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Oui, mais...

Baden-Baden
Festspielhaus
02/24/2013 -  
Richard Wagner : Lohengrin: Prélude et extraits des actes II (Duo Elsa/Ortrud) et III (Introduction, Duo Elsa/Lohengrin, Récit du Graal) – Tannhäuser: Ouverture – Tristan und Isolde: Prélude et Mort d’Isolde – Rienzi: Ouverture
Michael Weinius (Lohengrin), Ann Petersen (Elsa), Daniela Sindram (Ortrud)
Staatskapelle Dresden, Christian Thielemann (direction)


M. Weinius, A. Petersen, C. Thielemann (@ Stephanie Schweigert)


Manœuvres politiques ou incompatibilités artistiques ? Les raisons de l’éviction de Christian Thielemann de son poste de chef attitré des Münchner Philharmoniker sont restées peu claires, les vigoureuses protestations du principal intéressé n’ayant guère contribué à éclaircir la situation. Toujours est-il que Thielemann n’est pas resté longtemps sans emploi, sa prise de fonction à la tête de la Staatskapelle de Dresde s’avérant même une modification majeure du paysage musical allemand. Que l’une des plus prestigieuses phalanges d’Outre-Rhin, orchestre de brillante tradition straussienne et wagnérienne soit à présent aux mains d’un musicien dans lequel certains ont voulu voir le dernier tenant d’une grande manière germanique héritière de la génération des Furtwängler voire Karajan donne en tout cas l’envie de juger sur pièces. En l’occurrence cette soirée de gala donnée au Festspielhaus de Baden-Baden s’y prête bien, Wagner constituant un répertoire d’élection autant pour cet orchestre que pour son nouveau chef.


Dès le Prélude de Lohengrin cependant, d'inquiétantes interrogations surgissent. La Staatskapelle paraît bien peu sûre, les cordes péchant par de fréquents défauts d’ensemble et les couleurs semblant davantage baver qu’harmonieusement se marier. Les changements de dynamique sont mal construits, voire à certains moments la petite harmonie sauve les meubles davantage qu’elle ne joue un rôle moteur. Quant au chef, il reste indifférent à cet exécution hasardeuse, se limitant à une battue difficilement déchiffrable et semblant considérer que de toute façon l’orchestre n’a besoin d’aucun repère rythmique. Tout au long du concert d’ailleurs la tenue du chef sur son podium déconcerte par son absence de lisibilité, les impulsions semblant davantage grossièrement données par le haut du corps, la tête, le cou et les coudes, et même parfois les jambes, que par une baguette dont on se demande si elle sert encore réellement à quelque chose. Si c’est juste pour esquisser dans l’air des figures à ce point flageolantes et imprécises, ne vaudrait-il pas mieux renoncer à cet ustensile encombrant voire dangereux ?


Ces défauts s’estompent pendant la seconde partie, entièrement orchestrale, grâce à l’impeccable tenue d’une somptueuse rangée de cuivres dont Thielemann semble tout particulièrement préoccupé. Cela dit, la Staatskapelle de rêve d’hier n’est plus que rarement au rendez-vous, et le navrant désordre qui prévaut dans les formules d’accompagnement de cordes du thème des pèlerins de l’Ouverture de Tannhäuser laisse même songeur. De discutables directeurs musicaux successifs vont-ils finalement avoir raison de la réputation de l’une des plus belles phalanges mondiales ? Espérons que non.


Au-delà de ces considérations techniques les choix musicaux du moment paraissent en tout cas médiocres, y compris une programmation absurde qui coince Prélude et Mort d’Isolde (sans voix) entre une ronflante Ouverture de Tannhäuser et une ultra-clinquante Ouverture de Rienzi (à quoi bon jouer cette pièce si c’est pour s'en tenir à cet absolu premier degré, enthousiasme de lourdaude Blaskapelle que même la distinction sonore naturelle de l’orchestre ne parvient pas à transcender ?). Entre ces deux moments à haute teneur en décibels les subtilités de Tristan paraissent à ce point sous-dimensionnées que l’on perçoit à peine le premier motif aux violoncelles, comme s’il restait noyé dans la rémanence du grand chahut cuivré précédent. Et puis d’ailleurs quel modeste Tristan, platement construit à force de gestions de dynamique des plus malencontreuses et où seule la volupté naturelle de l’orchestre (il en reste quelques beaux souvenirs ici ou là) parvient encore à fasciner. A l’issue de ce concert perturbant, on se demande vraiment quelles sont les motivations de ceux qui propulsent actuellement au rang d’icône wagnérienne un chef aussi lourdement efficace. Admirons cependant que Thielemann ait eu le courage d’arrêter brusquement l’orchestre après les premières mesures du Liebestod, et de se retourner vers le public en agitant d’un air courroucé un grand mouchoir (bleu !). Ceci afin de mettre un terme à une odieuse épidémie de bronchite suraiguë sévissant tout à coup aux quatre coins de la salle.


Les trois chanteurs invités en première partie pour quelques extraits majeurs de Lohengrin donnent en revanche l’occasion d’admirer le plus indiscutable talent de Christian Thielemann, celui d’accompagner des voix en les sécurisant au maximum. Cet art de l’anticipation, cette connaissance du souffle et des impératifs des lignes de chant sont le fruit d’une longue expérience de chef de théâtre et le concert permet évidemment de mieux les apprécier qu’en fosse, endroit où cependant Thielemann mériterait à notre avis de continuer prioritairement à exercer. En l’absence de mise en scène ces extraits se traînent cependant un peu, l’Elsa de Ann Petersen mettant de surcroît un certain temps à s’échauffer et à dompter une trémulation du timbre un peu gênante au début. On perçoit en revanche chez Daniela Sindram une prise d’ampleur dramatique qui lui permet d’assurer le rôle d’Ortrud avec une classe certaine, rappellant la distinction de Christa Ludwig naguère. On découvre aussi, suite à la défection de Robert Dean Smith, un tout nouveau ténor dont on entendra certainement reparler. Il est d’origine suédoise, il s’appelle Michael Weinius, et dès qu’il ouvre la bouche il révèle un beau timbre sombre d’un relative épaisseur et une technique de chant sûre, en tout cas moins artificielle que celle d’un Jonas Kaufmann aujourd’hui, pour un gabarit vocal peut-être supérieur. Assurément une nouvelle recrue de poids, dont l’ampleur de Heldentenor devrait rapidement dépasser le rôle de Lohengrin (encore que le récit du Graal reste subtilement chanté, en dépit d’un trac perceptible). Dommage simplement qu’un périmètre abdominal impressionnant le prive pour l’instant de toute possibilité de jouer les sex-symbol, ce qui limitera certainement l’enthousiasme avec lequel on va parler de ce nouveau ténor wagnérien dans les chaumières...



Laurent Barthel

 

 

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