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Un après-midi au Cirque

Bruxelles
Cirque royal
02/19/2013 -  et 21, 23, 26, 28 février, 3*, 6, 8 mars 2013
Gaetano Donizetti : Lucrezia Borgia
Paul Gay (Don Alfonso), Elena Mosuc (Lucrezia Borgia), Charles Castronovo (Gennaro), Silvia Tro Santafé (Maffio Orsini), Roberto Covatta (Jeppo Liverotto), Tijl Faveyts (Don Apostolo Gazella), Jean-Luc Ballestra (Ascanio Petrucci), Jean Teitgen (Gubetta), Alexander Kravets (Rustighello), Justin Hopkins (Astolfo, Voce di dentro), Stefan Cifolelli (Oloferno Vitellozzo), Alain-Pierre Wingelinkx (Usciere), Gerard Lavalle (Un coppiere)
Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Julian Reynolds (direction)
Guy Joosten (mise en scène), Johannes Leiacker (décors), Jorge Jara (costumes), Manfred Voss (éclairages)




La Monnaie s’obstine à produire de temps en temps des spectacles au Cirque royal. La configuration particulière de la scène constitue le seul intérêt de cette salle de music-hall usée et inconfortable. Guy Joosten, qui en a tiré parti il y a quatre ans dans une Lucia di Lammermoor plutôt réussie, y revient pour un autre opéra de Donizetti moins fréquenté, Lucrezia Borgia (1833), que l’institution bruxelloise n’a plus représenté depuis le XIXe siècle, les archives faisant foi. Le même décorateur et le même costumier joignent de nouveau leurs efforts à ceux du metteur en scène pour un résultat visuellement différent mais théâtralement moins captivant. A chaque entrée aboutissant sur le plateau correspond un personnage géant qui représente, pour reprendre les termes de Johannes Leiacker, la mort (une tête de mort), la putain (un torse de femme seins nus, le gauche tatoué d’un serpent), le saint (la Vierge) et un méchant clown (une sorte d’affreux Joker). Il y a de l’idée mais les jeux de lumière de Manfred Voss ne compensent pas l’inertie de ce dispositif de fête foraine baroque et macabre.


L’attention se porte en fin de compte sur la scène sur laquelle évoluent de multiples personnages, des clowns, bien sûr, mais aussi, pour pimenter le tout, quelques bonnes sœurs dévoilant leurs sous-vêtements affriolants. Les costumes de Jorge Jara brouillent les repères – pas entièrement contemporains mais pas vraiment du XVIe siècle – tandis que les masques (des têtes de porc notamment) évoquent le carnaval de Venise. La mise en scène comporte suffisamment de ressort pour préserver l’intérêt sans que cela suffise à la distinguer de l’ordinaire. Le spectacle n’évite pas les tics propres à la scène lyrique actuelle : combien de fois par an le spectateur assidu assiste-t-il à des scènes d’ivresse, dans lesquelles les ivrognes titubent une bouteille à la main, ou à des orgies ? Décidément, la nudité féminine revient tel un leitmotiv cette saison à la Monnaie mais, malgré ces poncifs, il convient de saluer la cohérence du concept.



(© Clärchen et Matthias Baus)


Les voix conviennent et, pour certaines, séduisent. Elena Mosuc compose une Lucrezia plus complexe qu’il y paraît, avec des fêlures et de la sensibilité. Son interprétation possède les mêmes vertus que celles relevées pour sa Lucia jadis : ligne impeccable, aigus filés, style idoine. La soprano roumaine privilégie l’expressivité et la théâtralité aux exploits vocaux, une vertu maîtresse dans ce genre d’ouvrage qui sombre rapidement dans la trivialité si une distribution malfaisante se l’approprie. Annoncé souffrant, Charles Castronovo tente ce qu’il peut en Gennaro. Les applaudissements réconfortants saluent une prestation des plus acceptables même si le ténor américain dispense sûrement un chant plus orné et puissant en d’autres circonstances. En revanche, Silvia Tro Santafé, dans le rôle travesti d’Orsini, se montre dans une forme étincelante : la mezzo espagnole dispense un chant agile qui repose sur un timbre savoureux. La voix pauvre en couleurs et l’incarnation imposante mais monolithique de Paul Gay, distribué en Don Alfonso, convainquent dans une moindre mesure. Une solide brochette de chanteurs se charge des personnages secondaires, tandis que les Chœurs de la Monnaie, scrupuleusement préparés par Martino Faggiani, répondent aux attentes.


Relégué en fond de scène, l’orchestre, de dimension modeste, s’accommode de conditions moins favorables mais la finition et la sonorité paraissent satisfaisantes. Julian Reynolds, qui dirige sans apercevoir les chanteurs (qui le suivent au moyen d’écrans de télévision), obtient suffisamment de précision, de raffinement et d’intensité mais le résultat paraît plus contrôlé qu’explosif. Le chef, qui dirige régulièrement les opéras italiens du début du XIXe dans la capitale, comprend la nécessité de ne pas cantonner sa fonction à celle de simple accompagnateur – encore une fois, ce répertoire mérite un orchestre et un chef de premier plan. Si elle décide de recourir à la même équipe pour un autre Donizetti ici-même, la Monnaie ferait bien de songer à Anna Bolena ou, mieux, à Marie Stuarda qui, sauf erreur, ne figure pas encore à son répertoire.



Sébastien Foucart

 

 

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