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SOS

Paris
Salle Pleyel
12/11/2011 -  et 9 (Les Lilas), 10 (Sarcelles), 15 (Cachan), 18 (Villeparisis) décembre 2011
George Gershwin : Rhapsodie n° 2
Friedrich Hollaender : Der blaue Engel: «Ich bin von Kopf bis Fuss auf Liebe eingestellt» (arrangement Jim Holmes)
Kurt Weill : Die Dreigroschenoper: «Die Moritat von Mackie Messer» (arrangement Jim Holmes) – One Touch of Venus: «I’m a stranger here myself»
Mischa Spoliansky : Alles Schwindel (arrangement Jim Holmes)
Leonard Bernstein : Candide (Suite) (arrangement Charlie Harmon) – West Side Story: «Somewhere» (arrangement Nic Raine)
John Kander : Cabaret: «Come to cabaret» (arrangement Rod Dunk)
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Casse-Noisette (Suite), opus 71a (extraits) (arrangement Duke Ellington et orchestration Jeff Tyzik)

Mary Carewe (soprano)
Orchestre national d’Ile-de-France, Wayne Marshall (piano et direction)


W. Marshall (© Edgar Brambis)


Voici maintenant sept ans, Lamoureux avait lancé un SOS – entendre: «Sauvez un orchestre symphonique» – face à la défaillance de ses principaux soutiens publics. La vénérable association symphonique avait finalement été sauvée in extremis, mais c’est maintenant au tour de l’Orchestre national d’Ile-de-France (ONDIF) de se proclamer «en danger». Il mobilise les mélomanes notamment au travers d’une pétition qui, à ce jour, a déjà recueilli plus de 11000 signatures, face à une décision inattendue annoncée il y a deux mois par la direction régionale des affaires culturelles: une réduction de la subvention de l’Etat de 175000 euros par an entre 2012 et 2015, alors que celle-ci s’élève cette année à 2,25 millions d’euros (pour un budget total de 11,5 millions d’euros).


La formation francilienne est – pour l’heure – la seule à faire l’objet d’une telle menace: la mesure serait justifiée par le fait que son taux de subvention par l’Etat (plus de 20%) est supérieur à la moyenne (de l’ordre de 15%) – celui-ci relèvera-t-il pour autant sa participation à due concurrence dans les orchestres se situant en-dessous de cette moyenne? Certes, comme toujours, le désengagement de l’échelon national doit plus ou moins explicitement s’interpréter comme un appel du pied aux collectivités territoriales – en l’espèce aux seuls départements (bien mal en point par ailleurs), car la région intervient déjà à hauteur de 11,5 millions d’euros. Mais que pèsent auprès des décideurs et des électeurs une pratique culturelle peu médiatique, et même réputée ennuyeuse, et un orchestre plus discret que ses homologues qui franchissent chaque année les frontières... mais très rarement celle du périphérique?


Toujours est-il qu’on prend ainsi le risque d’interrompre la progression régulière d’une phalange emmenée à un niveau toujours plus remarquable par Jacques Mercier, «chef permanent» de 1982 à 2002, puis par Yoel Levi, «chef principal» depuis 2005. On prend ainsi le risque de faire regretter à l’excellent Enrique Mazzola d’avoir accepté d’en devenir le directeur musical à compter de la saison prochaine. On prend ainsi le risque d’affaiblir ceux qui portent la musique dite «classique» auprès des populations les plus diverses, y compris scolaires, et jusque dans les endroits les moins favorisés d’une région sans doute relativement peu étendue – et encore, de Pontoise à Saint-Michel-sur-Orge, de Saint-Quentin-en-Yvelines à Montereau-Fault-Yonne – mais assurément la plus peuplée: une mission de service public et, même si Paris est aussi la capitale nationale, de décentralisation culturelle, qui n’est assurée que par l’ONDIF, lequel, malgré des conditions toujours difficiles – ne serait-ce que le changement quasiment permanent de lieu –, ne mégote jamais sur la qualité ni sur l’originalité des programmes.


Intitulé «Travelling», celui qui est actuellement présenté dans cinq villes (de cinq départements différents) en témoigne parfaitement, à la fois bien conçu et grand public, éclairé par une petite brochure (gratuite) que Corinne Schneider enrichit une fois de plus d’un choix de citations tout à fait pertinent (même si l’on peut regretter en l’espèce l’absence des textes chantés ou, du moins, de leur traduction). Car plutôt que de débuter sans imagination par la Rhapsody in Blue, c’est la rare Seconde Rhapsodie (1931) qui a été préférée: bien sûr, l’œuvre, un peu plus brève que son célébrissime modèle, si elle en possède la verve rythmique, ne peut prétendre rivaliser face à ces thèmes immortels. Mais qu’importe, même si Wayne Marshall, qui dirige du piano, dos à la salle (et parfois debout tout en jouant à son clavier), est un peu carré et laisse l’orchestre jouer trop fort, c’est un Gershwin moins connu qu’il est donné à découvrir.


Trois chansons plantent ensuite le décor à Berlin au tournant des années 1920 et 1930 – mais on pense déjà à l’univers de Broadway, car elles sont ici données en traduction anglaise et dans des arrangements très «américains» du chef anglais James (Jim) Holmes (né en 1948): «Falling in love again», de L’Ange bleu (1930) de Hollaender, «La Complainte de Mackie le surineur», de L’Opéra de quat’sous (1928) de Weill, et «Life’s a swindle», de la revue éponyme (1931) de Spoliansky. Difficile de faire oublier Kim Criswell, annoncée en début de saison, mais la pétulante Mary Carewe, bien que peu aidée par une sonorisation sourde et confuse (qui produit en outre un bourdonnement même quand la chanteuse n’est pas en scène), s’en sort mieux qu’avec les honneurs. Changement d’époque et de lieu avec Candide (1956): Marshall connaît bien la comic operetta de Bernstein pour en avoir encore tout récemment dirigé une production au Staatsoper de Berlin; au lieu de la brillante Ouverture, il en offre ici, de façon plus appuyée que légère ou pétillante, la Suite d’un quart d’heure éditée en 1998 par Charlie Harmon, l’assistant du compositeur, et enchaînant les thèmes d’une bonne demi-douzaine de numéros.


Petite piqûre de rappel après l’entracte: un violoncelliste du rang donne lecture d’une subtile fable versifiée – l’humour n’est-il pas la politesse du désespoir? – invitant les spectateurs de Pleyel à signer la pétition susmentionnée, pendant que les chefs de pupitres des cordes jouent debout le début de l’Andante con moto du Quatorzième Quatuor «La Jeune fille et la Mort» de Schubert. Mary Carewe revient ensuite de nouveau pour trois chansons en anglais – mais c’est cette fois-ci leur langue originale, puisqu’elles sont toutes issues de musicals: «I’m a stranger here myself», de One Touch of Venus (1943) de Weill, «Somewhere», de West Side Story (1957) de Bernstein, et «Cabaret», de la comédie musicale éponyme (1966) de Kander. Si cette seconde salve confirme que la chanteuse anglaise ne gagne pas à s’aventurer dans un registre plus opératique, elle fait preuve d’un abattage irrésistible dans son bis, «I got rhythm» extrait de Girl Crazy (1930) de Gershwin, Marshall s’étant pour l’occasion remis au piano, au fond de l’orchestre.


Conclure avec Casse-Noisette (1891) pouvait se justifier par la seule proximité de Noël, mais le lien avec le reste du programme tient en réalité à ce que les cinq extraits de la Suite tirée du ballet de Tchaïkovski ont été arrangés par Duke Ellington en 1960 (et orchestrés par Jeff Tyzik): un travail délirant et réjouissant, qui bouleverse complètement la partition originale, passée à la moulinette des rythmes et harmonies du jazz, et modifie même, avec force calembours les titres originaux (la «Danse de la fée Dragée» devient ainsi «Sugar Rum Cherry»). L’ONDIF se transforme du même coup en big band, cuivres à la fête, et bisse la troisième pièce, une «Dance of the Floreadores» derrière laquelle chacun aura bien sûr reconnu la «Valse des fleurs».


Le site de l’Orchestre national d’Ile-de-France
Le site de Wayne Marshall
Le site de Mary Carewe



Simon Corley

 

 

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