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Lupu loupé

Toulouse
Halle aux Grains
11/10/2000 -  
Ludwig van Beethoven : Sonates N° 12 et 21
Georges Enesco : Sonate N°1
Leos Janacek : Sur un sentier herbeux (extraits)

Radu Lupu

Pour son concert d’ouverture, la saison de Grands Interprètes a montré sa popularité en remplissant totalement la Halle aux Grains de Toulouse avec un programme pourtant guère démagogique. Il faut dire que l’attrait d’un grand nom est bien sûr toujours fort pour le public, qui pourra entendre cette année Järvi, Harnoncourt, Chailly et pas mal d’autres.
Mais un grand nom peut faire aussi un petit concert, et l’on peut espérer que la popularité de Radu Lupu, qui ne s’était déjà pas spécialement signalé lors d’un précédent concert pour la même organisation, repose sur d’autres titres de gloires que cette prestation guère encourageante.
Très connu pour ses disques à la sonorité soi-disant unique, le pianiste roumain semble surtout bénéficier d’un preneur de son complaisant et d’un monteur sagace.
Son jeu sur la sonorité repose sur un postulat simple. Chaque note est frappée avec tout le bras, le poignet restant la plupart du temps totalement raide. Confinée au piano, la sonorité, cristalline et détimbrée, évoque assez le jeu perlé cher à l’école française. Mais cette sonorité constamment surveillée dérape parfois jusque dans le forte, où l’aspect percussif du jeu donne une sonorité dure et sans profondeur, en hiatus total avec ce piano précieux. D’autre part, le manque de souplesse du poignet oblige à un staccato constant, compensé par une forte propension à tout noyer dans la pédale, et occasionne quelques dérapages dans les traits rapides, qui manquent de mobilité. Pour compenser le manque de précision de son jeu, qui noie toutes les voix supérieures dans les brumes de la pédale, Radu Lupu fait parfois ressortir, de ci de là, une voix médiane ou inférieure, qui ravit la vedette aux lignes principales, réduites en bouillie.
Quelle que soit la pièce abordée, le ton et la nuance restent à peu près les mêmes, uniformisant le programme dans une sonorité ouatée ponctuée d’éclats ferraillants.
Cette technique de jeu s’accompagne d’une conception musicale tout aussi criticable. De même qu’il fait ressortir de façon gratuite telle ou telle voix secondaire, le pianiste étire également le tempo de certains motifs et pratique un rubato en accordéon qui défigure les thèmes. S’ajoute à cela le fait que pas un accent voulu par Beethoven, surtout les staccatos pourtant si importants, n’a été respecté, les phrases étant jouées comme d’infinies volutes sans saillance et quasi sans rythme, comme le premier mouvement de la Sonate N° 12, joué Largo et non Andante. De même, la Sonate d’Enesco, ainsi désarticulée en une succession d’atmosphères planantes et indistinctes, n’offrait plus qu’ennui et vide.
Jusqu’où peut aller la volonté de développer un jeu personnel, et où commence la trahison des intentions du compositeur? Qu’est-ce qui différencie le génie interprétatif de l’égocentrisme du pianiste?
Comparer, par exemple dans Beethoven, le jeu de Brendel et celui de Lupu pourrait être un début de réponse.


Laurent Marty

 

 

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