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Résurrection du Mage

Saint-Etienne
Opéra-Théâtre
11/09/2012 -  et 11 novembre 2012
Jules Massenet : Le Mage

Catherine Hunold (Anahita), Kate Aldrich (Varedha), Luca Lombardo (Zarâstra), Jean-François Lapointe (Amrou), Marcel Vanaud (Le Roi d’Iran), Julien Dran (Prisonnier touranien, Chef iranien), Florian Sempey (Chef touranien, Héraut)
Chœur lyrique Saint-Etienne Loire, Laurent Touche (chef de chœur), Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire, Laurent Campellone (direction musicale)


K. Aldrich, L. Lombardo (© Cyrille Cauvet)


La cité stéphanoise s’est fait une spécialité, sinon un devoir, de rendre justice à l’œuvre de Massenet, enfant du pays comme chacun sait. Et pour cette édition de la Biennale qui lui est consacrée, rien ne valait une résurrection d’un ouvrage oublié, Le Mage, moment très attendu parrainé par le Palazzetto Bru Zane. Composé pour l’Opéra de Paris où il a été créé en mars 1891, il a subitement disparu de l’affiche pour n’y plus revenir – si l’on excepte une reprise à La Haye cinq ans plus tard – victime des circonstances et de l’emprise croissante du wagnérisme sur la scène française, quoique l’esthétique éclectique du compositeur français sait à l’occasion emprunter à celle de l’échanson de Bayreuth.


Avec le livret de Jean Richepin, on se retrouve dans un climat vaguement oriental, au milieu de la Perse zoroastrienne d’avant notre ère. Mais de cet exotisme qui rappelle Lakmé, Massenet en tire une partition autrement inventive que le sentimentalisme suret de Delibes. Pour qui ouvre la partition et s’arrête à son premier acte, on peut rester perplexe devant une dramaturgie un rien maladroite. Mais dès le deuxième, l’écriture orchestrale fait entendre sa richesse – chacun des actes est introduit par un prélude aussi raffiné qu’évocateur. L’inévitable ballet au quatrième roule sur des rythmes vigoureux. C’est cependant la caractérisation des personnages qui fait la valeur de l’œuvre, servie par ailleurs par une distribution de haut vol. Résumé à la longue scène qui oppose le rôle-titre et Varedha, le troisième acte alterne les tentatives de séduction et la confrontation brutale entre les deux personnages, scandée avec une puissante verticalité qui prend des allures de fresque – un des mystérieux miracles de ce huis clos en grand format. L’autre morceau de bravoure ouvre le dernier acte, imploration à l’intériorité tourmentée qui subsume un canevas à l’apparence conventionnelle.


Annoncé souffrant et sans remplaçant disponible, Luca Lombardo témoigne d’une technique solide lui permettant de tenir la distance dans une partie redoutable par l’étendue de la tessiture et l’endurance requise, sans oublier une incarnation absolument convaincante, qui ne fait que plus regretter les malversations du hasard et du Général Hiver. D’une remarquable homogénéité, sans appuyer sur le registre de poitrine pour noircir cette cousine d’Ortrud, Kate Aldrich fait forte impression en Varehda vipérine et torturée. Avec la puissance de son instrument et l’insolence de ses aigus que d’aucuns jugent indurés – mais n’est-ce pas la rançon de l’éclat et de la vaillance? – Catherine Hunold révèle en Anahita un authentique soprano dramatique. Nonobstant de discrètes pâleurs fort passagères, Jean-François Lapointe dégage en Amrou, le grand-prêtre, une noblesse appréciable, et se distingue par l’égal moelleux de son baryton qu’il ne cherche jamais à forcer dans le bas du registre pour quelque simulacre d’autorité dont il n’a guère besoin – preuve s’il en est que nul n’est besoin de se faire matamore pour inspirer le respect. D’une stature wagnérienne, Marcel Vanaud campe un portrait convaincant du roi d’Iran. Excellent compromis entre juvénilité et solidité, Julien Dran, prisonnier touranien et chef iranien, retient l’attention. Héraut et chef touranien, Florian Sempey se délecte de son timbre qui s’enrichit au fil des années.


D’une précision qui ferait pâlir bien de plus prestigieuses formations, le Chœur lyrique Saint-Etienne Loire force l’admiration dans une partition qui le sollicite largement. C’est avec la cheville de cette résurrection, Laurent Campellone, que nous achèverons notre compte rendu. L’on ne peut que saluer la patience et l’intelligence du chef français qui a su exhumer les trésors de ce puissant et envoûtant Mage injustement oublié. Son charisme, et pour tout dire son humanité, pousse chaque fois davantage l’Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire dans ses meilleurs retranchements, au point de hisser cette phalange composée de non-permanents, au rang des meilleures de l’Hexagone.



Gilles Charlassier

 

 

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