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La sirène et la maquerelle

London
Royal Opera House, Covent Garden
02/27/2012 -  et 1er, 3*, 6, 9, 14 mars 2012
Antonín Dvorák: Rusalka, opus 114, B. 103
Camilla Nylund (Rusalka), Petra Lang (La Princesse étrangère), Bryan Hymel (Le Prince), Agnes Zwierko (Jezibaba), Alan Held (Vodník), Daniel Grice (Le Chasseur), Gyula Orendt (Le Garde forestier), Ilse Eerens (Le Marmiton), Anna Devin, Justina Gringyte, Madeleine Pierard (Les Nymphes des bois)
Royal Opera House Chorus, Renato Balsadonna (préparation), Royal Opera House Orchestra, Yannick Nézet-Séguin (direction musicale)
Jossi Wieler, Sergio Morabito (mise en scène), Samantha Seymour (reprise de la mise en scène), Barbara Ehnes (décors), Anja Rabes (costumes), Olaf Freese (lumières), Altea Garrido (chorégraphie), Chris Kondek (vidéos)


(© ROH 2012 /Clive Barda)


Covent Garden n'avait encore jamais connu de production scénique de Rusalka, le conte de fée lyrique d'Antonin Dvorák, seules deux représentations en version de concert (avec Renée Fleming dans le rôle-titre et Charles Mackerras dans la fosse) y ont été données en 2003. On peut dès lors s'étonner que les responsables du vénérable théâtre aient choisi de faire venir un spectacle du Festival de Salzbourg qui avait passablement divisé les esprits à sa création en août 2008. Quatre ans plus tard, la première à Londres a déclenché une tempête de huées lorsque les metteurs en scène sont venus saluer au rideau final, ce qui est plutôt rare au Royal Opera, où le public est réputé pour son flegme tout britannique. La cause de tant d'agitation? La transposition radicale opérée, qui voit l'action se dérouler dans un bordel à l'atmosphère lugubre et kitsch, aux lumières tamisées rouges et peuplé de jeunes filles aux poses aguicheuses, avec une sorcière en mère maquerelle aveugle, qui se déplace à l'aide d'un déambulateur. L'une des prostituées, Rusalka, lasse des relations tarifées, voudrait connaître une véritable histoire d'amour avec un homme. Elle est prête à tous les sacrifices pour tenter d'échapper à son destin et vivre son rêve, qui n'en est pas un en fin de compte. Les illusions seront vite perdues… Le propos paraît logique, à défaut d'être totalement convaincant, et n'a rien de particulièrement choquant ni provocateur. Pour sûr cependant, tous ceux qui s'attendaient à assister à une production mêlant rêve, poésie et nature ont dû être cruellement déçus. Mais ils n'ont eu qu'à fermer les yeux pour goûter à un spectacle de premier ordre sur le plan musical.


Pour ses débuts à Covent Garden, Yannick Nézet-Séguin a fait très fort. A la tête d'un orchestre en grande forme, au son soyeux et rutilant, il a tenu le public en haleine de bout en bout par son sens de la progression dramatique. Privilégiant au départ des tempi étirés pour porter à son paroxysme l'aspect lyrique de l'ouvrage, avec un détail de couleurs et de nuances, il a ensuite développé un crescendo époustouflant, débouchant sur des scènes d'une rare intensité. Le Prince de Bryan Hymel est la révélation de la soirée. Le chanteur américain a l'étoffe d'un véritable Heldentenor, avec des aigus bien assurés. Reprenant le rôle qu'elle avait déjà chanté à Salzbourg, Camilla Nylund n'a peut-être pas le timbre éthéré que l'on associe à Rusalka ni la projection suffisante pour une salle aussi vaste que Covent Garden, mais elle a offert un portrait particulièrement poignant de la jeune fille voulant vivre ses rêves. La Princesse étrangère démoniaque de Petra Lang en impose par sa présence scénique: plus vraie que nature, méchante et rusée, elle donne les frissons dès sa première apparition, avant même de chanter la moindre note. Alan Held, déjà dans la distribution salzbourgeoise, est totalement convaincant en père possessif, alors qu'Agnes Zwierko, parfaitement idiomatique sur le plan vocal, incarne une sorcière terriblement humaine avec ses cheveux débraillés et ses bas de contention. A défaut de réunir tous les suffrages, ce spectacle a au moins le mérite de faire parler de lui et de ne laisser personne indifférent.



Claudio Poloni

 

 

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