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Une réussite complète

Paris
Théâtre du Châtelet
11/06/2000 -  et 7, 9, 10 novembre 2000
Philippe Boesmans : Wintermärchen (Le Conte d’hiver)
Dale Duesing (Leontes), Susan Chilcott (Hermione), Cornelia Kallisch (Paulina), Anthony Rolfe Johnson (Polixenes), Franz-Joseph Selig (Camillo), Heinz Zednik (Le Temps), Juha Kotilainen (Antigonus), Johanne Saunier (Perdita), Kris Dane (Florizel), Arthur Debski (Mamilius)...
Orchestre Symphonique de la Monnaie, Antonio Pappano (direction)
Luc Bondy (mise en scène)

Après sa création au Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles en décembre 1999 (lire la critique) et son passage à l’Opéra de Lyon, cette reprise au Théâtre du Châtelet confirme la réussite exceptionnelle d’une œuvre et d’un compositeur.

Les qualités d'écriture de Philippe Boesmans sont multiples (parfaite adéquation au drame, intelligibilité des voix, virtuosité transcendante, inventivité débordante, style ciselé et sans bavure, ...), mais celle qui frappe peut être le plus est son étonnante capacité à mêler des éléments hétérogènes : le troisième acte est ainsi occupé, en grande partie, par un groupe de rock, Aka Moon (saxophone, percussions, basse, synthétiseur). Il ne s’agit cependant pas ici d’un collage ou d’une “ pause ” mais bien d’une variation construite à partir d’un thème esthétique de base. Et rétrospectivement on se dit que le premier acte, avec son orchestre “ traditionnel ” mais constamment éruptif, anguleux et saccadé avait un coté furieusement rock’n roll ! Ce passage rock, qui peut sembler abrupt au premier abord, cristallise en réalité une certaine forme d'écriture de Philippe Boesmans. Idem pour des réminiscences de Richard Wagner qui signalent, elles, des climats plus éthérés, dans le quatrième et dernier acte spécialement. Richard Strauss, autre virtuose de l'orchestre, est aussi convoqué de façon plus ou moins voyante, comme modèle et défi à la fois.

Une telle capacité à gérer l’hétérogène, à intégrer ce qui est en rupture, dans le creuset d’une musique en perpétuelle ébullition (et qui fait passer les deux heures de l’opéra d’un souffle) rattache Boesmans à Ligeti (Le Grand macabre) et à Zimmermann (Les Soldats), c’est à dire à une tradition qui fait son miel d’une modernité qui ne résume pas aux trois viennois mais s’étend à Igor Stravinsky et à Richard Strauss et qui ne se limite pas à la “ musique savante ” mais incorpore des musiques populaires comme le jazz (chez Zimmermann) ou le rock.

Boesmans apporte ainsi une véritable contribution à l’histoire de l’opéra et signe avec Wintermärchen une des plus éclatantes réussites de ces dernières décennies. Le public ne s’y trompe pas qui, après Reigen dans ce même théâtre en 1994, lui réserve une véritable ovation. L’excellence des interprètes - ce sont ceux de la création - contribue évidemment à l’accueil enthousiaste de l’opéra. Dale Duesing, Leontes halluciné par sa jalousie, offre une incarnation marquante qui domine toute la distribution. Susan Chilcott (Hermione, la femme de Leontes) est bouleversante en femme trahie et délaissée, la mezzo Cornelia Kallisch impérieuse en suivante de sa maîtresse bafouée et Heinz Zednik (le Mime du Ring de Chéreau) malicieux à souhait dans le rôle du Temps qui, finalement, renouera les liens rompus, même si la folie de Leontes semble revenir dans sa dernière intervention. Excellents également Antonio Pappano et l’Orchestre Symphonique de la Monnaie qui se jouent de toutes les virtuosité d’écriture de Boesmans.

La réussite d'un opéra revient également au librettiste : dans le programme, Harry Halbreich compare le duo Boesmans/Bondy à Strauss/Hofmannsthal ou Verdi/Boito ; ce n'est sans doute pas exagéré.


A signaler, la sortie de l'Avant Scène Opéra pour accompagner et prolonger le spectacle et l'enregistrement (chez Deutsche Grammophon, collection 20/21) pour se replonger dans l'œuvre.




Philippe Herlin

 

 

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