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La machine à remonter le temps

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
06/19/2012 -  et 14 (Wien), 16 (Birmingham), 17 (London), 20 (Ljubljana) juin 2012
Johannes Brahms : Symphonie n° 3 en fa majeur, opus 90
Anton Webern : Six pièces pour grand orchestre, opus 6
Robert Schumann : Symphonie n° 3 en mi bémol majeur, opus 97 «Rhénane»

Wiener Philharmoniker, Sir Simon Rattle (direction)


S. Rattle (© Thomas Rabsch)


Même si la venue de l’Orchestre philharmonique de Vienne au Théâtre des Champs-Elysées attire toujours une foule considérable, avouons que les dernières prestations parisiennes de l’illustre phalange n’ont pas laissé de souvenir impérissable, que ce soit sous la direction de Christian Thielemann – on se souvient de son cycle Beethoven (voir ici, ici, ici et ici) – ou sous celle de Lorin Maazel (voir ici). En revanche, en remontant un peu plus loin dans le temps, on se souvient avec émerveillement des concerts donnés par les Wiener Philharmoniker sous la baguette de Sir Simon Rattle: comment pourrait-on avoir oublié cette Quatre-vingt Huitième symphonie de Haydn ou ces Métamorphoses de Richard Strauss (voir ici)? Aussi, et même si la dernière venue à Paris du chef anglais n’avait pas été pleinement convaincante (voir ici), on attendait avec gourmandise ce concert qui, en fin de compte, aura été exceptionnel.


La Troisième Symphonie (1883) de Johannes Brahms (1833-1897) par le Philharmonique de Vienne au Théâtre des Champs-Elysées... Là aussi, que de souvenirs, moins pour ceux qui étaient venus entendre Georges Prêtre en janvier 2006 que pour ceux qui étaient présents le 17 mars 2000! L’orchestre avait alors donné l’œuvre sous la direction de Seiji Ozawa, peu après la formation d’une coalition gouvernementale incluant l’extrême droite, qui avait mis l’Autriche au ban de l’Europe. Les manifestations contre la venue de l’orchestre avaient été nombreuses, des mots d’ordre en ce sens avaient même étaient relayés dans la presse, et la Troisième Symphonie s’était conclue par une alerte à la bombe, obligeant l’évacuation du théâtre, les musiciens devisant alors tranquillement mais à distance avec les spectateurs, avenue Montaigne, pendant que les équipes cynophiles arpentaient les moindres recoins du théâtre, avant que tous ne regagnent la salle pour une Deuxième de Brahms absolument triomphale.


Sir Simon Rattle, qui a récemment gravé une intégrale des Symphonies de Brahms avec le Philharmonique de Berlin dont il est le Chefdirigent, aura ce soir livré une version parfaite d’une œuvre faussement facile, à la rythmique parfois complexe et à l’équilibre souvent délicat. Ces difficultés ne paraissent à aucun moment, les cordes de Vienne emportant tout sur leur passage – les sept contrebasses leur donnant une assise granitique sans faille! – dès le premier mouvement. L’Andante fut un miracle de poésie, non seulement grâce aux musiciens (le legato des cordes, la clarinette rêveuse de Norbert Täubl ou le hautbois enjôleur de Harald Hörth) mais aussi grâce à une direction tout en souplesse et en retenue de la part de Simon Rattle. Enchaînant immédiatement avec le célèbre troisième mouvement (Poco allegretto) d’une beauté plastique stupéfiante (les cordes, encore une fois) mais jamais alanguie, le Philharmonique de Vienne déchaîne toutes les couleurs possibles dans l’Allegro conclusif (la violence, l’apaisement): le public est aux anges.


Après l’entracte, l’Orchestre philharmonique de Vienne donne une brève œuvre moderne bien que datant de 1909 (même si la version choisie était celle révisée en 1928), les Six Pièces d’Anton Webern, né l’année même de la création de la Troisième Symphonie de Brahms. Cette partie du programme permit à chaque pupitre de l’orchestre de faire montre de ses capacités techniques, qu’il s’agisse des percussions (notamment dans la quatrième pièce) ou des cuivres (dans la deuxième), et strictement musicales, de la clarinette basse au vénérable alto solo de Heinrich Koll. Simon Rattle donne à l’ensemble un parfait dosage en termes de nuances et de dynamique, parvenant sans peine à conférer toute sa cohérence à des pièces aux atmosphères pourtant très dissemblables.


Enfin, le concert s’acheva, comme il avait commencé, par une grande symphonie classique, la Troisième dite «Rhénane» de Robert Schumann (1810-1856). Lorsqu’il était venu à Paris au mois d’avril dernier, le Philharmonique de Vienne avait déjà donné les Première et Quatrième Symphonies de Schumann sous la direction de Christian Thielemann: le résultat, emphatique et souvent boursoufflé, n’avait pas convaincu. Quel changement ce soir! Sir Simon Rattle empoigne cette symphonie avec un allant dont il ne se départira pas jusqu’à la dernière note, donnant tout son côté lugubre au quatrième mouvement, et tout son caractère printanier au Lebhaft final. L’orchestre livre une véritable démonstration, notamment le pupitre de cinq cors emmené par l’impérial Lars Michael Stransky. La petite harmonie est également idoine, offrant ainsi au public dans le deuxième mouvement une parenté stylistique étonnante avec la future Troisième de Brahms. L’ovation qui conclut le concert était on en peut plus méritée (on regrettera l’absence de bis, pourtant habituel lorsque l’orchestre est en tournée), rappelant à ceux qui l’auraient oublié ou pourraient avoir eu quelques doutes ces dernières années que, dans ces soirs-là, le Philharmonique de Vienne est sans conteste l’un des tout premiers orchestres du monde.


La saison prochaine verra les Wiener Philharmoniker s’arrêter à trois reprises à Paris sous les directions contrastées d’Andris Nelsons, Georges Prêtre et Zubin Mehta. Nul doute que de grandes heures sont encore à prévoir!


Le site de l’Orchestre philharmonique de Vienne



Sébastien Gauthier

 

 

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