument, conformément aux souhaits du compositeur, est «placé près de l’alto solo», occasion d’apprécier le jeu d’Eléonore Euler-Cabantous. Mais il faudra aussi mentionner la flûte de Emmanuelle Réville, dont les phrasés subtils, et les timbres lumineux et éthérés, ravissent. De son côté, Slatkin offre une superbe interprétation de cette musique tour à tour sombre, mélancolique, joyeuse ou déchaînée, comme dans l’«Orgie de brigands» conclusive, enlevée de souveraine façon par une formation rutilante à souhait.


Un début de saison très prometteur!



Emmanuel Andrieu

 

 

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