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Plateau royal

Versailles
Opéra royal
04/03/2013 -  
Antonio Vivaldi : Farnace, RV 711

Max Emanuel Cencic (Farnace), Ruxandra Donose (Tamiri), Vivica Genaux (Gilade), Juan Sancho (Pompeo), Mary-Ellen Nesi (Bérénice), Carol Garcia (Selinda), Terry Wey (Aquilio)
Concerto Köln, George Petrou (direction)


G. Petrou


La vogue dont font l’objet aussi bien la musique d’Antonio Vivaldi (1678-1741) que les contre-ténors a récemment conduit à ériger certains opéras méconnus au rang de purs chefs-d’œuvre: Farnace en fait incontestablement partie. Depuis l’enregistrement live réalisé par Jordi Savall chez Alia Vox en 2001, ce drame en trois actes a donné lieu à deux autres enregistrements, dont un mettant à l’honneur le contre-ténor Max Emanuel Cencic sous la direction de Diego Fasolis (voir ici). En revanche, c’est sous la baguette aussi bien d’Andrea Marchiol que sous celle de George Petrou qu’il a chanté le rôle-titre sur scène, que ce soit d’ailleurs en version scénique ou non.


Ce soir, c’est de nouveau en version de concert que l’Opéra royal du Château de Versailles proposait Farnace. En juin 2011 déjà, Vivaldi, qui avait bien évidement été au centre des festivités célébrant «Venise-Vivaldi-Versailles», avait déjà donné lieu à de vraies réjouissances sous les ors du Grand Siècle; il en fut de même ce soir, même si la première partie du concert fut globalement décevante, en tout cas largement plus que la première. Avant d’en venir à l’interprétation proprement dite, un mot sur le choix de l’édition puisque Farnace a fait l’objet de pas moins de sept versions successives, chacune plus ou moins remodelée par rapport à la précédente, de telle sorte que chaque nouvelle interprétation donnée aujourd’hui diffère d’une autre par un air qui n’y figure pas, ou qui ne se trouve pas à la même place. Pour ce concert, les interprètes avaient choisi de donner les actes I et II dans la version dite «de Ferrare» (1738) mais de prendre l’acte III dans la «version de Pavie» (1731), tournant ainsi le dos à la version du troisième acte reconstituée par Diego Fasolis et le musicologue Frédéric Delaméa.


Rappelons en deux mots la trame de l’action de cet opéra qui, comme bien souvent chez les compositeurs de cette époque, mêle les sentiments guerriers aux sentiments amoureux et se conclut dans l’allégresse générale... Roi du Pont, Farnace a été défait par les armées de Pompée; souhaitant se venger mais doutant du succès de son entreprise, il demande à son épouse Tamiri de tuer leur fils et de se suicider afin d’éviter d’être capturée par les Romains. De son côté, Bérénice, la mère de Tamiri, voue une haine farouche à Farnace et, s’alliant pour la circonstance à Pompée, lance ses troupes à l’encontre de Farnace afin de le tuer. Autre personnage d’importance, Selinda, la sœur de Farnace, qui a été faite prisonnière et qui va séduire Aquilio, préfet romain, et Gilade, officier des troupes de Bérénice, pour les monter l’un contre l’autre et faciliter ainsi le rétablissement de Farnace sur son trône. Pour autant, au bout de plus de deux heures et quarante minutes de musique, les masques tombent et Pompée retourne sa veste. Bérénice, qui menaçait de se suicider, voit finalement son geste arrêté par le consul romain! Déchue, la reine pardonne à Farnace et consent à ce qu’il reprenne son trône et vive heureux avec Tamiri. Quant à Selinda et Gilade, eux aussi peuvent enfin vivre leur amour au milieu de la liesse générale.


On attendait beaucoup du Concerto Köln, phalange rompue au répertoire baroque (plutôt allemand qu’italien certes...). Pourtant, la première partie nous a laissé un sentiment de réelle insatisfaction. Les musiciens furent pourtant excellents, tout particulièrement le premier violon, Dmitry Sinkovsky, invité à leur tête pour l’occasion. On connaît les affinités et la compréhension de cette musique par le violoniste russe comme il l’a encore récemment démontré dans un disque entièrement dédié à Vivaldi. Mais il ne faut pas seulement l’écouter: il faut également le voir! Toujours mobile sur son tabouret, ses pieds ne pouvant que difficilement rester en place, son corps tout entier joue de la musique et entraîne avec lui l’ensemble de l’orchestre auquel il insuffle une incroyable énergie. Il fut réellement ce soir l’âme du Concerto Köln! En revanche, le jeune chef chypriote George Petrou (né en 1981) pêche trop fréquemment par excès de facilité, s’ingéniant à sans cesse accentuer la fin de chaque air et à agiter sa baguette sans que cela semble avoir vraiment d’effet sur l’orchestre, sa dynamique ou ses couleurs. Aussi, toute la première parie laissa-t-elle place à une musique agréable mais sans grand relief en dépit des efforts, encore une fois plus que visibles, de Sinkovsky. Heureusement les choses s’améliorèrent sans conteste après l’entracte (pratiqué au milieu du deuxième acte), Petrou retrouvant le dynamisme ou la finesse requis, et poussant l’orchestre à aller davantage de l’avant: quel dommage qu’il n’ait pas eu cette tendance dès les premières mesures de l’Ouverture!


Evidemment, le public attendait beaucoup de l’affiche vocale: aligner dans Vivaldi (qui plus est pour une seule représentation scénique) les noms de Max Emanuel Cencic, Vivica Genaux et Mary-Ellen Nesi avait, il est vrai, de quoi séduire. Et, avouons-le, le résultat fut en grande partie à la hauteur des espérances. A commencer par la tête d’affiche de l’opéra, Max Emanuel Cencic, qui tenait donc une nouvelle fois le rôle de Farnace. Dès son premier air «Ricordati che sei» (acte I, scène 1), celui-ci met en évidence des moyens vocaux superlatifs, parvenant en un rien de temps à faire passer dans l’auditoire une émotion particulièrement intense; de même dans le très touchant «Gelido in ogni vena» au deuxième acte, où tout ne fut que fragilité et émotion, Petrou dirigeant à cette occasion l’orchestre de la plus belle des façons.


Bien que Gilade n’ait que peu d’airs à chanter, Vivica Genaux était également très attendue, le public connaissant sa profonde compréhension du répertoire vivaldien, comme elle a encore récemment eu l’occasion de le démontrer dans un récital donné salle Gaveau. Qu’il s’agisse de l’air «Nell’intimo del petto» (scène 7 de l’acte I) ou de l’air fameux «Quell’usignolo che innamorato» (acte II, scène 4), la chanteuse, née pourtant à Fairbanks en Alaska, nous réchauffe le cœur à chaque note et impressionne encore une fois par la facilité déconcertante avec laquelle elle enchaîne les difficultés les plus grandes et les plus diverses. Signalons enfin la magnifique communion qui s’offrit au public entre la chanteuse et les cordes dansantes (y compris le luth!) dans l’air «Scherza l’aura lusinghiera» (acte III, scène 4): un des plus beaux moments de l’opéra!


Dans le rôle de la détestable Bérénice, reine de Cappadoce, Mary-Ellen Nesi était en terrain connu pour l’avoir tenu aussi bien au disque sous la direction de Fasolis que sur scène sous celle d’Andrea Marchiol. La complicité qui l’unit à Dmitry Sinkovsky dans l’air du premier acte «Da quel ferro ch’ha svenato» (scène 12) ou à l’ensemble de l’orchestre dans son air «Amorosa e men irata» (acte II, scène 13) rehaussent un chant véhément et impitoyable à souhait. Durant la première partie, Ruxandra Donose, Tamiri de luxe, offrit un visage un peu blafard, ne distillant que peu d’émotion, elle-même semblant parfois absente de l’action dans laquelle elle avait pourtant toute sa place. On assista heureusement à un changement complet de caractère au fil de l’opéra, culminant dans l’air poignant «Forse, o caro, in questi accenti» (acte III, scène 3) qui remporta, au vu des applaudissements du public, tous les suffrages.


Excellentes prestations également de Juan Sancho dans le rôle de Pompée (qui tient également le rôle dans la version discographique dirigée par Diego Fasolis) mais, là aussi, plutôt en seconde partie de concert; son premier air «Non trema senza stella» est quelque peu plombé par un orchestre alangui en dépit du beau travail réalisé par les deux hautbois solos mais, en revanche, quel éclat dans l’air «Roma invitta, ma clemente» (acte II, scène 12) où, là encore, s’illustrent Dmitry Sinkovsky (son archet tressautant avec joie sur les cordes de son violon) et les deux hautboïstes, Mario Topper et Lidewei de Sterck. Si Carol Garcia incarne une sensible Selinda, Terry Wey (Aquilio) est peut-être légèrement en-deçà de ses camarades mais cela tient en partie au fait que ce n’est pas le personnage le plus riche de l’opéra.


L’ovation du public conduisit l’ensemble des protagonistes à bisser le (bref) ensemble conclusif «Coronata di gigli, e di rose», réchauffant l’esprit des spectateurs avant que ceux-ci, une fois sur la place d’Armes du Château, n’aient de nouveau à affronter des températures hivernales. Comme quoi Vivaldi peu, plus que jamais, être réduit au seul titre de compositeur des Quatre Saisons


Le site de George Petrou
Le site de Max Emanuel Cencic
Le site de Ruxandra Donose
Le site de Vivica Genaux
Le site de Mary Ellen Nesi
Le site de Juan Sancho
Le site de Carol Garcia
Le site de Terry Wey
Le site du Concerto Köln



Sébastien Gauthier

 

 

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