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Sincérité

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
06/07/2012 -  
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano et orchestre n° 5, opus 73, «L’Empereur»
Antonín Dvorák : Symphonie n° 7, opus 70, B. 141

Emanuel Ax (piano)
Orchestre national de France, Sir Colin Davis (direction)


E. Ax


Quelques jours après avoir notamment donné le Requiem de Mozart dans le cadre du Festival de Saint-Denis, le vénérable chef anglais Sir Colin Davis (né en 1927) retrouvait l’Orchestre national de France le temps d’un concert au Théâtre des Champs-Elysées. Ce faisant, Colin Davis renouait peu ou prou avec le type de concert qu’il a lui-même dirigé, toujours avec le National et en ces mêmes lieux, voici près d’un an où le soliste du concerto de Beethoven qui avait alors été donné se nommait Nicholas Angelich . Ce soir, c’est le pianiste Emanuel Ax, excellent chambriste et concertiste, plutôt rare sur les scènes françaises, qui officiait.


L’homme, rondouillard et jovial, gagne son siège en arborant un large sourire, précédant de peu Sir Colin Davis, marchant, lui, d’un pas hésitant et fragile; il dirigera d’ailleurs assis tout au long du concert, juché, comme il en a désormais l’habitude, sur un grand tabouret placé sur une estrade. La version qu’Emmanuel Ax donne du fameux Concerto «L’Empereur» (1809-1811), qu’il a d’ailleurs récemment joué à Chicago sous la direction de David Robertson, ne convainc qu’à moitié en dépit d’une générosité et d’une implication sans faille. Evidemment, sa technique est hors de cause: on connaît depuis longtemps la dextérité dont il fait preuve et ses doigts courent avec une grande agilité sur les touches du Steinway. En revanche, le toucher est plutôt dur et le piano sonne généralement clair et assez fort. De ce fait, la poésie du concerto, notamment dans le sublime deuxième mouvement Adagio un poco mosso, fait fréquemment défaut: la démonstration prend le pas sur l’émotion. Compte tenu de l’énergie bouillonnante d’Emanuel Ax (il faut le voir se tourner constamment vers l’orchestre lorsqu’il ne joue pas, le voir se tortiller les mains, se pencher avec gourmandise vers son clavier...) et de la joie qu’il éprouve d’être visiblement là, ce jeu ne peut étonner: pour autant, on peut se demander s’il n’est pas quelque peu hors sujet. Et ce d’autant que sa vision ne semble pas être totalement partagée par le chef qui conduit sagement un National de niveau correct, sans plus. On remarque ainsi, outre semble-t-il une méforme globale, quelques problèmes de mise en place à la fin du premier mouvement (Allegro) ainsi que quelques attaques ratées tant de la part des violons que des cors au début du troisième. Sir Colin Davis, qui s’en tient au strict minimum, dirige donc de façon assez mécanique une partition qui demanderait pourtant un tant soit peu de rubato: nous sommes bien loin des effusions suscitées par Hélène Grimaud ou de la perfection parfois distante d’un Christian Zacharias. Il convient néanmoins de préciser que la concentration des interprètes a pu être quelque peu amoindrie par un public nombreux mais particulièrement inattentif et bruyant (papiers habituels de bonbons que l’on déplie pour atténuer une toux que l’on traîne déjà depuis deux ou trois minutes, paquets de mouchoirs que l’on détache pour les mêmes raisons et avec la même promptitude, sans compter les habituels strapontins qui se replient dans un fracas épouvantable et les non moins habituelles messes basses entre voisins qui ont tant de choses à se raconter dans une salle de concert).


Moins fréquente que la Symphonie «Du Nouveau Monde», la Septième (1884-1885) d’Antonín Dvorák (1841-1904) fait néanmoins partie de ces œuvres données de façon assez régulière (souvenons-nous que, par exemple, le Philharmonique de Berlin l’avait interprétée lors de sa venue parisienne en mars 2007). Regrettons au passage que les chefs n’aient pas l’audace de programmer les symphonies «de jeunesse» du compositeur tchèque qui, à maints égards, mériteraient de sortir d’un bien injuste oubli. Dans la brève note du programme, Christophe Corbier estime que cette œuvre offre «une synthèse entre plusieurs sources d’inspiration apparemment contradictoires: l’inspiration slave, le wagnérisme et le style de Brahms». Si les racines populaires (comme dans presque toutes les œuvres de Dvorák) sont présentes, de même que les réminiscences brahmsiennes (la Troisième Symphonie en particulier), on pourrait insister sur l’influence de Bruckner plutôt que celle de Wagner. Non seulement en raison de cette tonalité sombre du premier mouvement ou de ce Scherzo digne du Maître de Saint-Florian, mais aussi de ces puissants tutti de cuivres qui rappellent inévitablement cette force tranquille que Bruckner a si bien su illustrer de son côté.


Les premiers accords étonnent, Sir Colin Davis adoptant un tempo assez allant, à rebours de ce que l’on a l’habitude d’entendre au disque, notamment sous la baguette de Kertész ou de Kubelík. Ils étonnent d’autant plus que le reste du mouvement verra son allure évoluer grandement, le chef privilégiant un plan sonore ou une phrase au détriment d’une véritable conception d’ensemble. On entend donc, en particulier dans le deuxième mouvement (Poco adagio) qui fut pourtant le plus réussi (grâce notamment à Nora Cismondi au hautbois et Patrick Messina à la clarinette), des explosions ou des tâches de couleurs qui attirent notre attention sans pour autant nous montrer un quelconque fil conducteur. Le troisième mouvement qui, tout en adoptant un caractère implacable, doit également être extrêmement chantant (notamment dans le passage en sol majeur, perdu au milieu de ces tonalités mineures dominantes) ne transmet pourtant guère d’émotion; où sont ces fulgurances, où est cet ostinato des violoncelles, où sont ces contrastes entre les bois et le reste de l’orchestre? Pas ici visiblement même si Sir Colin Davis réussit mieux le final (Allegro), retrouvant là, enfin, un peu du mystère de cette fabuleuse partition.


Le site d’Emanuel Ax



Sébastien Gauthier

 

 

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