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« Remplaçantes » ?!

Toulon
Opéra
01/29/2012 -  et 31 janvier, 3* février 2012
Richard Wagner : Lohengrin

Stefan Vinke (Lohengrin), Ricarda Merbeth (Elsa), Janice Baird (Ortrud), Anton Keremidtchiev (Telramund), Bjarni Thor Kristinsson (Henri l’Oiseleur), Simon Thorpe (Le Hérault)
Chœur de l’Opéra de Toulon, Christophe Bernollin (direction des chœurs), Chœurs de l’Opéra national de Montpellier Languedoc-Roussillon, Noëlle Gény (direction des chœurs), Orchestre de l’Opéra de Toulon, Giuliano Carella (direction musicale)
Frédéric Andrau (mise en espace), Luc Londiveau (scénographie), Ivan Mathis (lumières)


R. Merbeth, J. Baird (© Elian Bachini)


Hosanna! Débutons cette recension par un chant de louanges: celui que mérite Claude-Henri Bonnet, directeur général et artistique de l’Opéra de Toulon. Car dans ce bastion de l’opéra italien qu’est la vénérable institution provençale, afficher un Wagner fait montre d’un vrai courage artistique – mais aussi financier! D’autant que, les deux chanteuses prévues à l’origine ayant déclaré forfait, ce sont deux des sopranos wagnériennes les plus demandées (et donc les plus chères...) de la planète qui sont venues sauver les trois représentations toulonnaises: Ricarda Merbeth dans le rôle d’Elsa et Janice Baird dans celui d’Ortrud... rien de moins! En fin de compte, ce sont quatre heures et demie d’une soirée magique - qui entrera sans nul doute dans les annales de la maison – à laquelle a pu assister un public venu (finalement) nombreux et reparti ébahi, conquis, heureux, faisant enfin une fête d’un quart d’heure (supplémentaire) à l’ensemble de l’équipe artistique au moment des saluts.


Premier motif d’enthousiasme: la «mise en espace» du comédien/metteur en scène Frédéric Andrau, dont nous avions déjà pu apprécier le travail in loco sur L’Enfance du Christ de Berlioz, en 2009. Ce jeune et talentueux homme de théâtre (formé à la Comédie de Saint-Etienne) renoue avec l’épure, la sobriété et l’élégance qui caractérisaient son approche scénique d’alors, et il a eu la judicieuse idée de s’entourer des mêmes complices qui avaient assuré son premier succès sur la scène toulonnaise: Luc Londiveau à la scénographie et Ivan Mathis aux lumières. S’inspirant très fortement (sans qu’on s’en plaigne) de l’univers esthétique du grand Bob Wilson, il baigne tout le spectacle dans d’envoûtantes lumières bleutées. On relèvera également une quasi-absence de décors (hors une passerelle centrale et quelques panneaux latéraux), ici remplacés par des figures géométriques créées par des rais de lumières verticaux ou horizontaux, typiquement «wilsoniens».


Le deuxième – celui auquel nous nous attendions le moins – est l’extraordinaire travail effectué par Giuliano Carella sur la phalange dont il préside aux destinées depuis 2006. Franchement, malgré toutes les louanges que nous ne cessons de formuler à l’égard d’un orchestre en constant progrès depuis qu’il est placé sous sa férule, nous ne nous attendions pas à un tel degré de beauté sonore. Après un Prélude d’un extrême raffinement, le chef italien semble privilégier une conception symphonique de cet opus du maître de Bayreuth, avec un souci tout particulier accordé aux détails instrumentaux. Un simple coup de timbales, un solo d’instrument à vent s’échappant de la ligne vocale, tel un trait de lumière, suffisent à plonger l’auditeur au cœur de l’œuvre. Les chanteurs, constamment couvés par le regard et la baguette du chef, gagnent également en fluidité dans le phrasé, sans rien d’emphatique, au fil de dialogues intimes d’une urgence et d’une intensité rares. L’équilibre entre fosse et plateau tient ainsi du miracle. Avant d’en venir aux solistes, une mention spéciale pour le Chœur de l’Opéra de Toulon, renforcé pour l’occasion par les Chœurs de l’Opéra national de Montpellier, qui atteignent ce soir un niveau exemplaire de force et de cohérence, d’engagement et d’expressivité.


Troisième satisfaction : un plateau vocal d’exception. A commencer par l’Elsa, vibrante et passionnée, de Ricarda Merbeth: timbre épanoui, émission d’une superbe égalité, couleurs de voix chatoyantes et radieuses, expression d’une bouleversante immédiateté... On ne sait où donner de l’oreille! De son côté, le ténor allemand Stefan Vinke apporte à Lohengrin un timbre très spécifique, plus clair que celui des grands titulaires actuels du rôle (d’une troublante similitude avec celui de Klaus Florian Vogt), qui répond admirablement à ce que le personnage a d’unique, comme cet aigu triomphant qui s’envole avec un héroïsme insolent dans une lumière dorée. Négociant sa difficile entrée avec autant d’aisance que d’élégance, il aborde le récit du Graal avec des ressources intactes et un sens du mystère poignant. Magnifique!


En Ortrud, l’Américaine Janice Baird tire le meilleur parti de la direction à la fois transparente et vibrante de Carella, imposant de bout en bout une ligne de chant exemplaire, dardant ses aigus venimeux comme autant de flèches empoisonnées et jouant à la perfection ce rôle d’enjôleuse perverse. D’une énergie souveraine, ses imprécations du II resteront comme un des temps forts de la soirée. En dépit d’une indisposition préalablement annoncée, Anton Keremidtchiev lui offre une réplique convaincante en Telramund (du moins vocalement, car l’acteur laisse à désirer...), aux côtés du Hérault claironnant et vaillant de Simon Thorpe. Seule déception, le roi Henri de Bjarni Thor Kristinsson, voix sombre et imposante, qui manque cependant de soutien et de sûreté dans l’émission.


En dépits de ces (légers) bémols, une production vraiment digne des plus grandes scènes internationales.



Emmanuel Andrieu

 

 

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