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Abbado est grand

Paris
Salle Pleyel
06/05/2012 -  
Ludwig van Beethoven : Egmont: Ouverture en fa mineur, opus 84
Robert Schumann : Concerto pour piano et orchestre en la mineur, opus 54 – Symphonie n° 2 en ut majeur, opus 61

Radu Lupu (piano)
Mozart Orchestra Bologna, Claudio Abbado (direction)


C. Abbado (© Marco Caselli Nirmal)


Il est des rituels et des signes qui ne trompent pas: les spectateurs en tenue de soirée côtoient les étudiants en jeans tout heureux d’avoir pu obtenir le précieux sésame, les stands des institutionnels trônent fièrement dans le hall de la Salle Pleyel, les visages connus se croisent au détour d’une cohue incroyable, les spectateurs munis de leur billet fendent la foule des piétons massée sur le trottoir au sein de laquelle quelques mains timides tendent un écriteau recherchant sans beaucoup d’espoir une place ou un strapontin, le concert commence avec près d’un quart d’heure de retard dans une attente on ne peut plus fébrile... Bref, il se passe quelque chose rue du Faubourg Saint-Honoré. Et, effectivement, comment ne pas vouloir être là pour entendre et voir Claudio Abbado dont les concerts se jouent depuis belle lurette à guichets fermés, qui plus accompagné par Radu Lupu, soliste de la soirée et vieux compagnon du chef italien. Autre attrait, et non des moindres, de cette soirée: il s’agissait, sauf erreur, de la première venue hexagonale de l’Orchestre Mozart de Bologne, phalange créée en 2004, dont Abbado a pris en partie la direction et avec laquelle il a déjà enregistré quelques disques notamment consacrés au compositeur éponyme (voir ici).


Point de Mozart ce soir mais deux autres monstres sacrés pour ce triptyque ouverture-concerto-symphonie fort généreux. D’un pas rapide, et ovationné alors qu’il n’a même pas encore gagné son podium, Claudio Abbado entraîne l’orchestre dans une somptueuse Ouverture d’Egmont (1810) de Ludwig van Beethoven (1770-1827). Les musiciens, bien que majoritairement très jeunes, sont tous d’une qualité et d’une maîtrise tout bonnement exceptionnelles: on rêve éveillé en entendant cette petite harmonie (Jacques Zoon à la flûte, Alessandro Carbonare à la clarinette) ou ces cuivres puissants. La gestuelle d’Abbado est, comme toujours, magnifique à regarder mais également d’une efficacité incroyable: il suffit qu’il pointe sa baguette vers les cinq contrebasses pour que celles-ci vrombissent au quart de tour, renforçant ainsi l’ampleur des cordes de l’orchestre. La puissance de la partition, enlevée dans un tempo allant, déclenche l’enthousiasme d’un public qui était, de toute façon, déjà conquis.


La sobriété de Claudio Abbado ne pouvait que s’harmoniser de la plus belle façon avec la non moindre réserve de Radu Lupu, arrivant sur scène, comme à son habitude, de façon raide et nonchalante à la fois, saluant brièvement le public avant de s’asseoir bien au fond de sa chaise. Le Concerto en la mineur (1845) de Robert Schumann (1810-1856) est une page que le soliste comme le chef connaissent bien: cela se voit surtout dans le premier mouvement (Allegro affetuoso) où l’équilibre entre l’orchestre (là encore, quelle clarinette!) et le piano est optimal. Le toucher de Lupu est d’une très grande douceur, les sons presque murmurés, le pianiste roumain se fondant dans le climat extrêmement retenu souhaité par Abbado dont l’attention se matérialise fréquemment par ces légères retenues dans la battue, la baguette suggérant bien davantage qu’elle n’impose. Dans le deuxième mouvement (Intermezzo. Andantino grazioso), la sobriété de Lupu est à son comble, conférant finalement à la partition un caractère assez lisse qui suscite presque une forme d’indifférence. Cette distance se retrouve dans le troisième mouvement (Allegro vivace), émaillé au début par quelques fausses notes du pianiste, où la joie dionysiaque de la partition ne parvient jamais à véritablement s’imposer. Pour autant, on tressera de nouveaux lauriers à l’attention de l’orchestre qui, notamment grâce à des bois superlatifs, a été exceptionnel tout au long du concerto. En bis, Lupu livre une Rêverie de toute beauté, issue des célèbres Scènes d’enfants de Schumann: on ne pouvait d’ailleurs qu’être frappé par le silence respectueux de la salle face à un moment d’une telle subtilité et d’une telle pudeur.


La pudeur, d’une certaine façon, était également présente dans la deuxième partie du concert consacrée à la relativement rare Deuxième Symphonie (1845-1846) de Schumann, les orchestres jouant plus volontiers l’une des quatre autres. Avouons-le immédiatement: on aura été totalement transporté par une formation d’une excellence jamais prise en défaut, capable d’en remontrer à des phalanges bien plus prestigieuses sur le papier. Comme on dit parfois, «Ca joue!». Les violonistes, emmenés par le toujours vif Raphael Christ, ne sont jamais adossés à leur chaise: les musiciens bougent avec leur instrument, font corps avec lui, à l’image de ces contrebasses déjà si belles dans Egmont. Le volume des cordes est impressionnant, emplissant la salle Pleyel d’une puissance qui ne sera jamais criarde ou vulgaire, celles-ci sachant également manifester une finesse insurpassable – le deuxième mouvement (Scherzo), où les échanges avec les bois sont ajustés au millimètre). Le hautboïste Lucas Macías Navarro est impérial dans le troisième mouvement (à l’instar de la clarinette et du basson qui le rejoindront quelques mesures plus loin), se fondant parfaitement dans un ensemble caractérisé par une cohésion de tout premier ordre. Abbado, sans jamais être grandiloquent, cultive à la fois l’ampleur du geste et la richesse du son pour le plus grand plaisir des spectateurs qui, comme un seul homme, lui réservent une ovation sitôt le dernier accord retombé.


Au programme de la salle Pleyel pour la saison 2012/2013, Claudio Abbado reviendra le 14 avril 2013 à la tête de l’Orchestre de chambre d’Europe pour un programme Beethoven-Mendelssohn avec Martha Argerich en soliste, et le 11 juin 2013 pour un concert en partie consacré à Mozart avec le même orchestre et le même soliste que ce soir. Autant dire deux rendez-vous absolument incontournables!


Le site de l’Orchestre Mozart de Bologne



Sébastien Gauthier

 

 

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