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Le Duc d’Albe enfin créé en français

Antwerp
Vlaamse Opera
05/06/2012 -  et 9, 11, 13*, 15, 18 (Antwerpen), 25, 27, 29, 31 mai, 2 juin (Gent) 2012
Gaetano Donizetti : Le Duc d’Albe (version complétée par Giorgio Battistelli)
Rachel Harnisch (Hélène d’Egmont), Ismael Jordi*/Alexey Kudrya (Henri de Bruges), George Petean (Le Duc d’Albe), Vladimir Baykov (Sandoval), Igor Bakan (Daniel), Gijs Van der Linden (Carlos/Balbuena), Stefan Adriaens (Un tavernier)
Koor van de Vlaamse Opera, Yannis Pouspourikas (chef du chœur), Symfonisch Orkest van de Vlaamse Opera, Paolo Carignani (direction)
Carlos Wagner (mise en scène) Alfons Flores (décor), An Vandevorst et Filip Arickx (costumes), Fabrice Kebour (éclairages)


(© Annemie Augustijns)


Donizetti n’a pas achevé son Duc d’Albe (1839). Il semble qu’une certaine Rosine Stolz, qui devait contribuer à la création, n’apprécia guère le travail du compositeur mais d’un autre côté, la direction de l’Opéra de Paris préféra un autre sujet que celui du livret en français d’Eugène Scribe et Charles Duveyrier, remanié plus tard pour Les Vêpres siciliennes de Verdi. La partition fut laissée en l’état : une bonne moitié achevée, le reste partiellement élaboré (ligne de chant, orchestration) ou complètement inexistant, surtout les quinze derniers pourcents. En 1881, l’éditeur Lucca s’en empara pour la confier à un élève du maître, Matteo Salvi, qui la compléta en se reposant sur une version en italien du livret. L’ouvrage a été créé tel quel puis repris (peu souvent) et même enregistré (à trois reprises). Le Vlaamse Opera a eu l’excellente idée d’en monter une nouvelle version complétée en recourant, cette fois, au livret original, quant à lui parfaitement achevé. Giorgio Battistelli (né en 1953) s’y est collé en adaptant légèrement l’orchestration de Salvi, en intégrant au début du quatrième acte l’air d’Henri utilisé dans La Favorite et en comblant les portions manquantes avec une musique totalement originale, dans un idiome contemporain qui tranche assez sensiblement avec ce qui suit et précède. Néanmoins, le résultat s’avère assez efficace, pour reprendre un adjectif maintes fois galvaudé mais approprié ici, et mieux vaut donc sans doute cela que singer le style de Donizetti. Le projet mérite d’autant plus d’être salué que ce Duc d’Albe comporte des pages de haute valeur et d’une écriture avancée. La virtuosité sert le drame et non l’ego des interprètes.


A l’impossible nul n’est tenu mais il aurait fallu réunir une distribution francophone, du moins pour les rôles les plus exposés : trop souvent approximative, voire exotique, la diction des chanteurs constitue un sérieux bémol. Sur ce point, le titulaire du rôle-titre, George Petean, ne s’en tire pas trop mal. Vocalement estimable, par moments impressionnant dans les passages les plus ardus, le baryton campe avec une certaine profondeur psychologique un personnage massif, puissant et inquiétant (surtout à cause de ses multiples tatouages, y compris sur le visage et le crâne). A propos de tatouages, le passage durant lequel Henri de Bruges dévoile, sur sa poitrine, le même motif – la vierge Marie – que celui du duc, en réalité son père, compte parmi les plus remarquables du spectacle : Ismael Jordi se livre sans s’économiser et développe un chant admirablement tenu, bien que le timbre puisse paraître un peu trop nasal. Fière, frondeuse, sous certains aspects masculine – elle porte le pantalon – mais intrinsèquement féminine, Rachel Harnisch interprète Hélène d’Egmont avec une certaine classe. Vladimir Baykov ne marque guère les esprits mais, pour sa défense, le personnage de Sandoval ne présente guère d’intérêt – difficile dès lors de lui conférer un tant soit peu d’épaisseur – et Igor Bakan, dans le rôle (plus intéressant) de Daniel, peine à projeter sa voix, gutturale et trop enfouie. Comme d’habitude, le chœur, préparé par Yannis Pouspourikas, réalise ce qu’il est attendu de lui (maîtrise, engagement) tandis que sous la direction de Paolo Carignani, l’orchestre se distingue plus par son tempérament dramatique que par sa finesse, relative, et sa mise en place, pas idéale ; sur scène, l’heure est grave et les musiciens dans la fosse réagissent en conséquence.


Dans un dispositif «futuriste» (ces sempiternelles passerelles sur lesquelles évoluent les méchants) et baigné dans des teintes très sombres, Carlos Wagner règle le plateau sans approximation. Avant le lever de rideau, sur un écran géant, une représentation de la vierge Marie brisée en mille morceaux procure d’emblée de l’effet. Des soldats géants suffisent à suggérer de façon frappante le climat belliqueux dans lequel s’inscrit l’intrigue. A la fin, les choristes apparaissent dans un costume qui leur confère l’aspect de morts-vivants décapités, de quoi clore le spectacle sur une note marquante. Un peu de nudité (décidément à la mode), des mitraillettes, dissimulées en toute hâte dans des sacs d’orge au deuxième acte pour les soustraire de l’attention des Espagnols (judicieuse idée), mais pour une fois pas de scène de copulation : bref, voici de nouveau une production pensée et moderne, conforme en cela à ce que le Vlaamse Opera propose habituellement à son public.



Sébastien Foucart

 

 

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