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Une Flûte «sexualisée»

Metz
Opéra-Théâtre
09/28/2012 -  et 30 septembre, 2 octobre 2012
Wolfgang Amadeus Mozart : Die Zaubertflöte, K. 620

Sébastien Droy (Tamino), Valérie Condoluci (Pamina), Guillaume Andrieux (Papageno), Eugénie Warnier (Papagena), Philippe Kahn (Sarastro), Aline Kutan (La Reine de la Nuit), Valentin Jar (Monostatos), Florina Ilie, Marion Lebègue, Marie Gautrot (Trois Dames), Léonie Renaud, Catherine Trottmann, Sylvie Bedouelle (Trois Génies), Alain Herriau (L’Orateur, Prêtre, Homme d’armes), Alain Gabriel (Prêtre, Homme d’armes)
Chœur de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, Jean-Pierre Aniorte (direction du chœur), Orchestre national de Lorraine, Jacques Mercier (direction musicale)
Daniel Mesguich (mise en scène), Frédéric Pineau (décors et costumes), Patrick Méeüs (lumières)


F. Ilie, M. Lebègue, S. Droy, M. Gautrot
(© Philippe Gisselbrecht/Metz Métropole)



La Flûte enchantée est sans doute l’opéra le plus complexe de Mozart, la cohabitation des genres permettant plusieurs niveaux de lecture: opéra fantastique, opera seria, opera buffa, opéra pour enfants, opéra maçonnique... D’où une littérature des plus abondantes sur le sujet et des démarches scéniques extrêmement variées. Pourtant, la meilleure façon d’atteindre l’objectif est sans doute de suivre fidèlement le livret, en respectant le rythme d’une musique parfois drôle, parfois d’un esthétisme proche du sublime. A sa lecture, tout paraît simple, et la touchante histoire d’amour entre Tamino et Pamina semble racontée comme dans une bande dessinée ; mais tout se complique au moment de la représentation: c’est particulièrement le cas ce soir...


Pour sa première saison entièrement signée de lui, Paul-Emile Fourny, maître des lieux depuis la saison dernière, a fait appel à Daniel Mesguich, homme de théâtre de grande expérience, qu’il n’est point besoin de présenter. Nous avouerons que sa lecture du chef-d’œuvre mozartien nous a d’abord pour le moins décontenancés, puis franchement agacés: l’acte sexuel y tient une place primordiale et, dès l’Ouverture, on nous montre Pamina et Tamino copulant allégrement dans un lit, avant que ledit lit ne s’envole vers les cintres avec nos deux énamourés. Bref, ils «s’envoient en l’air», des fois que nous n’aurions pas compris. Quant au public, qui pouvait pourtant suivre l’action avec le surtitrage et les dialogues en français (réécrits par Mesguich), il n’a pas semblé s’y retrouver beaucoup non plus. Et il n’avait comme solution, pour ne pas passer une mauvaise soirée, que d’écouter chant et musique, en admirant également au passage les superbes décors et costumes de Frédéric Pineau, sans trop se préoccuper d’une dramaturgie incohérente, face à un un spectacle hermétique, pseudo-psychanalytique, allant souvent contre la partition, et ne traitant pas le sujet. On ne comprend pas plus goutte à la note d’intention du metteur en scène, à priori transposée sur scène, et qui vaut son pesant de cacahouètes. On laisse ainsi au lecteur le plaisir de goûter (ou pas) à l’avant-propos de Mesguich: «Il y a, c’est comme ça, de la différence sexuelle. Il y a l’homme et il y la femme. Il y a Sarastro et il y a la Reine de la Nuit. Cette déchirure première, constitutive, les êtres sexués (ils le sont tous) tendent sans cesse à la parcourir, peut-être à la réduire. Ils vont l’un vers l’autre, et l’on appelle ça l’amour».


Chef permanent de l’Orchestre national de Lorraine, Jacques Mercier captive notre écoute. A de rares exceptions près, la phalange lorraine, sous sa baguette, fait preuve de précision dans les attaques, de raffinement du côté des cordes et d’autorité chez les vents. Mercier se montre soucieux de faire vivre cette musique, en lui donnant une pulsation naturelle, en caractérisant les différentes situations et en ayant, tout simplement, le souci du style mozartien.


La jeunesse caractérise une distribution essentiellement française, dominée par la Reine de la Nuit d’Aline Kutan, rôle qu’elle a chanté dans une trentaine de productions aux quatre coins du monde, d’une virtuosité toujours aussi décoiffante, mais également capable de conférer à son personnage un certain relief névrotique. Le jeune ténor français Sébastien Droy est un Tamino viril, juste d’intonation, mais son timbre n’a pas exactement la séduction attendue dans ce rôle. Valérie Condoluci est une surprise en Pamina: son timbre est soyeux, son phrasé raffiné, ses pianissimi moelleux, et son jeu évite le piège de la mièvrerie.


L’irrésistible Guillaume Andrieux incarne un incroyable Papageno, d’une ardeur toute juvénile, au jeu truculent, aux récitatifs drôles et présents, mais le baryton français s’avère cependant fâché avec la langue de Goethe et il lui fait également défaut un legato pourtant primordial dans les œuvres de Mozart. Sa Papagena, la mezzo française Eugénie Warnier, jusque là essentiellement entendue dans le répertoire baroque, fait preuve d’une sûreté vocale qui laisse bien augurer d’emplois plus lourds à l’avenir.


Le Sarastro de Philippe Khan est un cauchemar pour nos tympans, tant la voix est désormais élimée, pâteuse, engorgée, phagocytée par un vibrato qui donne la nausée. Les trois Dames (Florina Ilie, Marion Lebègue et Marie Gautrot) se distinguent par la pertinence et la musicalité de leurs interventions. C’est, en revanche, un bien curieux choix que d’avoir distribué les Génies à trois chanteuses (Léonie Renaud, Catherine Trottmann, Sylvie Bedouelle): nos oreilles sont aujourd’hui habituées à la sonorité de voix de garçons, surtout dans la scène de tentative de suicide de Pamina. Enfin, le Monostatos du baryton roumain Valentin Jar séduit par sa puissante voix au timbre clair, mais s’avère peu compréhensible dans les dialogues parlés.



Emmanuel Andrieu

 

 

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