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Grand format et grande forme

Paris
Salle Pleyel
12/02/2011 -  
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 9, opus 125

Sally Matthews (soprano), Karen Cargill (mezzo), Steve Davislim (ténor), Matthias Goerne (baryton)
Chœur de Radio France, Matthias Brauer (chef de chœur), Orchestre philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung (direction)


Manuscrit original (début du deuxième mouvement)


Après avoir dû renoncer à ses deux précédentes prestations avec son Philhar’, Myung-Whun Chung est de retour pour une soirée intégralement consacrée à Beethoven, un compositeur qu’il a fort peu programmé depuis son accession aux fonctions de directeur musical, voici maintenant plus de dix ans. Pour s’en tenir aux Symphonies, il n’a en effet interprété que les Troisième, en mars 2001, novembre 2003 et octobre 2007, Cinquième (par ailleurs enregistrée pour Deutsche Grammophon), en septembre 2005 et octobre 2010, sans oublier une tournée avec la Staatskapelle de Dresde en mai 2008, et Neuvième, en décembre 2005. Même si cet inventaire n’est sans doute pas tout à fait exhaustif, la cause est entendue: le compositeur n’est pas au cœur de son répertoire comme il pouvait l’être pour son prédécesseur, Marek Janowski, ou comme il l’est de ses homologues successifs du National, Kurt Masur et Daniele Gatti. Et, plutôt que de s’intéresser à une ou plusieurs des symphonies qu’il n’a jamais abordées, du moins à Paris, c’est de nouveau la Neuvième (1824) qu’il a choisie: d’une grande brièveté – chose malaisée, il est vrai, que de trouver un lever de rideau approprié – la soirée se donne néanmoins à guichets fermés.


En tout cas, on ne peut reprocher à Chung d’être incohérent avec lui-même, tant sa conception correspond trait pour trait à celle qu’il avait développée il y a exactement six ans jour pour jour au Théâtre des Champs-Elysées. Car ici aussi, les bois – même le piccolo et le contrebasson – et cuivres sont doublés, grâce au renfort de dix-huit étudiants dans le cadre du partenariat («Académie philharmonique») conclu avec le Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Les soixante-dix-sept cordes sont à l’avenant, et, avec les forces vocales et chorales, le nombre des exécutants atteint le chiffre énorme de 224. Ce luxe de moyens laisse admiratif autant que perplexe, un tel effectif laissant craindre des excès fort suspects en même temps qu’il traduit une volonté complètement à rebours de l’histoire récente de l’interprétation beethovénienne, dont témoignent non seulement les formations et chefs «baroqueux» mais aussi des artistes venus d’horizons plus traditionnels, comme en dernier lieu Riccardo Chailly fin octobre, en cette même salle Pleyel, pour la conclusion de son intégrale avec le Gewandhaus de Leipzig.


De fait, le premier mouvement pâtit considérablement de la masse instrumentale, inévitablement épaisse, alors même que le chef lui insuffle l’énergie requise pour qu’elle ne plombe pas excessivement la musique et que les effets de puissance ne manquent pas d’impressionner. Mais l’indication «un poco maestoso» est oubliée au profit d’un ton souvent emphatique et boursouflé: le discours est exagérément théâtralisé tout en renvoyant à certains clichés brucknériens, comme ce début de la coda, ralenti bien au-delà du raisonnable. Si la tentation de dériver vers un style déclamatoire et ampoulé revient ensuite ici ou là, les trois autres mouvements n’en paraissent pas moins nettement plus réussis, que ce soit un Scherzo (avec seulement sa première reprise) vraiment «Molto vivace», un Adagio simple et tendre, et un Finale allant, haut en couleur et empoigné avec dynamisme dès le récitatif des violoncelles et contrebasses.


On ne le répètera jamais assez: le fait que les solistes arrivent au beau milieu de la symphonie, comme si ce qui précède ne les concernait pas, constitue un véritable contresens compte tenu de la dramaturgie du dernier mouvement. Le record est sans doute battu cette fois-ci, car contrairement à l’usage, ils ne rejoignent pas leur place, au premier rang de la tribune du chœur, après le deuxième mouvement ou même après le troisième, mais au beau milieu du Finale, peu de temps avant le solo du baryton. Cela étant, comme toujours, ils n’ont pas la partie facile. Deux d’entre eux n’étaient d’ailleurs initialement pas à l’affiche: la soprano Sally Matthews remplace in extremis et tant bien que mal Agneta Eichenholz, et Matthias Goerne, se substituant à Juha Uusitalo, semble lui-même bien mal en point, car s’il s’illustre par sa finesse coutumière, il se déplace visiblement avec difficulté et doit même renoncer à revenir sur scène pour le dernier rappel. Avec la mezzo Karen Cargill, le quatuor est complété par le ténor Steve Davislim, qui se sort très bien de sa périlleuse intervention. Préparé par son directeur musical, Matthias Brauer, comme pour le concert avec Chailly, le Chœur de Radio France convainc peut-être encore davantage qu’il y a quelques semaines, malgré quelques décalages avec l’orchestre. Quant aux musiciens, qui, pour l’occasion ont laissé au vestiaire fracs et tenus de soirée au profit de costumes de ville sombres, ils confirment que le Philhar’, depuis le début de saison, est en grande forme. Succès légitime, par conséquent, qui conduit Chung à faire reprendre la coda.


Le concert en intégralité:







Simon Corley

 

 

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