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Une belle découverte et une révélation

Saint-Etienne
Grand Théâtre Massenet
10/21/2012 -  et 23*, 25 octobre 2012
Jules Massenet : Cendrillon

Judith Gauthier (Cendrillon), Marie Lenormand (Le Prince charmant), Mélanie Boisvert (La Fée), Ewa Podles (Madame de la Haltière), Laurent Alvaro (Pandolfe), Caroline Mutel (Noémie), Caroline Champy Tursun (Dorothée), Christophe Bernard (Le Roi), Vincent de Rooster (Le Doyen de la faculté), Julien Neyer (Le Surintendant des plaisirs), Frédéric Prévault (Le Premier Ministre)
Chœur Lyrique Saint-Etienne Loire, Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire, Laurent Touche (direction musicale)
Benjamin Lazar (mise en scène), Adeline Caron (décors), Alain Blanchot (costumes), Christophe Naillet (lumières)


J. Gauthier (© Cyrille Cauvet)


Pour ouvrir la onzième biennale Massenet, le choix de Vincent Bergeot, nouveau directeur général et artistique de l’Opéra-Théâtre de Saint-Etienne, s’est porté sur Cendrillon, dans une production signée par le jeune et talentueux metteur en scène français Benjamin Lazar, et étrennée l’an passé à l’Opéra Comique, salle où l’ouvrage vit le jour en 1899. C’est une injustice enfin réparée que Cendrillon, qui n’est pas, loin s’en faut, l’œuvre la plus connue et la plus jouée de Massenet, revienne depuis quelque temps à l’affiche des théâtres de l’Hexagone. De fait, le conte de Charles Perrault, revu par le librettiste Henri Cain, a donné au compositeur stéphanois l’occasion de déployer ses talents d’orchestrateur avec un naturel et une subtilité qui font de ce «conte de fées» une de ses belles partitions. Et si le prétexte dramatique est un peu mince, la poésie le transfigure assez pour toucher le public et ouvrir des portes sur le rêve.


Benjamin Lazar a conçu un spectacle où la féerie ne le cède qu’à l’humour le plus raffiné et la tendresse la plus délicate. Délaissant les éclairages à la bougie qui ont largement contribué à sa renommée et à son succès (comme dans Le Bourgeois gentilhomme ou Cadmus et Hermione de Lully), il convoque cette fois la fée électricité à ses balbutiements ainsi que le cinématographe qui en est un des avatars. L’action est ainsi transposée, au premier acte, dans un studio de cinéma, peut-être celui de Méliès, dont on voit des bribes de films. Madame de la Haltière et ses filles s’y prêtent au jeu des caméras, tandis que Lucette/Cendrillon se voit réduite à nettoyer le plateau après le tournage. A la fin de l’acte, la Fée apparaît dans une myriade de loupiotes tombées des cintres pour former un ciel étoilé. L’effet est indiciblement beau et magique, alors que sylphes et follets investissent bientôt la scène voire tombent du ciel, vêtus de superbes costumes colorés et sophistiqués. La lumière se fait à nouveau source d’émerveillement quand Cendrillon se débarrasse de ses haillons pour laisser place à une robe de bal illuminée de mille feux, grâce à de petites ampoules qui y sont intégrées. Citons enfin, au III, la scène du Chêne des fées – les arbres prennent, là encore, vie grâce à des loupiottes –, où deux danseuses drapées de voiles tournoient dans la lumière, chorégraphie qui fait immanquablement penser à l’art sublime de Loïe Fuller.


Bénéficiant d’une excellente direction d’acteur, la jeune soprano française Judith Gauthier cisèle finement la psychologie de Cendrillon et incarne l’héroïne de Perrault avec beaucoup de fraîcheur et de grâce. L’ensemble de sa prestation vocale est à l’image de son touchant air d’entrée «Reste au foyer, petit grillon», chant plein d’aisance, de luminosité dans le timbre, avec des aigus sûrs et une ligne de chant superbement raffinée. Dans son air du III, le poignant «Seule je partirai, mon père», la chanteuse émeut profondément. Une belle découverte!


A la différence de la production signée par Renaud Doucet en décembre 2009 à Marseille, Benjamin Lazar revient à la version originale: le rôle du Prince charmant est donc tenu par une mezzo, non par un ténor. A Saint-Etienne, cet emploi est dévolu à Marie Lenormand, jeune mezzo française qui, sans aucun doute, fera très vite parler d’elle: voix parfaitement équilibrée et rayonnante, aigu généreux et technique déjà sûre. La richesse de son timbre, allié à un étonnant pouvoir d’émotion, traduit idéalement le mal de vivre, puis les premiers émois du Prince. Ajoutons encore que sa diction exemplaire est un pur bonheur, et qu’enfin le travesti lui convient à merveille. Elle est la révélation de la soirée.


Physiquement avenante et pourvue d’une belle agilité dans l’aigu, la soprano canadienne Mélanie Boisvert ne rencontre pas le moindre problème dans la tessiture pourtant peu confortable de la Fée. La contralto polonaise Ewa Podles est un luxe en Madame de la Haltière, le personnage bénéficiant de ses graves somptueux et de son irrésistible vis comica. Modèles de drôlerie bien conduite également chez les deux sœurs, aussi stupides que méchantes, Caroline Mutel et Caroline Champy Tursun. Quant à Laurent Alvaro, il est le Pandolfe burlesque et tendre qu’on attend. Le reste de la distribution s’avère satisfaisant, avec une mention pour le Surintendant des plaisirs de Julien Neyer.


A la tête d’un Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire en grande forme, Laurent Touche, chef du chœur maison en même tant qu’assistant du directeur musical, Laurent Campellone, rend parfaitement justice à la partition de l’enfant du pays. Toujours attentif au plateau, il épouse le propos de la mise en scène et fait ressortir à la fois les aspects comiques de l’œuvre et sa propension au rêve. Sa direction fluide privilégie avant tout les atmosphères et le chef se montre particulièrement à l’aise dans les passages de féerie, le Départ pour le bal ou le Chêne des fées.


Un spectacle qui rend heureux et qui place cette onzième biennale sous une bonne étoile.



Emmanuel Andrieu

 

 

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