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Les nonnes de Wagner

Barcelona
Peralada (Parc du château)
08/04/2013 -  et 5 août 2013
Richard Wagner : Das Liebesverbot
Júlia Farrés-Llongueras (Isabella), Rocío Martínez (Dorella), Mercedes Gancedo (Mariana), Alex Sanmartí (Friedrich), David Alegret (Luzio), Vicenç Esteve Madrid (Claudio), Enric Martínez-Castigniani (Brighella), Marc Rendón (Pontio Pilato), Victor Sordo (Antonio), David Pastor (Danieli), Daniel Morales (Angelo)
Cor de cambra del Palau de la música catalana, Josep Vila (chef de chœur), Ensemble orquestra de Cadaqués, Fausto Nardi (direction musicale)
Georgios Kapoglou (mise en scène), Andres Zeissig (scénographie), Peter Sommerer (costumes), Marco Philipp (lumières)


(© Eddy Kelele)


Dans le cadre du bicentenaire de la naissance de Richard Wagner, le festival du château de Peralada a tenu à lui rendre hommage en redonnant sa chance à la vraie rareté que constitue son opéra La Défense d’aimer, le deuxième écrit par le compositeur allemand. Même dans les pays germaniques, l’ouvrage n’est quasi jamais représenté, le public wagnérophile ne semblant toujours pas prêt à accepter que leur dieu, celui qui donna à l’opéra allemand ses lettres de noblesse, ait été amoureux dans sa jeunesse non seulement de Beethoven et de Weber, mais également de Bellini et d’Auber, de Marschner et de Rossini, de Spontini et de Meyerbeer (auxquels Wagner paie un hommage appuyé dans sa partition).


Pour comprendre et apprécier La Défense d’aimer ou la Novice de Palerme, créée à Magdebourg en mars 1836, il faut posséder une certaine connaissance de cette période de l’âge d’or de l’opéra. De fait, ce Grosse Komische Oper en deux actes, tiré de Mesure pour mesure de Shakespeare, est probablement le plus bel hommage d’un jeune compositeur à ses illustres contemporains. Dès l’Ouverture, on sent la profonde influence de Weber, même si le beau prélude du deuxième tableau annonce de manière très précise Lohengrin. Dans la scène suivante, les thèmes de Tannhäuser se font entendre, le duo entre Lucio et Isabella étant le brouillon de celui entre Erik et Senta (Le Vaisseau fantôme), avant de s’achever sur les interrogations d’Elisabeth (Lohengrin).


Cette somme de références pourrait séduire les wagnériens, mais les célèbres leitmotivs se mêlent cependant aux réminiscences du théâtre napolitain dans le duetto bouffe entre Brighella et Dorella, tandis que l’air «Il bel nome di mia sposa» de Rossini (Le Barbier de Séville) est explicitement cité. L’influence de Beethoven se fait sentir surtout dans la scène de la prison, et tout particulièrement dans le personnage de Friedrich, calqué sur Pizarro, en dépit d’un air et d’une cabalette tout meyerbeeriens. Quoi qu’il en soit, le résultat est une musique fascinante et hybride, chatoyante et dérangeante à la fois, où tout se mélange parfois de manière anachronique.


Difficile de donner une unité stylistique à tant de composantes contradictoires. Le metteur en scène grec Georgios Kapoglou a choisi la carte de la sobriété et de la réactualisation (les années 1970 contestataires) avec les contraintes d’un lieu original, puisque la représentation se tenait dans la nef de la très belle église gothique du village de Peralada (qui jouxte le château). Trois rangées de gradins ont ainsi été accolées aux chapelles latérales tandis que toute la nef est utilisée par les comédiens-chanteurs qui entrent et sortent par le porche d’entrée ou – à l’opposé – la sacristie. La proximité avec les artistes, dont le public peut jouir pendant toute la représentation donnée sans entracte, renforce l’impact dramatique de l’œuvre, d’autant que la direction d’acteurs s’avère tirée au cordeau.


L’équipe vocale, essentiellement catalane, rend pleinement justice à l’ouvrage wagnérien. Isabella, la novice farouche qui résiste aux avances du redoutable Friedrich et parvient par la ruse à dénoncer l’absurdité de la loi interdisant tout plaisir pendant le carnaval, a les accents volontaires de Júlia Farrés-Llongueras, dont la tierce aiguë impressionne, tandis que la longueur de sa ligne de chant et sa science du phrasé enchantent. Rocío Martínez en Dorella, l’autre novice qui, répudiée par Friedrich, se réfugie au couvent puis retrouve son amour perdu, laisse présager quelle merveilleuse Agathe du Freischütz et même Elsa de Lohengrin elle serait, avec son timbre pur et sa musicalité sûre. Mercedes Gancedo, l’espiègle Mariana qui fait immanquablement penser à Despina dans Così fan tutte, a la voix et l’abattage du rôle.


A Alex Sanmartí – très apprécié le mois passé au Liceu de Barcelone dans Rienzi – revient la tâche lourde et ingrate de défendre le gouverneur Friedrich qui, démasqué par Isabella, finit par abolir son injuste décret. Ses graves profonds et ses talents de comédiens restituent parfaitement à ce personnage sa noirceur et sa veulerie. Vincenç Esteve Madrid possède toute la souplesse et le brio exigés par le rôle de Claudio tandis que David Alegret a la vaillance, la classe vocale et le contrôle de l’émission requis par le personnage de Luzio. Les comprimari n’appellent aucun reproche, avec une mention pour le Brighella haut en couleurs de Enric Martínez-Castigniani.


Au pupitre, le chef italien Fausto Nardi dirige – face au public et depuis le chœur de l’église où a été installé l’Ensemble orchestral de Cadaqués –, avec une conviction communicative, respectant l’esthétique de la partition, sans la tirer vers un Wagner plus engagé et ambitieux. Il est aidé en cela par le travail de Frank Böhme, qui a réorchestré la partition en allégeant l’effectif orchestral et en l’écourtant d’une heure de musique environ.


Des applaudissements nourris sont venus, de façon très méritée, couronner la représentation, qui fait honneur au festival catalan.


Le site du festival du château de Peralada



Emmanuel Andrieu

 

 

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