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Elle s’appelle Ciboulette

Paris
Opéra Comique
02/16/2013 -  et 18, 20, 22, 24, 26 février 2013
Reynaldo Hahn : Ciboulette

Julie Fuchs (Ciboulette), Jean-François Lapointe (Duparquet), Julien Behr (Antonin), Eva Ganizate (Zénobie), Ronan Debois (Roger), Cécile Achille (Françoise), Jean-Claude Sarragosse (Monsieur Grenu), Guillemette Laurens (Madame Grenu), Patrick Kabongo Mubenga (Victor), François Rougier (Le patron, Le maire), Safir Behloul (Grisard), Olivier Déjean (Le lieutenant), Bernadette Lafont (Madame Pingret), Michel Fau (La comtesse de Castiglione), Jérôme Deschamps (Le directeur d’opéra)
Michel Fau (mise en scène), Bernard Fau, Citronelle Dufay (décors), David Belugou (costumes), Joël Fabing (lumières)
accentus, Christophe Grapperon (chef de chœur et assistant musical), Orchestre symphonique de l’Opéra de Toulon, Laurence Equilbey (direction musicale et collaboration artistique)


J. Fuchs (© Elisabeth Carecchio)


Créée en 1923 au Théâtre des Variétés, Ciboulette est entrée au répertoire de l’Opéra Comique en 1953, avec Geori Boué dans le rôle-titre: au soir de la première, avant que le rideau ne se lève, le directeur de la salle Favart, Jérôme Deschamps, vient également rappeler qu’elle y avait débuté en 1939 dans La Bohème et fait longuement acclamer la soprano française, aujourd’hui dans sa quatre-vingt-quinzième année, visiblement émue de l’accueil que lui réserve le public.


Resserrée autour de la musique – des coupures ont été effectuées dans le livret de Robert de Flers et Francis de Croisset, notamment les allusions qui ne parleraient plus au spectateur contemporain – cette nouvelle production, avec l’Opéra Théâtre de Saint-Etienne et en partenariat avec le Palazzetto Bru Zane et l’Opéra de Toulon Provence Méditerranée, fait honneur à une œuvre dont l’ambition était de faire revivre l’opérette. Car en ces lendemains de Première Guerre mondiale, depuis le succès de Phi-Phi de Christiné, ce sont les «comédies musicales» inspirées de l’exemple et du style américains qui étaient désormais en vogue. Pour Reynaldo Hahn, c’était un coup d’essai dans le genre, mais ce fut un coup de maître. Nostalgie, voire pastiche? Peu importe, au fond, car si les références, aussi bien musicales que littéraires, abondent en effet, la partition, dont il est sidérant d’apprendre par le programme de salle que la version orchestrale n’avait pas encore été réalisée à ce jour, s’abreuve avec bonheur aux meilleures sources, de Bizet à Messager en passant par Gounod.


Laurence Equilbey s’attache très sérieusement à débusquer le moindre détail de nature à mettre en valeur la grâce, la mélancolie et la finesse de ce travail si ingénieusement ouvragé. Trop sérieusement? Certainement pas: non seulement le répertoire léger a trop souffert d’être pris à la légère, mais la musique ne perd rien ici de son charme entraînant. Dans les rangs, celles et ceux qui ont participé à la «répétition» organisée une heure avant le début de la représentation reprennent en chœur, vigoureusement incités par la directrice musicale, «Muguet, plaisir d’un jour» à la fin du premier acte et «Amour qui meurs» à la fin du troisième. L’initiative est moins anecdotique qu’il y paraît, dans la mesure où l’Opéra Comique remplit ainsi sa mission de perpétuation de la tradition: elle revit bien sûr d’abord grâce à ses programmateurs et interprètes, mais elle n’est jamais plus actuelle que quand elle est de nouveau fredonnée par tous – «La, la, la, mine de rien, là voila qui revient».


Michel Fau considère avec un second degré attendri cette Ciboulette qui n’en est elle-même déjà pas exempte: plutôt que de la maltraiter ou de la bousculer, il se concentre sur une direction d’acteur toujours en éveil et ne va pas plus loin que les extravagances de l’action et des personnages. Les décors de Bernard Fau et Citronelle Dufay cultivent une nostalgie de carte postale jaunie: les structures de fer et de verre conçues par Baltard, les cageots et Saint-Eustache, mais aussi la «campagne» de banlieue sont ainsi évoqués sans lourdeur. Fidèles à la fin du Second Empire, les costumes de David Belugou savent aussi être cocasses quand il le faut, à commencer par le panier gigantesque de la robe verte de la comtesse de Castiglione, incarnée par le metteur en scène lui-même. Au début du troisième acte, il se livre à un échange très «Deschiens» avec Jérôme Deschamps – qui joue un directeur de théâtre, en lieu et place du compositeur Olivier Métra dans la version originale – après avoir offert un grand numéro à la Florence Foster Jenkins dans la mélodie «Mon rêve était d’avoir un amant», que Hahn avait écrite pour le film La Dame aux camélias (1934) de Fernand Rivers et Abel Gance.


La distribution est dominée par Julie Fuchs, pas moins à l’aise en maraîchère d’Aubervilliers qu’en fleuriste de My Fair Lady en décembre dernier à Metz. La voix a toutes les qualités – exactitude, musicalité, séduction – et le jeu scénique illustre toutes les facettes de la jeune fille – délurée ou sensible, gouailleuse ou fragile. Les deux grandes figures masculines peuvent difficilement se situer au même niveau: Jean-François Lapointe paraît un peu surdimensionné, trop «grand genre», même si Duparquet fut créé par le premier Pelléas, Jean Périer, mais son air «C’est tout ce qui me reste d’elle» ne manque pas d’émouvoir; Julien Behr donne du caractère à ce benêt d’Antonin, mais si le chant est soigné, nul doute qu’il s’affirmera davantage au fil des soirées.


Le timbre et le bagout inimitables de Bernadette Lafont font merveille en marchande de poisson (pas très frais) et d’écrevisses farceuses, de même que Jean-Claude Sarragosse et Guillemette Laurens tiennent haut leur emploi bouffe d’époux Grenu. Les rôles secondaires sont confiés aux jeunes pousses de l’Académie de l’Opéra Comique – certains d’entre eux faisaient d’ailleurs partie des étudiants du Conservatoire qui avaient présenté la comédie musicale O mon bel inconnu de Hahn voici deux ans en ce même lieu: Eva Ganizate et Ronan Debois, récemment remarqués dans l’adaptation de La Flûte enchantée par la compagnie «Opéra du jour» (voir ici), tirent notamment leur épingle du jeu en Zénobie et Roger. L’Orchestre symphonique de l’Opéra de Toulon montre hélas ses limites, péchant par défaut de régularité et de subtilité: les couleurs et la précision ne sont pas toujours au rendez-vous. Pas de risques, en revanche, côté chœur, les chanteurs d’accentus, préparés par Christophe Grapperon, mettant luxueusement en valeur l’importante fonction qui leur est dévolue dans les tableaux successifs.


Le site de l’Association Reynaldo Hahn
Le site de Laurence Equilbey
Le site de Julie Fuchs
Le site de Jean-François Lapointe
Le site de Julien Behr



Simon Corley

 

 

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