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In memoriam

Paris
Eglise Saint Roch
01/25/2012 -  et 23 (Bruxelles), 26 (Antwerpen) janvier 2012
Johann Sebastian Bach : Cantates «Herr, gehe nicht ins Gericht mit deinem Knecht», BWV 105, «Schauet doch und sehet», BWV 46, «Es ist nichts gesundes an meinem Leibe», BWV 25, et «Warum betrübst du dich, mein Herz?», BWV 138
Hana Blaziková (soprano), Damien Guillon (contre-ténor), Thomas Hobbs (ténor), Peter Kooij (basse)
Collegium Vocale Gent, Philippe Herreweghe (direction)


P. Kooij


Comment pouvait-on ne pas penser, alors que la pluie avait cessé de tomber sur Paris, à Gustav Leonhardt, un des mentors de Philippe Herreweghe puisque ce dernier a participé, en jouant les petites mains, à la réalisation de la fameuse intégrale des Cantates de Johann Sebastian Bach (1685-1750) sous sa houlette et celle de Nikolaus Harnoncourt? C’est donc tout naturellement, et avec quelques mots introductifs empreints d’émotion et de simplicité, que Herreweghe a souhaité, avec l’ensemble des artistes de la soirée, dédier ce concert à la mémoire de l’immense claveciniste et chef baroque que fut Leonhardt, décédé le 16 janvier dernier à l’âge de 83 ans.


Comme les productions Philippe Maillard en ont désormais l’habitude, le public peut donc se presser dans l’Eglise Saint Roch pour écouter Herreweghe diriger Bach, qu’il s’agisse de cantates (voir ici et ici) ou de grandes fresques chorales comme la Messe en si. On connaît depuis longtemps les affinités profondes que le chef flamand entretient avec le Cantor de Leipzig, ayant signé plusieurs enregistrements qui sont tous autant de références absolues dans des discographies pourtant fort riches. Le temps a fait son œuvre sur scène: les cheveux ont grisonné, se sont éclaircis, les visages se sont chaussés de lunettes... et, surtout, fruit d’une confrontation ininterrompue de près de quarante ans, l’interprétation a considérablement gagné en maîtrise et en liberté. Herreweghe, toujours avare de gestes excessifs ou inutiles, lance avec beaucoup de douceur ses musiciens dans ces quatre cantates qui ont pour point commun de dater de l’été 1723, époque où Bach prenait les rênes du cantorat de Leipzig.


Cette arrivée n’a pas été, faut-il le rappeler, du goût de tout le monde: le conseiller Platz aurait ainsi déclaré: «Puisque nous ne pouvons avoir le meilleur, il faut nous contenter d’un médiocre», regrettant que la ville de Leipzig n’ait pu s’attacher les services de Georg Philipp Telemann. Pour autant, Bach s’est immédiatement attelé à la tâche en composant plusieurs cantates qui, pour les quatre entendues ce soir, se caractérisent en premier lieu par une très grande richesse instrumentale: des trompettes à coulisse (tromba da tirarsi) dans la Cantate BWV 25, deux hautbois de chasse (da caccia) dans la Cantate BWV 46, des flûtes à bec dans les Cantates BWV 25 et BWV 46. Même si le trompettiste soliste accompagnant l’air de ténor «Kann ich nur Jesu mir zum Freunde machen» (Cantate BWV 105) n’a pas été exempt de quelques difficultés, les instrumentistes du Collegium Vocale ont globalement été excellents. On ne peut passer sous silence les prestations de Marcel Ponseele (quel hautbois dans l’air très italianisant de la soprano «Wie zittern und wanken» de la Cantate BWV 105!), des trois flûtistes instaurant un climat bucolique et recueilli à la fois dans la Cantate BWV 46 ou du violoncelle toujours impliqué d’Ageet Zweistra dans l’air de la basse «Ach, wo hol ich Armer Rat?» (Cantate BWV 25). On retiendra également la présente discrète (mais essentielle dans les continuo) de Maude Gratton à l’orgue et, de manière générale, la souplesse des cordes tout au long du concert.
Le chœur du Collegium Vocale peut également être salué: à seulement trois chanteurs par partie (y compris chaque soliste), il sonne merveilleusement, répondant lui aussi aux moindres inflexions du chef d’orchestre.


Au sein des solistes, à seigneur tout honneur, Peter Kooij fut idéal dans un répertoire qu’il connaît par cœur pour le pratiquer depuis des décennies (on se souvient, déjà sous la direction de Philippe Herreweghe, d’un inoubliable Magnificat de Bach donné en juillet 1991 au Festival de Saintes, en l’Abbaye aux Dames...) et l’enseigner à travers le monde à de jeunes chanteurs. Accompagné d’une trompette droite (vraisemblablement une «Thurnerhorn»), il est exemplaire de tenue et dans sa technique, notamment lorsqu’il vocalise sur les mots «Strahl» (dans le passage «Doch dessenStrahl bricht endlich ein» (Cantate BWV 46) ou «Arzt» (Cantate BWV 25), en un seul souffle, sans rupture aucune, témoignant ainsi une souplesse vocale de tout premier ordre. Le contre-ténor Damien Guillon, habitué également du répertoire baroque au sens large comme en témoigne son récent disque consacré à John Dowland, a parfaitement tenu sa place, se distinguant en particulier dans le très bel air «Doch Jesus will auch bei der Strafe» (Cantate BWV 46). Hana Blaziková s’illustre pour sa part par une voix d’une très grande pureté, qu’on aurait pu craindre trop diaphane par endroits mais qui, en vérité, ne manque pas de mordant ni de présence quand il le faut. Le climat de l’air «Offne meinen schlechten Liedern» (Cantate BWV 25), soutenu par les flûtes et hautbois, a ainsi paru très frais et enjoué, illustrant de manière idoine le livret («Wenn ich dort ihm höhern Chor», c’est-à-dire «Lorsque je chanterai avec les anges»). Enfin, le ténor Thomas Hobbs complète très harmonieusement ce quatuor grâce à une voix puissante et charmeuse, veillant tout particulièrement à la parfaite prononciation des paroles chantées.


Humblement, Philippe Herreweghe, comme à son habitude, suggère, soutient, relance si nécessaire mais ne s’immisce pas outre mesure dans l’équilibre atteint pas l’ensemble des protagonistes. Encore une fois, l’alchimie est parfaite, illustrée, en guise de bis, par la reprise du chœur inaugural de la Cantate BWV 25 «Es ist nichts Gesundes an meinem Leibe». Gustav Leonhardt peut reposer en paix: son œuvre a été parfaitement assimilée, respectée et poursuivie.


Signalons enfin que, dans le même cadre de l’Eglise Saint Roch, Frans Brüggen dirigera la Passion selon saint Jean le 30 mars prochain, puis Sigiswald Kuijken plusieurs cantates de Bach le 30 mai, comme il avait d’ailleurs déjà eu l’occasion de le faire en 2009.


Le site de Damien Guillon
Le site de Peter Kooij
Le site du Collegium Vocale de Gand



Sébastien Gauthier

 

 

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