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Cristalline Simone Dinnerstein

Toulouse
Cloître des Jacobins
09/12/2012 -  
Frédéric Chopin : Nocturne, opus 27 n° 2
Daniel Felsenfeld : The Cohen Variations
Johannes Brahms : Intermezzo, opus 118 n°2
Johann Sebastian Bach : Partitas n° 1, BWV 825, et n° 2, BWV 826
Robert Schumann : Kinderszenen, opus 15

Simone Dinnerstein (piano)




Rendez-vous incontournable des amateurs de piano depuis plus de trente ans, Piano aux Jacobins est régulièrement l’endroit où découvrir des talents encore méconnus par les mélomanes francophones. Le récital de ce soir, donné par l’Américaine Simone Dinnerstein (née en 1972), célébrée par la presse outre-Atlantique, n’y déroge point.


Récompensée pour ses Bach, c’est par un Nocturne de Chopin qu’elle entame son concert sous les rougeoyantes croisées d’ogives du couvent méridional. D’emblée le son frappe par sa cristallinité, à l’éclat un peu froid voire cassant avant de s’adoucir peu à peu. La main gauche soutient de manière souple et vivante tandis que la main droite fait scintiller la mélodie. Ce Chopin-là semble contenu dans une tension harmonique qui fait ressortir une constante hésitation affective teintée de mélancolie. Les éclairages passent, fugaces. Et c’est dans cette impermanence que s’esquisse un portrait musical et émotionnel reconnaissable du compositeur. Commande de la soliste à son compatriote Daniel Felsenfeld (né en 1970), les Cohen Variations reprennent le matériau de Suzanne, chanson de Leonard Cohen. Jouées sans transition avec le nocturne précédent, ces modulations contemporaines qui ne renient pas une modalité expressive semblent en prolonger la retenue intérieure, caressant par moments d’authentiques accents de jazz. L’Intermezzo en la majeur de Brahms réchauffe l’atmosphère de sa lumière automnale à laquelle la pianiste se laisse abandonner. Toujours d’une évidente simplicité, le tissage des basses gagne dans cette page crépusculaire une tendresse touchante.


Seconde séquence de cette première partie d’un programme soigneusement calibré, la Deuxième Partita du Cantor de Leipzig revient à l’idiome de l’interprète. Majestueuse au risque d’une certaine raideur, la Sinfonia inaugurale s’affirme dans une remarquable transparence. Plutôt que de surligner la clarté de l’écriture polyphonique, le jeu naturel de Simone Dinnerstein favorise la trame de la partition, avec une dynamique particulièrement fluide. La progression rythmique de l’Allemande à la Courante s’affirme alors avec une incontestable évidence. La Sarabande se délecte d’elle-même, reléguant parfois au second plan son architecture, avant un Rondeau et un Capriccio frémissants. En même temps que la sonorité du Steinway se décante, allant à l’essentiel, on sent une impatience croissante dans cette conclusion spirituelle et jubilatoire – la quintessence de Bach.


S. Dinnerstein (© Lisa Marie Mazzucco)


Avec ses Scènes d’enfants, Schumann déploie un kaléidoscope d’impressions et de situations à la fois varié et d’une grande cohérence narrative. Plutôt que d’en souligner la continuité cyclique, Simone Dinnerstein préfère laisser respirer chaque morceau, comme si elle tournait paisiblement un album d’images et de souvenirs. Si l’on décèle çà et là quelques traces de mélancolie, la mémoire se fait essentiellement paisible, souriant discrètement devant certaines expressions de maladresse. Le piano devient ici plus charnu et ne recule pas devant une écriture parfois dense, voire compacte, mais jamais lourde ni épaisse. Le sentiment sait se garder de la grandiloquence, avec une élégance et une retenue qui semblent innées chez la musicienne américaine.


La Première Partita de Bach referme la soirée sur des notes de lumière qui s’écoulent avec une aisance aussi délicate que volubile. La tendresse de cette sobriété prend des allures de bienveillance presque maternelle. On entend l’Esprit verser sur le berceau d’un Prélude rayonnant une simplicité fervente qui se diffuse au fil des morceaux, de l’Allemande à la Gigue finale, condensant avec la même fraîcheur que dans la Deuxième Partita une impatiente jubilation. Un éclat de Scènes d’enfants de Schumann vient remercier un public conquis. Tout rappel supplémentaire aurait déséquilibré un concert à la dramaturgie fine, dans un écrin à la magie qu’altère un peu un garde-chiourme confondant l’accueil du public avec les lois de sa cité.


Le site de «Piano aux Jacobins»
Le site de Simone Dinnerstein



Gilles Charlassier

 

 

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