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Excès de sagesse

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
09/13/2012 -  
Ludwig van Beethoven : Ouverture «Leonore III», opus 72a – Triple concerto, opus 56
Richard Strauss : Ein Heldenleben, opus 40

David Kadouch (piano), Renaud Capuçon (violon), Yan Levionnois (violoncelle)
Orchestre national de France, Daniele Gatti (direction)




«Tu diras bonjour à la maîtresse», «Tu ne tireras pas les cheveux de ta voisine», «Tu apprendras tes tables de multiplication»... Tels doivent être, en cette rentrée scolaire, les propos les plus fréquemment tenus par les parents d’élèves et par leurs maîtres et maîtresses. Il est dommage que l’Orchestre national de France, qui effectuait ici également sa rentrée sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées, ait obéi à un autre sempiternel précepte: «tu seras sage en classe». Car c’est bien l’impression générale laissée par ce beau concert: une grande sagesse et peu d’emportements au risque, dans la première partie, de provoquer un certain ennui.


On ne présente plus l’Ouverture Léonore III (1806), qui ouvrait initialement la première mouture de Fidelio composée par Ludwig van Beethoven (1770-1827): elle fait partie des ouvertures les plus célèbres du compositeur et les orchestres la jouent fréquemment en introduction ou en bis de concerts. Daniele Gatti en donne une belle interprétation qui, sans être vraiment galvanisée, permet aux huit contrebasses de l’orchestre (placées en arrière de la scène comme cela se voit par exemple au Musikverein de Vienne) de gronder à bon escient. La vivacité des tempi alliée à un orchestre plus que conséquent annonce d’ores et déjà l’intégrale beethovenienne du mois de novembre par les mêmes: on a hâte d’en découvrir le résultat!


Pour le Triple concerto (composé en 1804 mais créé seulement quatre années plus tard, en 1808), la disposition se modifie quelque peu, l’estrade du chef étant étrangement placée de biais, sur le devant de la scène, légèrement décalée sur la droite, permettant ainsi au chef d’embrasser d’un seul regard le pupitre des premiers violons et les trois solistes. Ces derniers frappent immédiatement par leur jeunesse, même si Renaud Capuçon connaît cette partition depuis longtemps pour l’avoir notamment jouée sous la direction de Myung-Whun Chung ou, tout récemment, sous celle de Bernard Haitink. L’interprétation de ce soir, dont on aurait justement pu attendre une certaine fougue, une vision étincelante voire cabotine (le troisième mouvement, notamment, s’y prête), frappe pourtant par son caractère mesuré, compassé et, finalement, ennuyeux. Le piano (en raison peut-être de son positionnement presque au milieu de la scène donc loin des premiers rangs du public) sonne étonnamment: on ne perçoit guère les traits, la mélodie masquant sa précision par une réelle brillance. Le violoncelle de Yan Levionnois trahit une justesse parfois aléatoire (notamment dans le Largo), tandis que Renaud Capuçon se repose en grande partie sur son métier. Ce qui manque trop souvent, c’est l’esprit d’équipe, le jeu, les échanges... On entend bien plus trois solistes qui jouent chacun leur partie consciencieusement mais sans trop se préoccuper de ce qui se passe à leurs côtés. Le public n’en ovationnera pas moins les trois jeunes musiciens qui regagnent ensuite les rangs du public pour écouter la seconde partie du concert, tout entière consacrée à l’un des grands poèmes symphoniques de Richard Strauss (1864-1949), Une vie de héros.


Daniele Gatti est ici plus dans son élément, l’orchestre également pourrait-on dire... Il est vrai que la partition est admirable dans son agencement, Strauss ayant déjà à son actif des chefs-d’œuvre de haute volée comme Don Juan, Mort et Transfiguration ou Ainsi parlait Zarathoustra. Dès les premiers accords, Gatti l’empoigne avec un franc volontarisme, les cordes du National témoignant à cette occasion d’une excellente forme même si l’on aurait apprécié que les contrebasses fussent parfois plus volumineuses. La gestique toujours très précise du chef permet à l’orchestre de dérouler de façon très cohérente les mélodies parfois désordonnées du «Champ de bataille du héros», cuivres et percussions s’en donnant à cœur joie, à tel point que le discours se trouve parfois enferré dans une domestication excessive. Mais, à côté de ces explosions mélodiques, également, quelle délicatesse dans ce poème symphonique, à commencer par le très beau violon solo de Luc Héry, censé incarner «La Compagne du héros» et qui, à l’instar d’autres pièces de Strauss (la Sinfonia domestica ou certains lieder comme Morgen), représente en vérité Pauline, qui fut l’épouse toujours adorée du compositeur. Techniquement irréprochable, le violon solo du National pourrait parfois se détendre un peu plus et jouer de façon plus mutine: il n’en demeure pas moins que sa prestation fut superbe. Au titre des musiciens qui se distinguèrent, on signalera également la flûtiste Adriana Ferreira et Laurent Decker qui tenait la très belle partie de cor anglais qui inaugure le passage des «Œuvres de paix du héros», magnifique séquence d’apaisement et de volupté musicale que l’on retrouve par exemple dans la Symphonie alpestre.


Au vu du résultat de ce concert, on ne peut donc que souhaiter que Daniele Gatti et le National s’engagent dans un cycle Strauss: ce pourrait être une belle surprise!


Le site de l’Orchestre national de France



Sébastien Gauthier

 

 

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