About us / Contact

The Classical Music Network

Moscou

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Un soir sans harmonie

Moscou
Salle Tchaïkovski
10/08/2000 -  
Frédéric Chopin: Scherzo N°2, Scherzo N° 3, Cinq Mazurkas
Franz Liszt: Valse oubliée, Mephisto-Walz, 10 Etudes d'exécution transcendante

Boris Berezovsky (piano)

Pour qui semble fasciné par l'excellence de ses propres moyens tout au long d'une exécution sommaire, la transcendance ne relève visiblement pas de la méditation. Il est vrai que l'humilité ne va pas toujours de pair avec la conscience du savoir faire, mais tel devrait pourtant être le parcours obligé afin de donner le sentiment de servir la musique plutôt que celui de l'utiliser en guise de scénario d'une aventure pianistique occasionnelle qui peut susciter de l'excitation, certes, mais au grand jamais l'émotion.

Il semble décidément que bien des errements seraient évités si, dotée de moyens techniques fulgurants issus de la pratique de la virtuosité que les œuvres ont elles-même généré, la quête d'un mode d'interprétation "original" se doublait de la volonté d'approcher au plus près l'ensemble des indications figurant sur une partition qui, à l'équivalent d'une carte routière d'une extraordinaire précision, permettent à tout le moins de s'orienter pour emprunter le meilleur sinon le plus court chemin vers les sommets.

Au lieu de cela Boris Berezovsky s'empresse de collectionner les excès de vitesse qui ne permettent pas d'admirer le paysage, freine brutalement sur un sforzando pour se calfeutrer soudain dans des sous-bois de sonorités sans réverbération d'où l'auditeur émerge éprouvé tant la sourdine lui impose par artifice une attention soutenue, au point qu'il se sent rasséréné de pouvoir entendre le moteur s'emballer à nouveau à l'issue d'une séquence d'audition à minima. Cette ordonnancement bien rodé de réflexes conditionnés ne correspond en rien à l'élévation de pensée qu'implique le droit et le devoir de se situer exemplairement en interprète d'œuvres de référence. Trop d'approximations proviennent d'un manque de capacités techniques parmi les instrumentistes pour ne pas trouver dommage que ceux là même qui ont su les pousser à l'extrême comme l'excellent pianiste Boris Berezovski ne puissent se soustraire à l'envie de s'enivrer d'apparences.

Loin de moi l'idée qu'un modèle d'interprétation demeure figé au fil des siècles d'autant que les instruments eux même se perfectionnent au rythme de nouvelles expérimentations qui auraient très probablement conforté Chopin autant que Liszt. Mais l'utilisation du système du double échappement sur lequel repose une bonne partie du développement de la technique moderne du piano autorise de telles prouesses digitales que la physiologie du jeu prend souvent le pas sur la conduite mesurée du phrasé. Au risque, comme lors de ce récital, de faire apparaître des œuvres d'exception comme le suprême faire-valoir d'exercices de plasticité musculaire.

Le contrôle de la gestuelle globale se substituant au contrôle du son pris individuellement comme un élément authentique sur lequel il convient de s'appesantir harmonieusement, celui ci finit par passer au second plan entraînant par là même la disparition de sa propre luminescence. Telles n'étaient certainement pas les intentions de Boris Berezovsky en choisissant un programme de haute virtuosité, toutefois l'impression qui résulte de cette entreprise ambitieuse est que disposant au plus haut degré de tous les moyens de répondre à un enjeu de cette nature, une certaine hauteur de vue lui fait malheureusement défaut pour prétendre atteindre à l'exécution transcendante, celle qui touche à l'âme.



Edmond Rosenfeld

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com