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Standing ovation

Baden-Baden
Festspielhaus
03/10/2012 -  
Frédéric Chopin : Fantaisie, Op. 49 – Deux Nocturnes, Op. 62 – Polonaise-Fantaisie, Op. 61 – Scherzo N° 1, Op. 20
Franz Liszt : Nuages gris – Unstern ! La lugubre gondola N° 1 – Richard Wagner-Venezia – Sonate en si mineur

Maurizio Pollini (piano)


M. Pollini (© Andrea Kremper)


En dépit du report de ce concert prévu initialement l’automne dernier et annulé pour raisons de santé, le Festspielhaus de Baden-Baden paraît bien rempli pour ce récital, donné il est vrai par un pianiste toujours de haute volée. Après une courte phase d’adaptation au volume de la salle (problème récurrent dans ce lieu énorme qui tout comme le Grosses Festspielhaus de Salzbourg peut cependant accueillir des récitals sans déperdition, sous réserve que le pianiste parvienne à trouver le bon équilibre sonore) le piano prend de l’ampleur et on se retrouve face au Chopin d’un Maurizio Pollini de toujours : exact, sans alanguissement, détaillé avec autant de rigueur que s’il s’agissait de jouer Bach ou Scarlatti. On peut trouver le résultat méthodique voire pressé sans attention prêtée au détail. Tout reste audible mais le pianiste ne s’appesantit sur rien, certains évènements n’acquérant leur poids définitif que rétrospectivement, en fonction des phrases qui vont leur succéder. Cela dit ce travail d’architecte fonctionne toujours, l’âge du pianiste ne semblant par ailleurs avoir aucune prise sur des capacités techniques qui restent phénoménales. Pour cette première partie le choix des pièces est par ailleurs exigeant, incluant deux Nocturnes pertinemment choisis (l’Op. 62, ce ne sont pas des pièces de sentimentalité facile), une Fantaisie d’ouverture qui paraît quand même un peu expédiée, mais peut-être parce que l’équilibre sonore entre les deux mains n’est pas encore trouvé et que les plans sonores se mélangent un peu, et surtout un fantastique 1er Scherzo pensé par grands blocs qui s’articulent avec un phénoménal sens du timing des silences.


Programme Liszt très lourd en seconde partie, qui reprend celui d’un récital DG difficile à ne pas citer comme un maillon essentiel d’une discothèque lisztienne. La célèbre Sonate en si mineur n’arrive qu’en dernière position, précédée de ces pièces plus brèves qui font souvent les choux gras des avant-gardistes, parfaits exemples d’un progressisme musical inexorable vers l’atonalité. Dans ces compositions, allusives comme des brouillards ou des reflets sur l’eau, Pollini parvient à sculpter ses accords en debussyste confirmé, voire en grand technicien des musiques savantes contemporaines et inoubliable interprète des pièces les plus statiques de Luigi Nono. Des visions somme toute vénitiennes, d’une magie qui incite à retenir son souffle. Ce que le public de Baden-Baden réussit d’ailleurs, autorisant même le pianiste à enchaîner toutes les pièces en les faisant paraître d’un seul tenant, comme autant de variations sur la même thématique de nuages funèbres reflétés par l’élément liquide d’une Venise morbide. Place ensuite à une Sonate en si mineur dévalée à toute allure, où l’on se retrouve tout à coup en plein milieu du propos alors que d’autres en seraient encore à négocier les premiers obstacles un par un. On avoue d’ailleurs qu’un peu plus d’attention apportée aux articulations, voire un soupçon de temps pris pour détailler ceci ou cela ne paraîtrait pas de trop, mais qu’importe, ce n’est pas là le propos d’un pianiste qui semble interpréter cette Sonate comme un gigantesque Prélude et Fugue de Bach davantage que comme une grande arche dont il faudrait soigner les fondations avant de s’élancer vers les parties les plus escarpées. Pianistiquement, de toute façon, le résultat est prodigieux, et puis on ne s’ennuie jamais. Rappelons qu’un jour Liszt joua cette Sonate fraîchement écrite devant Brahms et qu’il fut fort vexé, en se retournant après un passage particulièrement original, de constater que son jeune auditeur... s’était endormi ! Légende ou pas, la popularité durable de cette anecdote dans la tradition orale des musiciens en dit long...


Standing ovation méritée, après ce récital d’un grand maître, et jeu obstiné et bruyant de fauteuils qui se rabaissent avant chaque nouveau bis, le pianiste en accordant ici rien moins que quatre. 10e Etude d’exécution transcendante de Liszt, incontournable Etude Op. 10 N° 12, démonstration technique toujours aussi vigoureusement « pollinienne », un plus inattendu Nocturne Op. 27 N° 2, aussi peu sentimental que l’on pouvait se le représenter joué par de pareils doigts mais dont la fin, hors du temps et magique comme une nuit étoilée, s’écoute comme dans un rêve éveillé, et enfin un généreux Troisième Scherzo, toujours de Chopin. Fastueuse soirée !



Laurent Barthel

 

 

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