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Le retour de Nowowiejski

Cracow
Philharmonie
07/13/2012 -  
Feliks Nowowiejski : Quo vadis, opus 30
Olga Rusin (soprano), Jack Jaskula (baryton), Krzysztof Szumanski (baryton-basse)
Chœur du Grand Théâtre de Poznan, Sinfonia Iuventus, Kaspar Zehnder (direction)




Il fallait bien qu’un compositeur polonais s’intéressât au roman Quo vadis, qui valut à Sienkiewicz le prix Nobel de littérature en 1905. Ce fut Feliks Nowowiejski (1877-1946), dont les « Cinq scènes dramatiques » ont inauguré cette année, dans leur version originale en allemand, le huitième festival de musique polonaise de Cracovie. Celui-ci reste fidèle à ses origines et à son esprit : Pawel Orski, son directeur depuis deux ans, exhume avec discernement des œuvres peu jouées, même en Pologne, du Nocturne de Roman Palester au Cinq épisodes d’Adam Walacinski, des Ballades de Mickiewicz mises en musique par Carl Loewe à la Maria de Statkowski. On regrette que cette programmation judicieuse n’attire pas davantage de monde… et que les textes du programme soient toujours aussi scandaleusement indigents.



Nowowiejski naquit dans la partie allemande d’une Pologne rayée de la carte européenne, étudia à Berlin avec Max Bruch, fit carrière à Cracovie de 1909 à 1914, puis s’établit après la guerre à Poznań, où il mourut en 1946. Compositeur, organiste, chef d’orchestre, professeur, on a du mal à imaginer aujourd’hui la renommée de ce musicien polyglotte, qui parlait cinq langues y compris l’arabe – en 1934 il dirigeait ses œuvres à Paris, où Marcel Dupré interprétait sa Première Symphonie pour orgue. Son langage reste traditionnel, mais différent de celui d’un Noskowski – le professeur de Szymanowski - et des élèves de l’Institut de musique de Varsovie : on sent chez lui une formation à l’allemande. Parmi ses nombreuses compositions, ce furent sans doute ses oratorios qui remportèrent le plus grand succès : on lui décerna même en 1902 le prix Meyerbeer, équivalent allemand de notre Prix de Rome , après Le Retour du fils prodigue. La version définitive de Quo vadis, créée en 1909 à Amsterdam, acclamée plus de deux cents fois avant 1939, en Europe et aux Etats-Unis.



Ces Scènes « pour soli, chœur, orchestre et orgue » hésitent souvent entre l’oratorio et l’opéra ; elles témoignent en tout cas d’un évident métier, même si elles sonnent parfois un peu pompier et pâtissent de quelques longueurs – on se gardera de les mettre au niveau des Gurrelieder ou de la Huitième Symphonie de Mahler. Les deux premières scènes, où Rome brûle et où le chef de la garde prétorienne pousse la foule à accuser les chrétiens, ont quelque chose de cinématographique, voire d’hollywoodien avant l’heure, avec un déploiement orchestral et choral d’une grande puissance dramatique, sans parler de la Marche prétorienne. La troisième scène, cependant, convainc davantage : les prières des chrétiens, où perce le compositeur de musique sacrée, atteignent une réelle hauteur d’inspiration. On reste donc plus sensible aux passages intimistes, même si la double fugue finale, où s’exprime l’espoir du triomphe de la foi à travers un retour à la grande tradition de l’oratorio, en impose par sa maîtrise.


Quo vadis n’avait pas été donné à Cracovie depuis 1969, à l’époque où Jerzy Katlewicz dirigeait la Philharmonie. Le chef suisse Kaspar Zehnder conduit cette fois avec précision et enthousiasme un orchestre formé de musiciens polonais âgés de moins de trente ans, qui donne le meilleur de lui-même, de même que le chœur du Grand Théâtre de Poznań, excellent. L’écriture des parties vocales, aussi tendue que dans certaines partitions allemandes de l’époque, met parfois les voix à rude épreuve, surtout quand il s’agit de jeunes chanteurs comme c’est le cas ici. Le Prétorien de Krzysztof Szumanski déploie une belle voix d’opéra, au timbre mordant, mais manque encore un peu de souplesse. Si Olga Rusin, elle, a encore trop sécheresse de couleur et de ligne pour Lygie, elle ne promet pas moins. Jacek Jaskula, en revanche, outre une voix riche en couleurs, montre une grande maturité en Pierre : le meilleur des trois.


Une heureuse résurrection, qui confirme toute la diversité de la musique polonaise.



Didier van Moere

 

 

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