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Un Parsifal distinct et distingué

Madrid
Teatro Real
01/29/2013 -  & 31* janvier, 2 février 2013
Richard Wagner: Parsifal
Matthias Goerne (Amfortas), Victor von Halem (Titurel), Kwangchul Youn (Gurnemanz), Johannes Martin Kränzle (Klingsor), Angela Denoke (Kundry), Simon O’Neill (Parsifal)
Pequeños Cantores de la JORCAM, Balthasar-Neumann-Chor, Balthasar-Neumann-Ensemble, Orchestre et Chœur du Teatro Real, Detlef Bratschke (directeur du chœur), Ana González (direction du chœur d’enfants), Thomas Hengelbrock (direction musicale)


M. Goerne (© Javier del Real)


Le centenaire de Wagner commence au Teatro Real de Madrid avec une expérience tout aussi inédite qu’intéressante, Parsifal en version de concert, sans costumes, sans décors, mais avec une mise en espace des acteurs-chanteurs, qui ne lisent pas, mais qui agissent en tant que comédiens. Il y avait quelque chose de spécial dans cette expérience, en coopération avec le Konzerthaus Dortmund et le Philharmonique d’Essen : l’historicité de l’approche et l’utilisation d’instruments anciens. On peut d’ailleurs se demander si « instruments anciens » est bien le terme qui convient pour une œuvre composée il y a cent vingt, cent trente ans ? Tout comme dans le cas des résurrections d’œuvres baroques ou classiques il y a trois, quatre décades ? Certes, il ne s’agit pas de la même chose ; par exemple, les différences dans les articulations des cordes ne sont pas si perceptibles, si claires comme dans le répertoire du XVIIIe siècle; en revanche, les sons produits par les percussions sont nettement différents, par le timbre, le volume, la couleur. Et l’expérience est digne d’intérêt.


La direction de l’orchestre invité, le Balthasar-Neumann-Ensemble, par Thomas Hengelbrock, appelle une première remarque : dans Parsifal, l’orchestre est le fondement même, la scène invisible enveloppant les actions et les gestes, le véritable château où l’action se développe, sauf Montsalvat, sauf le château de Klingsor. L’actuation de Hengelbrock est une synthèse entre l’artiste et l’athlète, et cela s’impose dans une partition où la musique par elle-même est une cascade ininterrompue de sons très nuancés. L’acoustique de la scène devenue salle d’orchestre n’est pas vraiment adéquate au Teatro Real pour des expériences comme celle-ci, mais, malgré tout, « le son »est émis avec une perfection où quelques minuscules failles sont totalement négligeables.


Mais Parsifal est aussi, largement, une histoire de famille pour cinq voix, plus une sixième, très importante, le chœur (y compris le chœur d’enfants). Après tout, même Titurel est un personnage secondaire. Et la famille développe un conflit dont la transcendance réside dans la qualité sacrée des références au Graal, au Christ, au Vendredi Saint transfigurateur. Amfortas est le chef du club des purs, blessé dans sa faute impure, un personnage châtié par un péché de concupiscence dessiné par un des artistes les moins scrupuleux de l’histoire. Klingsor est le Grand Seigneur impur qui n’a pas été admis au club, et il ne peut pas supporter cette humiliation (l’ennemie dont la jeune et déjà vétuste Allemagne avait besoin, au-delà de Beckmesser). Gurnemanz raconte et raconte, un personnage très wagnérien (Wagner avait besoin de raconter, encore et encore, à travers ses personnages ; en échange, il leur conférait une noblesse vocale qui n’existait pas dans le texte). Parsifal, on le sait, est le rédempteur, lui aussi rédimé : la grâce du club de Monsalvat et la grâce de l’innocence, ainsi que la pureté se rencontrent après un long travail. Kundry est un personnage, et plusieurs personnages à la fois ; elle est une espèce d’Ewig weibliche annonçant le livre futur du jeune Otto Weininger (Sexe et caractère), âgé de deux ans au moment de la première de Parsifal à Bayreuth, en 1882: la femme rusée, la femme qui mène au péché, la femme apitoyée et impitoyable, dessinée par un misogyne, ou peut-être un juif (une juive), ou un antisémite (Weininger, le juif antisémite), un personnage qui est lui-même est son contraire, auquel on ne songerait pas à appliquer les principes d’identité et de non contradiction.


Les voix, après tout, sont les protagonistes de cette dispute où la famille et le sacré se mêlent dans un ordre à part. Tout d’abord, le Gurnemanz du Coréen Kwangchul Youn, voix noble et colorée, un baryton dont les obscurités fugaces brillent comme un centre vigoureux, toujours présent. Puis, la superbe voix expressive de Matthias Goerne, connu à Madrid pour ses interprétations de lieder, mais également comme chanteur d’opéra (L’Upupa, de Henze), un Amfortas qu’on voudrait voir en scène, et ce soir-là, on y croyait presque. Angela Denoke, bien connue du public du Teatro Real elle aussi, était annoncée souffrante, mais mit un point d’honneur à chanter une très belle et puissante Kundry devant le public, avec un très bon résultat, malgré un moment de faiblesse passagère. Une faiblesse partagée à un autre moment par le ténor Simon O’Neill, par ailleurs une voix impeccable pour Parsifal, par sa puissance, sa couleur, et sa force lyrique et dramatique. Enfin, Johannes Martin Kränzle a excellé en Klingsor, dans son acte au château. Très belles aussi, les voix secondaires et les filles-fleurs. Le chœur Balthasar Neumann est d’un niveau insurpassable; et le chœur d’enfants de la JORCAM, dirigé par Ana González, offre une très belle prestation dans un projet si ambitieux.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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