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Quatre-vingt cinq

Paris
Salle Pleyel
09/27/2012 -  
Anton Bruckner : Symphonie n° 8 en ut mineur (édition Haas)
Orchestre de Paris, Herbert Blomstedt (direction)


H. Blomstedt (© D.R.)


Si Johannes Brahms, Gustav Mahler et quelques autres figurent très régulièrement parmi les compositeurs dont les symphonies sont fréquemment données, on ne peut en dire autant d’Anton Bruckner (1824-1896). Les programmes des salles parisiennes de l’année à venir nous permettront néanmoins d’entendre à trois reprises la monumentale Huitième Symphonie du compositeur autrichien, et ce sous la baguette de trois grands chefs aguerris qui n’ont cessé de se confronter à ce répertoire au fil de leur carrière: avant Zubin Mehta le 12 mars prochain au Théâtre des Champs-Elysées (avec le Philharmonique de Vienne) et Semyon Bychkov le 23 du même mois à l’Opéra Bastille (avec l’Orchestre de l’Opéra national de Paris), c’était donc à Herbert Blomstedt, 85 ans, d’ouvrir cette trilogie à la tête de l’Orchestre de Paris.


Foule des grands soirs pour ce concert tant le chef avait ébloui, en mars 2010, lors d’un mémorable concert où il avait alors dirigé la Cinquième Symphonie de Bruckner. Tout aussi impressionnante, la Huitième le fut en vérité dès sa composition qui s’échelonna entre 1884 et, maints ajouts, repentirs et reprises plus tard, 1890, l’œuvre étant finalement créée en décembre 1892. Triomphe absolu: «Ce fut une complète victoire de la lumière sur l’obscurité» écrira Hugo Wolf, chaque mouvement ayant alors été salué par des salves d’applaudissements. C’est également une salle Pleyel enthousiaste qui salue l’entrée en scène, d’un pas alerte en dépit de son âge respectable, de Herbert Blomstedt. Face à lui, un orchestre volumineux, les bois étant par trois de même que les harpes, les quatre cors côtoyant les quatre Wagner-Tuben, les cordes se serrant les unes contre les autres... La musique peut alors commencer.


On a une image assez classique de la Huitième comme étant une œuvre sombre caractérisée par une «austère grandeur» (P.-G. Langevin). C’est pourtant une tout autre approche que nous donne ce soir Blomstedt. Reprenant à son compte le qualificatif de Wolf, le chef suédois (naturalisé américain) a choisi d’adopter une vision extrêmement claire, qui tourne résolument le dos à toute dramaturgie. Dès les premières attaques des basses au début de l’Allegro moderato, l’espoir transparaît. La clarinette de Philippe Berrod est lumineuse, comme elle le sera à la fin du même mouvement, pourtant si empli de renoncement lorsqu’il s’achève sur les cinq mêmes motifs de cordes. Le Scherzo, inhabituel deuxième mouvement (en général, il figure en troisième position dans les symphonies de Bruckner), est lui aussi plein d’entrain: la mélodie avance sans cesse, Blomstedt ne cherchant jamais à mettre en valeur plus tel passage que tel autre mais veillant au contraire à préserver l’architecture et la cohérence de l’ensemble. Les cors, emmenés par les attaques précises d’André Cazalet, s’en donnent à cœur joie à l’image de tous les cuivres. Place ensuite aux cordes qui se laissent conduire avec volupté dans ce qui est peut-être le plus beau mouvement jamais composé par Bruckner, l’immense Adagio. On se laisse doucement transporter par ces volutes mélodiques qui, notamment vers la fin, à la faveur de tensions instillées par les violons, font en un rien de temps passer l’auditeur de la tension la plus forte à l’apaisement le plus naturel. Conduisant le Finale sans aucune brutalité (on aurait d’ailleurs préféré que celui-ci fût parfois plus violent, notamment dans le jeu des timbales), Herbert Blomstedt guide l’auditeur vers cette «lumière» si magnifiquement incarnée par le contrechant des tubas allié à la force d’un superbe pupitre de contrebasses emmené par le toujours fringuant Bernard Cazauran.


Après 85 minutes de musique, le public, quelque peu groggy, salue cette magnifique interprétation par une belle ovation qui, fait rarissime après un concert ayant la Huitième Symphonie au programme, se poursuivit par un bis annoncé en français par le chef lui-même: ce fut le Scherzo de la Deuxième Symphonie (1872), donnant là une dernière occasion à la flûte de Vincent Lucas et au pupitre de violoncelles de briller lors de cette soirée.


Herbert Blomstedt sera de nouveau sur la scène de Pleyel avec l’Orchestre de Paris les 16 et 17 janvier dans un programme Beethoven avant de diriger l’Orchestre des jeunes Gustav Mahler le 19 mars, de nouveau dans Beethoven. Deux nouvelles occasions d’admirer l’art d’un très grand chef brucknérien, d’un très grand chef tout court en l’occurrence...



Sébastien Gauthier

 

 

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