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Baden-Baden
Festspielhaus
02/08/2013 -  
Ludwig van Beethoven : Sonates n° 21 « Waldstein », opus 53, et n° 17 « La Tempête », opus 31 n° 2
Robert Schumann : Davidsbündlertänze, opus 6 – Kreisleriana, opus 16

András Schiff (piano)


A. Schiff (© Brigitta Kowsky)


András Schiff a choisi un programme très long pour ce récital donné au Festspielhaus de Baden-Baden, une performance dont il est coutumier. D’un pianiste aussi sûr techniquement on peut attendre une prestation de qualité uniforme, impeccablement reproductible d'un moment à l'autre et d'une soirée à l'autre. Au delà, inutile peut-être d'en espérer davantage en termes d'originalité ou d'inattendu : c'est là l'impression que l'on retire en général de la discographie fournie et jamais décevante du pianiste hongrois. Et en concert force est de constater que c'est pareil : une technique confondante d'assurance mais une projection du son un peu mince, qui manque d'un rien de substance parce que les doigts restent relativement à fleur du clavier, et au final l'impression que quelque soit le répertoire abordé tout finit par se fondre dans le même système.


Dans Schumann, y compris quand les exigences techniques deviennent étouffantes, Schiff maintient des équilibres particuliers qui ne sacrifient pas une note mais semblent parfois organiser les traits comme s'il s'agissait de voix dans une fugue de Bach. De cette lisibilité phénoménale découle un romantisme quadrillé de rationalité, voire excessivement fragmenté en moments successifs. Indiscutablement les visions fugitives de Schumann se prêtent bien à ce genre de morcellement, et on peut faire confiance à l'interprète pour éviter toute complaisance aux détails qui pourraient ralentir un flux toujours radicalement tendu. Mais il faut aussi s'habituer à cette approche très technique, somme toute lisztienne dans sa gestion de l'exploit digital, pour ne pas éprouver de sensation de frustration. Que ce soit dans les Davidsbündlertänze, recueil trop rarement abordé en concert, ou dans les plus fréquentes et tout aussi redoutables Kreisleriana, Schiff nous fait suivre un itinéraire toujours parfaitement balisé, au détriment sans doute d'un certain inattendu voire d'une poésie plus sensible. En tout cas l'aptitude du musicien à maîtriser les décharges d'influx nerveux nécessaires pour réussir ce parcours d'obstacles reste impressionnante, en dépit des années qui passent.


Dans les deux Sonates de Beethoven symétriques à ces volets Schumann, le même toucher parfait produit les mêmes effets. Les forts relents de classicisme de l'écriture beethovenienne s'en trouvent naturellement soulignés, et les emportements de l'instant restent des bousculades essentiellement pianistiques. A un niveau d'excellence évidemment à souligner et admirer, avec une relative préférence cependant pour une Sonate Op. 31 N° 2 La Tempête qui paraît encore plus creusée, sans doute aussi par une immense familiarité de longue date de l'interprète avec ce texte fondamental. Quelques aspects sonores inédits dans les mouvements lents, résonances courtes, attaques biseautées, égrènements d'un legato ajusté au plus strict nécessaire : on n'est pas loin parfois des musiques nocturnes d'un Bartók. L'expérience est étrangement belle.


Magnifique bis : le dernier volet Langsam getragen de la Fantaisie de Schumann. Discours consistant, construction impeccable, sentiment d’avancée tellement parfait que l'on a l'impression que l'artiste, arc-bouté sur son dernier accord vibrant, a besoin de toute son énergie pour ne pas enchaîner avec un hypothétique mouvement suivant... Une immense leçon de piano, dont même l'entêtant côté professoral ne rebute plus.



Laurent Barthel

 

 

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