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L’opéra en temps de crise

Lisboa
Teatro Nacional de São Carlo
01/14/2012 -  et 17, 19, 22, 24 janvier 2012
Wolfgang Amadeus Mozart : Così fan tutte ossia La scuola degli amanti, KV 588

Carmen Romeu (Fiordiligi), Luisa Francesconi (Dorabella), Eduarda Melo (Despina), Shawn Matthey (Ferrando), João Merino (Guglielmo), Jorge Vaz de Carvalho (Don Alonso)
Coro de Teatro Nacional de São Carlo, Giovanni Andreoli (direction des chœurs), Orquestra Sinfónica Portuguesa, Erik Nielsen (direction musicale et clavecin)
Guy Joosten (mise en scène), Johannes Leiacker (scénographie), Karin Seydtle (costumes), Ivan Munro (lumières)


Le recours à des mises en scènes venues d’autres maisons est un signe qui ne trompe pas. Depuis qu’il existe des plateformes où se peuvent louer les productions – rentabilisation de produits manufacturés plus qu’échange de savoir-faire –, l’usage s’est révélé comme un palliatif aux coupes sombres pratiquées dans les budgets des grandes institutions culturelles, si ce n’est à une direction artistique hasardeuse. Le São Carlo de Lisbonne se remet peu à peu de plusieurs années d’incurie, le contraignant à une refonte partielle de la programmation de la saison. Le présent Mozart donné en janvier témoigne des sacrifices consentis.


Le Così fan tutte réalisé par Guy Joosten, importé de l’Opéra de Flandre, tourne depuis plusieurs années sur les scènes européennes – Genève, dernièrement Helsinki ou Copenhague. La scénographie de Johannes Leiacker, collaborateur régulier de l’iconoclaste Christof Loy, ne choque guère, étant d’une banalité modeste. L’action se déroule dans le hall d’un grand hôtel, avec son personnel attitré. L’inversion de la perspective au second acte nous apprendra qu’il ne s’agit que d’un trois étoiles – là aussi il a fallu réaliser des économies. Plutôt que d’investir la théâtralité et l’artifice de l’intrigue, le spectacle s’attache plutôt à la situer dans une atmosphère d’élégance de pacotille qui rappelle les créations télévisuelles de Jean-Michel Ribes, se diluant ainsi dans des gags datés – l’incendie dans la cuisine, l’incontournable sonnette sur laquelle les chanteurs appuient à la fin de leur air, avec un systématisme qui lasse assez vite.


La distribution vocale est majoritairement péninsulaire. Carmen Romeu, jeune soprano originaire de Valence, montre une belle musicalité en Fiordiligi, même si certaines raideurs dans l’intonation altèrent la séduction de la performance. Celle de la Brésilienne Luisa Francesconi en Dorabella appelle des commentaires similaires. Selon les conventions désormais en vigueur, Despina revient à un soprano plutôt léger, tout à son affaire dans les deux airs qui lui sont confiés, mais un peu en retrait dans la contrefaction du docteur et du notaire, où ressort le chuintement lusophone de son latin. Jorge Vaz da Carvalho incarne un Don Alfonso sonore, quoique passablement sommaire. João Merino recueille des applaudissements nourris pour la vigueur de son Gugliemo, tandis que Shawn Mathey, déjà entendu entre autres à Paris, fait retentir la pâle mélancolie de Ferrando, et sa parenté typologique avec Don Ottavio.


Sans négliger les interventions du chœur préparé par Giovanni Andreoli, nous nous attarderons davantage sur la direction d’Erik Nielsen. Le chef américain imprime à l’ouverture une belle vivacité de tempo, tout en prenant soin de faire ressortir la structure contrapuntique de la partition avec une sapidité fort appréciable. L’intensité dramatique de la vision musicale s’avère cependant inégale au fil de la représentation – conséquence probable d’une mise en scène anecdotisante. On peut certes regretter parfois une relative brutalité des violoncelles, ou une brillance perfectible dans les cuivres. Mais il faut avant tout reconnaître le potentiel de l’Orquestra Sinfónica Portuguesa, qui ne demande qu’à être mis en valeur, à l’image du Teatro de São Carlos, aux pastels un peu austères, mais à l’acoustique merveilleuse de présence – le bois est toujours le meilleur allié de la musique. L’institution lisboète a eu la perspicace idée de confier à quatre compositeurs contemporains portugais l’écriture d’une pièce lyrique de chambre pour un programme commun qui sera donné dans le foyer – la sobriété financière n’entame pas nécessairement l’inventivité. Rendez-vous début mars pour en juger.


Le site du Teatro Nacional de São Carlo



Gilles Charlassier

 

 

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