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Le Touquet

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Concert de louanges

Le Touquet
Palais des Congrès
08/18/2012 -  
Franz Schubert: Klavierstück, D. 946 n° 1 [1] – Sonate pour violoncelle et piano «Arpeggione», D. 821 [2]
Ludwig van Beethoven: Sonate pour piano n° 31, opus 110 (troisième mouvement) [3]
Robert Schumann: Sonate pour piano n° 3, opus 14: Variations sur un thème de Clara Wieck [4]
Serge Prokofiev: Visions fugitives, opus 22 [5]
Ludwig van Beethoven: Sonate pour piano n°4, opus 30 [6]
Olivier Messiaen: Quatuor pour la fin du Temps: «Louange à l’éternité de Jésus» [2]
Dimitri Chostakovitch: Sonate pour violoncelle et piano, opus 40 [2]
Franz Liszt: La lugubre gondola [2]

Henri Demarquette [2] (violoncelle), Rémi Geniet [3] Selim Mazari [1], Mûza Rubackyté [2], Varduhi Yeritsyan [4, 5, 6] (piano)




«Elle ne jouait pas une note qui ne soit de l’amour»: pour Henri Demarquette comme pour les autres partenaires et amis de Brigitte Engerer, qui avait accepté d’être la marraine des «Pianos Folies», chaque note du concert qu’ils donnent en sa mémoire, ce 18 août 2012, semble chargée d’une émotion palpable, grandissante à chaque nouvelle pièce du programme pour culminer lors de l’interprétation de la Sonate «Arpeggione» de Schubert, une de ses œuvres de prédilection. Un programme qu’elle avait conçu comme une carte blanche, reflet de ses affinités musicales, sensiblement modifié après sa disparition le 23 juin dernier pour devenir, au sens fort du terme, un concert de louanges.


Il appartient à trois de ses élèves du Conservatoire de Paris d’en interpréter les premières mesures. Révélation classique 2012 de l’Adami, Selim Mazari donne parfaitement la tonalité de la soirée avec le premier des Klavierstücke D.946, si caractéristique du style ultime de Schubert, dans son balancement entre enthousiasme et abattement: «Amour et douleur se mêlaient en moi. (…) Voulais-je chanter l’amour, celui-ci se changeait pour moi en douleur. Et voulais-je rechanter la douleur, celle-ci se changeait pour moi en amour.» Lui succède Rémi Geniet, troisième prix du concours Beethoven 2011, interprète de l’ultime mouvement de l’Opus 110 du maître de Bonn: une lecture sobre et dénuée de pathos, un chant subtilement décanté, de la plainte de l’arioso dolente à la promesse de résurrection de la fugue finale. Ancienne élève et partenaire attitrée de Brigitte Engerer, Varduhi Yeritsyan choisit de lui rendre un hommage apaisé, à l’ineffable interprète de Schumann d’abord en jouant, avec un lyrisme pudique servi par une palette sonore nuancée, les Variations sur un thème de Clara Wieck, suivies des Visions fugitives de Prokofiev, et de la Quatrième Sonate de Scriabine, à l’exergue approprié: «Le vol de l’homme vers l’étoile, symbole du bonheur».


C’est par la «Louange à l’éternité de Jésus», cinquième volet du Quatuor pour la fin du Temps de Messiaen, qu’Henri Demarquette ouvre son programme, comme un mois auparavant à La Roque d’Anthéron, avec Boris Berezovsky comme partenaire. Au Touquet, malgré une complicité sans doute moins fusionnelle avec la pianiste lituanienne Mûza Rubackyté que celle de ces deux intimes de Brigitte Engerer, la tension émotionnelle ne fait que croître, entretenue par les états d’âme riches en contrastes de la Sonate opus 40 de Chostakovitch, et devenue presque insoutenable lors de l’interprétation de La lugubre gondole de Liszt, dont la noirceur désespérée est balayée par le lyrisme lumineux de l’Arpeggione de Schubert. Comme un ultime et mélancolique message de consolation.


Fidèle à son ambition de douce folie, le Festival a, pour sa quatrième édition, multiplié les concerts dans les endroits les plus insolites de la station, de la plage au centre hippique, de la poste au marché, même sur un plateau ambulant tiré par une rutilante traction avant, bref dans tous les lieux de vie fréquentés par des estivants ravis de l’aubaine; des concerts gratuits, mais toujours de qualité, confiés à de jeunes talents imperturbables en dépit des nuisances inévitables du plein-air. Un auditoire que l’on retrouve sans doute en partie dans les concerts payants, à en croire le bilan du festival: une fréquentation de l’ensemble de la soixantaine de manifestations atteignant les 20000 spectateurs, en augmentation de 25%, et des recettes en hausse de 8%.


Nul besoin de convaincre François-René Duchâble, inventeur du piano-vélo et autres formes décalées de concert, de la démarche des Pianos Folies vers des publics neufs. Il forme avec les trois danseurs de la Compagnie Julien Lestel un véritable quatuor de chambristes, où chacun semble se nourrir de l’énergie des autres, au long d’une chorégraphie fluide et émouvante sur le thème de la résilience... Autre tentative de fusion des arts, celle de Mikhaïl Rudy proposant sa reconstitution de la mise en scène réalisée par Kandinsky en 1928 à Dessau – résidence du Bauhaus – des Tableaux d’une exposition de Moussorgski. Un film d’animation réalisé d’après les dessins préparatoires et les indications scéniques de celui qui prétendait entendre de la musique juste en voyant ses tubes de peinture. Sur tous les plans, une interprétation très personnelle, souvent excessive, mais convaincante, fidèle au compositeur comme à l’auteur de l’essai Du spirituel dans l’art.


Parmi les concerts, disons plus traditionnels, mentionnons enfin la prestation de Denis Kozhukhin, premier prix du Reine-Elisabeth 2010, d’une incontestable virtuosité, tant dans un Concerto en sol majeur de Haydn bondissant et élégant que dans le Fa mineur de Chopin, certes plus brillant que lyrique, et le récital d’Alexander Romanovsky, aussi brillant dans les diaboliques Variations sur un thème de Paganini de Brahms que d’un lyrisme pondéré dans la traduction des états d’âme contrastés des Préludes de Chopin.


Le site de Pianos Folies



Marcel Weiss

 

 

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