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La guerre des mezzos n’aura pas lieu

Geneva
Victoria Hall
09/25/2013 -  et 27 septembre 2013
Gustav Maher: Totenfeier – Kindertotenlieder
Modeste Moussorgski: Tableaux d’une exposition (orchestration Ravel)

Violeta Urmana (mezzo-soprano)
Orchestre de la Suisse Romande, Neeme Järvi (direction)


(© Christine Schneider)


Le programme initial de ce concert aurait dû inclure en première partie les Chants et danses de la mort de Moussorgski chantés par Olga Borodina. La mezzo usse a déclaré forfait, nous privant à la fois du plaisir d’entendre deux immenses chanteuses figurant parmi des plus grandes mezzos de l’Europe de l’Est mais surtout d’entendre comment deux compositeurs aux personnalités et aux styles aussi forts traitent de la mort.


Il faut cependant reconnaitre l’originalité de ce programme qui permet d’entendre la rareté qu’est la Totenfeier, ébauche de ce qui va devenir six ans plus tard l’Allegro maestoso de la Symphonie «Résurrection». Le coup d’essai de Mahler est un coup de maître. La force de ce mouvement, son style, sa polyphonie sont déjà bien présents, même si certains développements et transitions vont être plus développés et que l’orchestration va renforcer le rôle de certains pupitres, en particulier des bois. Comme c’est le cas pour des œuvres du répertoire, la découverte de premières versions lorsqu’elles ont ce niveau d’achèvement est un exercice passionnant.


Neeme Järvi, qui avait démarré la saison précédente avec le Chant de la Terre dirige cette œuvre avec ses qualités coutumières. Il ne fait pas parti de ces chefs mahlériens qui savent suspendre le temps mais possède un style direct qui permet de faire ressortir l’aspect dramatique de l’œuvre et rappellent ses racines théâtrales. Il est en tout cas infiniment plus dans son élément que dans les œuvres du répertoire classique qu’il a jouées la semaine dernière. L’Orchestre de la Suisse Romande a la lourde tâche de maitriser une œuvre nouvelle dont l’orchestration est assez dense et ne bénéficie que des fameux rideaux d’arrière-scène qui corrigent l’acoustique mais pas de ceux sur les parties latérales de la salle. Ceci explique peut-être quelques déséquilibres dans les tutti, avec en particulier un pupitre de bois parfois un peu couvert et quelques accrocs forts inhabituels aux cuivres. Mais globalement, cette exécution fait largement oublier les égarements de l’OSR lors de leur dernière exécution de la Deuxième Symphonie.


L’orchestre retrouve un effectif moins dense pour les Kindertotenlieder et les équilibres sont bien plus satisfaisants. Järvi et ses musiciens n’hésitent pas à faire ressortir les aspérités d’une partition qui est aussi moderne. Les bois trouvent de beaux phrasés, en particulier Jérôme Capeille au hautbois et Alexandre Ernard au cor anglais. Violeta Urmana impressionne par ses qualités vocales. Son registre grave est superbe ainsi que le legato de sa ligne de chant. Il cependant manque peut-être à cette exécution cette capacité des grands chanteurs de lieder de savoir jouer avec les mots. Sa diction manque de clarté et son interprétation reste plus instrumentale que véritablement dramatique.


Le choix des Tableaux d’une exposition est judicieux. C’est une œuvre brillante mais exigeante que l’orchestre a déjà jouée, connait bien et dont les origines mi-russes et mi-françaises leur correspondent très naturellement. La mise en place et le niveau instrumental sont de grande qualité – saluons notamment les interventions très musicales de Sarah Rumer à la flûte. Järvi est à nouveau moins visionnaire que ce que faisait un Charles Dutoit en début d’année. Sa «Grande porte de Kiev» est ainsi plus rapide et tendue mais il sait dégager la flamboyance de l’œuvre. Attentif et concentré, le public genevois ne s’y est pas trompé et a fait un triomphe mérité à ses musiciens.



Antoine Leboyer

 

 

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