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Emouvants adieux

Paris
Palais Garnier
09/21/2013 -  et 23, 24, 26, 27, 29, 30 septembre, 1er, 3, 5, 6, 8, 9, 10 octobre 2013
John Neumeier : La Dame aux camélias
Frédéric Chopin : Concerto pour piano n° 2, opus 21 – Sonate pour piano n° 3, opus 58: Largo – Valses brillantes, opus 34 n° 1 et n° 3 – Trois Ecossaises, opus 72 – Préludes, opus 28 n° 2, n° 15, n° 17 et n° 24 – Grande Fantaisie sur des airs polonais, opus 13 – Ballade n° 1, opus 23 – Andante spianato et Grande Polonaise brillante, opus 22 – Concerto pour piano n° 1, opus 11: Romance (Larghetto)

Agnès Letestu*/Isabelle Ciaravola/Aurélie Dupont/Eleonora Abbagnato/Laëtitia Pujol (Marguerite), Stéphane Bullion*/Karl Paquette/Benjamin Pech/Mathieu Ganio/Hervé Moreau (Armand Duval), Michaël Denard*/Laurent Novis/Andrey Kelmm (Monsieur Duval), Eve Grinsztajn*/Myriam Ould Braham (Manon), Christophe Duquenne*/Fabien Révillion (Des Grieux), Nolwenn Daniel*/Mélanie Hurel/Valentine Colasante(Prudence), Nicolas Paul*/Yann Saïz/Christophe Duquenne/Vincent Chaillet (Gaston Rieux), Myriam Ould Braham*/Eve Grinsztajn/Léonore Baulac/Charlotte Ranson (Olympia), Laurent Novis*/Samuel Murez (Le Duc), Simon Valastro*/Adrien Bodet (Le Comte de N.), Christine Peltzer*/Karine Villagrassa (Nanine)
Emmanuel Strosser, Frédéric Vaysse-Knitter (pianos), Orchestre national de l’Opéra de Paris, James Tuggle (direction musicale)
John Neumeier (chorégraphie et mise en scène), Jürgen Rose (décors et costumes), Rolf Warter (lumières)


A. Letestu (© Julien Benhamou/Opéra national de Paris)


Créé en 1978, La Dame aux camélias est entré au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris en 2006. L’histoire de Marguerite est contée sur le mode de la réminiscence, en cela très fidèle au roman de Dumas dont le ballet partage la même empreinte nostalgique. Neumeier s’appuie sur des décors d’une grande sobriété réalisés par Jürgen Rose: il ne suffit que de quelques éléments, quelques chaises et panneaux pour récréer lieux et atmosphères où s’est écoulée l’existence de la demi-mondaine – sans compter des éclairages d’une incontestable puissance poétique.


Mais c’est surtout par l’exceptionnelle cohérence du canevas musical que se distingue ce qui demeure l’une des réussites les plus absolues du chorégraphe américain. Celui-ci a en effet reconstitué une dramaturgie authentique à partir de partitions puisées dans le corpus de Chopin, avec ses motifs récurrents, voire obsédants – le Largo de la Troisième Sonate ponctue le récit à la manière de languides effluves mémoriels qui tressent le processus de résilience par le souvenir, exacte traduction chorégraphique et visuelle de la description littéraire. Le Second Concerto pour piano au premier acte déploie la rencontre au Théâtre des Variétés sur le mode de la continuité narrative tandis que les zakouskis au deuxième sont les éclats de l’insouciance campagnarde. On reste ébloui par un sens des images marquantes à l’instar de la détresse d’Armand lorsqu’il apprend que sa maîtresse l’a quitté – avec les tours du soliste, la sémiologie chorégraphique se situe à l’exact croisement d’avec celle de l’opéra et fait palpiter le cœur du spectateur à l’unisson de celui du personnage, sans oublier la poursuite lumineuse, qui parachève un tomber de rideau magistral sur le dernier des Préludes opus 28. Ajoutons enfin une caractérisation d’une rare finesse, jusque dans les rôles de second plan.


Une telle partition constitue bien évidemment un écrin de rêve pour les étoiles du Ballet – et l’ouvrage fait partie de ceux qui les sollicitent le plus. Noblesse innée du port, fébrilité aussi calibrée que sincère, élégance et ampleur du geste, Agnès Letestu constitue une Marguerite idéale, privilégiant une vérité théâtrale sans égal à quelque froideur trop léchée. Et cette Marguerite-là, plus introvertie que distante, est sans doute vêtue d’une émotion particulière, celle des adieux: l’étoile achève sa carrière sur cette bouleversante incarnation – dernière «première», avant la dernière «dernière».


Stéphane Bullion, partenaire remarquable, vit littéralement les tourments d’Armand, et offre ici l’une de ses plus belles interprétations. Impulsivité et introspection se succèdent sur le visage comme dans les pas de ce danseur investi. En père du jeune homme, Michaël Denard fait sentir le poids des ans sur ce patriarche soucieux de sa famille et de sa réputation – sa composition essentiellement pantomimique contraste avec la vigueur virtuose d’Armand. Eve Grinsztajn et Christophe Duquenne respirent la fraîcheur de Manon et Des Grieux, alors que Myriam Ould Braham réserve à Olympia d’exquises apparitions, toute en virevoltante fluidité.


Côté claviers, on apprécie le sentiment d’Emmanuel Strosser et Frédéric Vaysse-Knitter, quoiqu’une articulation plus limpide ne soit pas un luxe, et accorderait l’expression musicale à la dramaturgie décantée de la scène. James Tuggle réalise quant à lui un honnête travail à la tête de l’Orchestre de l’Opéra – la présence en fosse de la formation maison signe une fois de plus l’attention accordée à ce ballet majeur du répertoire. Souhaitons que les adieux d’Agnès Letestu ne soient qu’un passage de témoin à d’autres Dames dignes de ce remarquable modèle.



Gilles Charlassier

 

 

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