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La Vestale aux pieds nus

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
10/15/2013 -  et 18, 20, 23, 25, 28 octobre 2013
Gaspare Spontini : La Vestale
Ermonela Jaho (Julia), Béatrice Uria-Monzon (La Grande Vestale), Andrew Richards (Licinius), Jean-François Borras (Cinna), Konstantin Gorny (Le Souverain Pontife)
Chœur Aedes, Le Cercle de l’Harmonie, Jérémie Rhorer (direction)
Eric Lacascade (mise en scène), Emmanuel Clolus (décors), Marguerite Bordat (costumes) Philippe Berthomé (lumières), Daria Lippi (dramaturgie)


E. Jaho (© Vincent Pontet/WikiSpectacle)


D’Aïda à La Vestale, la route est assez droite : des prêtres fanatiques, un général vainqueur épris d’une femme interdite – mais un miracle, ici, les réunira finalement, attestant de la bonté des dieux. Et si Verdi se souvient du grand opéra français, Spontini l’anticipe, tout en recueillant l’héritage de Gluck – La Vestale relève encore de la tragédie lyrique. Créé en 1807, l’ouvrage allait susciter l’admiration de nombreux compositeurs, à commencer par Berlioz. Le rôle titre, lui, attirerait les plus grandes chanteuses, jusqu’au vingtième siècle, où Maria Callas donna à la production scaligère de Luchino Visconti l’éclat que l’on sait, ressuscitant le fantôme de Caroline Branchu. Il s’agissait là de la version italienne, alors que La Vestale reste un opéra éminemment français. Remercions donc le Théâtre des Champs-Elysées de nous avoir restitué l’original pour l’ouverture de sa saison lyrique.


La distribution, néanmoins, ne comble pas nos attentes. Voix plutôt légère, timbre liquide, Ermonela Jaho n’a pas vraiment les moyens de Julia, un rôle de falcon avant l’heure – Cornélie Falcon le reprit d’ailleurs en 1834. L’air du troisième acte, par exemple, montre ses limites. Mais la souplesse de l’émission, la maîtrise du souffle, l’art du cantabile, la justesse de la composition compensent ces défauts – et un chant plus italien que français, péchant un peu par la déclamation. Cela dit, elle ne mange pas ses syllabes comme Béatrice Uria-Monzon, dont la tessiture est sans doute déstabilisée par des emplois de soprano : on cherche en vain la Grande Vestale à travers cette ligne de chant chaotique. Licinius relève du baryténor : Andrew Richards fait partie de ces ténors américains, au timbre nasal et à l’articulation exotique, qui prétendent le ressusciter, avec plus ou moins de bonheur. Inquiétant au début, il trouve ensuite mieux ses marques, mais reste hors style. Moins, cependant, que Konstantin Gorny, totalement égaré en Souverain Pontife, comme s’il n’y avait pas de basse française à la hauteur de l’emploi – la même erreur avait été commise, la saison dernière, avec le Balthazar de La Favorite. Le style français s’incarne en Jean-François Borras, même si Cinna reste trop central pour lui – sans quoi on l’aurait bien vu en Licinius.


Loin du néoclassicisme patricien d’un Riccardo Muti, Jérémie Rhorer préfère se tourner vers l’avenir et voir dans La Vestale les prémisses de l’effervescence romantique. Direction sanguine, colorée, mais parfaitement maîtrisée, qui n’émousse pas la grandeur de l’œuvre, très attentive à l’équilibre entre la fosse et la scène. Le chœur est aussi très présent, vrai personnage, peuple haineux ou vestales craintives : remarquable Chœur Aedes.


On n’en dira pas autant de la production d’Eric Lacascade, auteur pourtant de belles réussites théâtrales. Le début s’annonce sous de bons auspices : on sent le désir de retrouver la pureté du geste tragique, sans qu’il soit d’aucun temps ou d’aucun lieu, avec une direction d’acteurs très sobre. Mais tout tourne vite à vide, dans ce décor quasi nu, où le triomphe de Licinius, à la fin du premier acte, tient plutôt du banquet. Le metteur en scène multiplie les gestes stéréotypés, fait courir le chœur dans tous les sens, sans que cela corresponde à la mise en œuvre d’une idée – le texte du programme censé expliquer son travail est d’ailleurs plus verbeux que substantiel. Malgré les apparences, la mise en scène manque de rythme, n’échappe pas toujours à la raideur. On ne retiendra guère du spectacle que ces vestales en robe blanche, pieds nus, incarnations du sacrifice plutôt que de la foi, qui pourraient être les Carmélites de Poulenc – que, dans les mêmes lieux, Olivier Py conduira bientôt au martyre.



Didier van Moere

 

 

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