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Du fond de l’abîme

Paris
Opéra Bastille
05/28/2013 -  
Gustav Mahler : Symphonie n° 10: Adagio
Dmitri Chostakovitch : Symphonie n°13 «Babi Yar», opus 113

Alexander Vinogradov (basse)
Chœur de l’Opéra national de Paris, Prazský filharmonický sbor, Alessandro di Stefano (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction)


P. Jordan (© Johannes Ifkovits)


Mahler et Chostakovitch : voilà qui va de soi. Surtout quand Babi Yar succède à l’Adagio de la Dixième, deux plongées dans l’insondable de la déréliction. Aux souffrances d’un moi déchiré font écho celles d’une communauté assassinée. Mahler, s’il eût alors vécu, aurait pu lui aussi finir dans un de ces ravins où l’on liquidait les juifs. Ou, s’il eût été compositeur ou artiste russe, subir les persécutions du stalinisme.


L’Adagio mahlérien laisse réservé, moins à cause de quelques incertitudes des cordes que de la réserve même de Philippe Jordan. Lecture objectivement polyphonique, sans rien de viennois ni d’expressionniste, lecture plutôt qu’interprétation, comme si le chef craignait de se laisser aller, de se laisser porter par la musique, comme s’il avait peur de s’aventurer au fond des abîmes ouverts par la musique. Soucieux avant tout de donner à lire la partition, d’en éclairer les lignes, servi ici par l’acoustique. Le concert inaugure en effet la nouvelle conque de bois modulable à laquelle tenait beaucoup le chef : pour les concerts, elle permet une définition beaucoup plus précise du son.


Chostakovitch inspire davantage le directeur musical de l’Opéra. Il pénètre cette fois dans la partition, ne reste jamais au bord du ravin. L’orchestre, lui aussi, s’engage beaucoup plus, porté par l’immense fresque qu’est cette Treizième Symphonie. Il se montre remarquablement préparé, avec des cordes beaucoup plus homogènes que dans Mahler, et dirigé : l’angoisse, la colère, l’ironie sourdent ou explosent. La direction ne se relâche jamais, tendant l’arc jusqu’au bout, jusqu’au pianissimo de cet hommage à ceux qui ont eu le courage d’assumer « leur foi sacrée », à commencer par Galilée. Le chef parvient surtout à unifier l’ensemble, alors que la violence des contrastes pourrait conduire à une certaine fragmentation du discours – la conque évite aussi la saturation bruyante. Superbes chœurs, parfaitement appariés, très beau soliste, le jeune Alexander Vinogradov : timbre chaud, chant nuancé, très intériorisé, même dans l’invective, peut-être manquant un rien de mordant dans « Humour ». Tous à l’unisson de l’interprétation concentrée, refusant tout effet spectaculaire - à la Gergiev, par exemple - d’un Philippe Jordan des grands jours.


Celui-ci a dédié le concert à la mémoire d’Henri Dutilleux.



Didier van Moere

 

 

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